Interview d’Egon von Greyerz dans la deuxième partie du Keiser Report 825 (20 octobre 2015). Sujets abordés : l’or bien sûr, mais aussi les conséquences des taux négatifs, l’augmentation des déficits publics, le risque immobilier, considéré comme un actif sûr, etc.

Transcription de l’interview d’Egon von Greyerz :

Bienvenue à nouveau dans le Keiser Report, je suis Max Keiser. Il est temps de nous tourner maintenant vers le banquier suisse Egon von Greyerz  de Matterhorn Asset Management et GoldSwitzerland.com. Egon, bienvenue à nouveau dans le Keiser Report.

C’est un plaisir d’être à nouveau ici, Max, merci.

Merci de nous rendre visite des montagnes suisses. Donc, Egon, donnez-nous votre avis à propos de ceci. C’est le graphique que nous avons discuté durant la première partie d’émission. Il met en relation l’expansion du crédit et la croissance du PIB, ce dernier n’évoluant plus. Que se passe-t-il, quel est votre avis ?

Oui. Cela s’appelle la loi des rendements décroissants, ou, simplement dit, la tentative vaine d’ « essayer de pousser sur la corde ».

Il est impossible, comme Krugman le croit et la plupart des gens de la City qui sont derrière nous, de créer de la richesse en créant des quantités infinies de papier sans valeur. C’est pourtant ce que les gouvernements font à travers le monde. Manifestement, nous sommes arrivés au point où le PIB ne progresse plus car cette monnaie créée pour le faire augmenter est dénuée de valeur. Cela dit, si nous calculions le PIB en prenant en compte l’inflation véritable au lieu des chiffres officiels, le PIB serait en baisse plutôt qu’en hausse.

Quelques questions…  Vous dites qu’on ne peut pas décréter la prospérité en créant de l’argent. Cependant, nous vivons dans une économie, et cela remonte à 100-150 ans, dans laquelle le crédit joue un grand rôle dans la croissance économique. Mais il semblerait, et corrigez-moi si j’ai tort, que les cycles économiques que nous avions auparavant, dans lesquels la création de crédit débouchait sur une suroffre de biens et de services qui engendrait la baisse des prix débouchant sur la contraction du crédit… Il semblerait que ces lois de la réalité économique ont été remplacées par ce mantra voulant que quel que soit le climat, les vannes du crédit doivent être laissées grandes ouvertes, peu importe la situation. Est-ce correct ?

C’est bien sûr tout à fait correct. Cela a commencé en 1913 avec la création de la Fed. Depuis, nous avons assisté à une création interrompue de crédit, un phénomène devenu exponentiel à partir de 1971 lorsque Nixon a mis un terme à la convertibilité du dollar en or. Depuis le début des années 90, la dette mondiale a doublé. Depuis 2008, la dette mondiale a augmenté d’environ 73 trillions. Soit de presque 50 %.

Nous avons eu une crise, ils ont essayé de la régler en créant d’immenses quantités d’argent et en facilitant l’accès au crédit. Cette crise est aujourd’hui plus grave, la dette s’est creusée depuis le début de la crise. C’est ainsi que ce système fonctionne. Comme vous l’avez dit… Si nous abolissions les banques centrales, ce que nous devrions faire, si l’offre et la demande déterminaient les marchés, nous n’aurions pas ces bulles énormes. Aujourd’hui, nous avons les bulles les plus massives de l’histoire, et ce à travers le monde.

Vous avez dit que cela remonte à presque 100 ans, la période 1913 coïncidant avec la création de la banque centrale américaine. Il s’agit d’un comportement assez ancré dans l’esprit des gens. Ils ont utilisé cet artifice à de nombreuses reprises afin de s’extirper des difficultés économiques, en ouvrant les vannes du crédit. De leur côté, ils diront que cela a toujours marché, pendant 100 ans cette stratégie a fonctionné. Mais il semblerait d’après ces chiffres de la croissance du PIB… Désormais, il semblerait que cela ne marche plus. Mais comment faire pour leur faire accepter le fait que le remède préconisé, qu’ils ont prescrit pendant si longtemps, ne marche plus ?

Ils ne le reconnaîtront pas. Le monde ne l’acceptera pas car il est habitué à opérer ainsi. Mon opinion des gouvernements est qu’ils achètent des votes avec cet argent créé. Cet argent leur permet d’acheter l’opinion publique. On sait que l’austérité ne marche pas, quel que soit le pays. Ils ont essayé en Espagne, en Grèce ou encore en Italie. Il y a des grèves, des manifestations. Aujourd’hui, les gens ont l’habitude d’être maternés, d’avoir l’État qui s’occupe d’eux. Malheureusement, il est impossible de faire marche arrière.

La création monétaire continuera, même si elle ne résout rien. La dette continuera de se creuser, et en bout de course je suis sûr que nous aurons un QE mondial, même si je déteste cette expression, car « QE » est un terme artificiel qui a été créé pour occulter la réalité de la création monétaire. La création monétaire va s’accélérer dans les mois ou les années à venir, tous les pays feront tourner la planche à billets, des États-Unis au Japon en passant par la Chine et l’Europe. Nous aurons ensuite trop d’inflation, et probablement un épisode d’hyperinflation. Il n’y a donc pas de solution. Les gouvernements ne savent rien faire d’autre. Le système finira donc par s’effondrer.

Ok. Donc, autrement dit, les gouvernements refusent de changer leur comportement, ce qui signifie que l’on se dirige tout droit vers un effondrement économique. Et seule cette catastrophe permettra de forcer l’ajustement nécessaire  des politiques. Je voudrais désormais aborder un autre sujet. Cela fait quelques années que nous parlons de ce thème, mais désormais il y a une nouveauté qui est venue se greffer à ce contexte : les taux négatifs. En fait, en Suisse, ils sont en place, les taux sont négatifs, expliquez-nous tout d’abord de quoi il s’agit exactement, et quelles sont les conséquences.

Ils sont en place en Suisse. J’ai 2 passeports, je suis né en Suède mais je possède aussi la nationalité suisse. Il se fait que ces 2 pays ont mis en place des taux négatifs.

Ah, vous êtes donc le dénominateur commun ! Egon von Greyerz, où qu’il aille les taux se retrouvent en territoire négatif ! Je suppose que ça va désormais arriver en Grande-Bretagne.

Ces taux d’intérêt négatifs sont ridicules. Dans certains cas, vous pouvez être payé pour faire un crédit hypothécaire. Les taux négatifs ont été mis en place par les pays qui reçoivent trop de liquidités. Leur conséquence est que les gens ne reçoivent aucun retour sur leur investissement. Mais alors, pourquoi investir s’il n’y a pas de rendement à la clé ?

La Suisse a mis en place des taux négatifs pour mettre un terme à l’afflux d’argent qui entraine le raffermissement du franc suisse. Nous avons pourtant eu un franc suisse for pendant des décennies, ce qui fut extrêmement bénéfique pour l’économie du pays, qui était le plus prospère d’Europe. Mais la nouvelle philosophie de la BNS a changé : il s’agit désormais d’un hedge fund qui pense pouvoir manipuler l’économie. La BNS possède le ratio le plus élevé du monde entre la taille de son bilan et le PIB national : son bilan représente 85 % du PIB suisse. La Fed en est à 25 % du PIB américain.

Quel est aujourd’hui l’argument qui dissuade la possession d’or ? Avant, on disait que posséder de l’or ne générait aucun rendement alors qu’il faut payer des frais de garde. Mais si vous déposez votre argent à la banque et qu’on vous prélève 1 % chaque année, alors pourquoi le faire ? Vous avez amené un peu d’or, merci, c’est très intéressant.

Ce sont des graines d’or, il me suffit de les planter dans le jardin pour faire pousser un arbre d’or ?

Non. L’or ne poussera pas, par contre sa valeur va croître !

Correct !

Dans ce contexte, pourquoi ne pas convertir cet argent en or, quel est l’intérêt ? Si je mets mon argent à la banque, elle va me prélever un certain pourcentage en vertu de ces taux négatifs.

Il n’y aucun intérêt à mettre son argent à la banque, vous avez raison. Il est clair que le monde ne peut pas fonctionner avec des taux négatifs car le rendement sur l’épargne disparaît. Si vous me posez la question, bien sûr… la valeur de l’argent papier a été détruite durant les 100 dernières années, quel que soit le pays, de 97 à 99 % en termes de pouvoir d’achat ou par rapport à l’or.

En pouvoir d’achat. Mais c’est la première fois qu’ils ont décidé de voler l’argent des épargnants avec les taux négatifs. ABS est devenue la première banque suisse à répercuter les taux négatifs sur ses clients, sur les petits dépôts. Auparavant, seuls les gros clients institutionnels étaient impactés. Mais maintenant cela s’est propagé jusqu’aux particuliers.

Oui. Les gros clients étaient déjà impactés, et maintenant cela commence aussi à toucher les petits clients, les particuliers. Absolument. Il n’y a donc aucun intérêt à mettre son argent à la banque. D’autant que la valeur de cet argent papier est détruite par la création de crédit et la création monétaire.

Mais quid des personnes qui bénéficient de la bulle immobilière résultant de cet accès bon marché au crédit. Vous avez mentionné les crédits hypothécaires qui offrent une rémunération. L’immobilier est-il une bonne valeur-refuge pour l’épargne ?

Malheureusement pour ces gens, ils ne comprennent pas ce qu’ils font. En Suisse, ou en Autriche, vous pouvez obtenir un crédit hypothécaire sur 20 ans pour environ 1,25 %. Ce n’est rien. Les gens ne regardent même plus les coûts annuels. Mais les prix de l’immobilier explosent, on a une bulle immobilière épique dans de nombreux pays européens.

Et si un jour vous devez vendre votre maison parce que vous avez besoin de liquidités, vous risquez de vous retrouver sans offre. Il n’y a pas d’acheteur, en cas de crise beaucoup de gens perdent leur travail si mon scénario se vérifie, donc vous êtes dans l’incapacité de payer vos mensualités ou de vendre votre maison.

L’immobilier résidentiel n’est pas vraiment une classe d’investissement en soi, car ce n’est pas un marché très liquide. Il ne s’agit pas d’un équivalent au cash, contrairement à ce que les gouvernements prétendent.

Exact, et il y a des bulles partout. Prenons par exemple Londres. Pour acheter une propriété de standing, vous pouvez débourser de 200 à 250 millions de dollars. Vous pouvez également acheter une œuvre d’art, une autre classe d’actifs pour les riches, par exemple un Picasso ou un Gauguin, pour disons 250 millions de dollars. Donc, pour environ 1/2 milliard de dollars, vous obtenez un appartement avec un tableau au mur. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. La création monétaire a généré une richesse inouïe pour 0,1 % de la population, ou moins encore. Le reste ne fait que s’endetter toujours plus, une dette qui ne sera jamais remboursée, bien sûr.

En ce qui concerne la Chine, le gouvernement s’est mis à vendre ses obligations américaines et achète de l’or. La Russie achète également de l’or.

Et la Russie vend aussi des Treasuries. Oui.

Comment cette tendance va-t-elle évoluer selon vous ?

Tous ces gouvernements savent que le dollar sera la prochaine devise à tomber. Tout simplement parce qu’il n’est pas possible d’émettre la monnaie de réserve mondiale tout en étant le pays le plus endetté de la planète et en ayant été incapable de dégager un excédent budgétaire depuis le début des années 60 et une balance commerciale positive depuis les années 70.

Donc le dollar, et à mon avis très bientôt, dans les mois à venir, va commencer à baisser, et de façon dramatique.

Mais ce qui garantit la valeur du dollar depuis si longtemps, comme nous l’avons souvent dit dans cette émission, c’est le Pentagone. Mais les choses changent.

Oui, ce qui se passe en Syrie est très intéressant d’un point de vue géopolitique.

Ce n’est pas très bon pour le dollar.

L’or finira par refléter les conséquences de cette création monétaire et de la situation du dollar. Il s’agit d’un gramme d’or, à 40 $ la pièce…

Merci Egon, merci beaucoup.

Ok…  Cela vaudra au moins 400 $ en argent d’aujourd’hui, mais cela pourrait très bien aussi valoir 4 trillions en dollars du futur, même si cette somme ne voudra rien dire. L’or a au moins le mérite de préserver votre pouvoir d’achat, ce que l’argent papier ne fera jamais, c’est sûr et certain.

Nous sommes arrivés au terme de cette émission. Merci de votre présence dans le Keiser Report.

Merci Max, ce fut un plaisir.

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