Insolvabilité de la Fed. Ce qui paraît être un oxymore pour une entité  pouvant librement activer sa planche à billets électronique est pourtant ce qui menace la banque centrale américaine d’un point de vue strictement technique et comptable, comme l’explique James Turk dans son interview sur KWN (25 janvier 2016) :

« Un gros changement aux lourdes conséquences sur le dollar a eu lieu du côté de la Fed. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un changement positif. Il ne fait qu’empirer les perspectives du billet vert. Pourtant, les médias dominants ne l’ont quasi pas couvert. Regardez plutôt le graphique remarquable ci-dessus.

Le capital de la Fed a plongé du jour au lendemain de 58,7 milliards à 39,5 milliards. La Fed a perdu pour 19,2 milliards d’actifs. Voici un aperçu du bilan de la Fed « avant et après » pour que les lecteurs puissent faire la comparaison.

Conséquences de ce changement, l’effet de levier utilisé par la Fed, autrement dit son passif divisé par son capital, est passé d’un niveau déjà élevé de 75,6 au ratio abasourdissant de 112,6.

Le levier de la Fed désormais égal à celui de LTCM avant sa faillite

Pour mettre ces chiffres en perspective, ils sont similaires à ceux de Long Term Capital Management juste avant que la société morde la poussière. L’effet de levier utilisé par la Fed est tellement important que les autres banques centrales leveragées, comme la BCE, semblent prudentes en comparaison.

Jamais la Fed ne s’est retrouvée dans une telle position. Il s’agit probablement de la banque la plus leveragée de la planète. Il s’agit d’un développement alarmant. Cela signifie qu’il suffit d’une baisse de 0,88 % de la valeur des actifs de la Fed pour engloutir tous ses capitaux disponibles, rendant la Fed aussi insolvable que les banques qu’elle essaie de maintenir à flot.

En réalité, la Fed est probablement déjà insolvable sur base d’une comptabilité « mark to market » (valorisation des actifs à leur valeur réelle sur les marchés). On sait que la Fed possède sur son bilan encore beaucoup de papier qu’elle a acheté durant la crise de 2008 à des banques insolvables. Si ces actifs devaient être liquidés, le produit de la vente serait bien inférieur à leur valeur comptable. Avec la hausse des taux d’intérêt, il est probable que la valeur de marché de ses obligations à long terme a décliné. Cependant, la Fed se garde bien de refléter ces pertes sur son bilan.

Pour ces raisons, on peut présumer sans s’avancer que la valeur des actifs de la Fed est déjà inférieure, peut-être beaucoup moindre, que les 99,12 % de leur valeur d’origine nécessaire pour assurer la solvabilité de la Fed.

Des risques énormes pèsent sur le dollar

La Fed fait peser un risque énorme sur le dollar, et plus généralement sur le système financier dans son ensemble, y compris sur les banques. C’est pourquoi il est important de comprendre pourquoi le capital de la Fed a plongé de cette façon.

Chaque année, la Fed paie un dividende à ses actionnaires, des banques. Ce dividende a pour objectif de compenser les banques pour les capitaux qu’elles ont investis. Après le paiement de ce dividende, tout bénéfice supplémentaire est reversé au gouvernement américain.

En 2015, la Fed a payé 97,7 milliards de dollars au gouvernement fédéral, cela dit en passant un nouveau record. En 2014, les 96,9 milliards reversés par la Fed au gouvernement avaient déjà battu tous les records. Ces sommes énormes furent possibles grâce à la taille exceptionnelle du bilan de la Fed, qui lui a permis d’engranger des profits records.

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Mais l’énorme versement de l’année dernière ne fut pas suffisant pour le gouvernement américain. Les politiciens en voulaient plus. Ils ont donc manœuvré via une clause peu connue du « Fixing America’s Surface Transportation Act », signé par le président Obama le 4 décembre.

Les politiciens désiraient que cette loi, prévoyant de dépenser 305 milliards de dollars en 5 ans, soit financée sans augmentation des impôts. Une telle hausse, en plus de mettre en péril le budget des ménages, n’aurait que réduit davantage la consommation. Les politiques ont donc cherché des sources de financement alternatives partout où il y avait de l’argent à gratter.

Il est important de noter que les 19,3 milliards de capital qu’ils ont pris à la Fed sont des cacahuètes par rapport à la dette fédérale (18,9 trillions + de 100 trillions de dette via des promesses financières non budgétisées). (…) La source de financement de cette nouvelle loi envoie un message critique. Elle montre la véritable position financière du gouvernement fédéral.

Une bombe à retardement qui menace le système financier mondial

La position financière des États-Unis est tellement délicate que le gouvernement doit gratter de l’argent à gauche et à droite. L’argent qu’il a pris à la Fed ne représente pourtant que les fonds de poche. (…)

Ce qu’il faut retenir, c’est que tandis que la Fed parle de normalisation de son bilan et envisage de revenir à un portefeuille d’actifs d’environ 850 milliards de dollars, au même niveau qu’avant la crise de 2008, la réalité est toute différente. La Fed n’a rien fait pour réduire sa voilure. L’énorme plongeon de son capital rend son bilan encore plus anormal et inquiétant. Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que l’or et l’argent connaissent un si bon début d’année. »

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