On pensait avoir tout vu avec la farce des deux dernières élections grecques. Le Portugal vient de placer la barre encore plus haut après que son président ait bloqué la formation d’un gouvernement par une majorité parlementaire anti austérité et eurosceptique. Article d’Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph :

« Le Portugal traverse le Rubicon alors que la gauche anti euro est bannie du pouvoir

Le Portugal vient d’entrer dans des eaux politiques dangereuses. Pour la première fois depuis la création de l’Union monétaire européenne, un État membre a pris la décision explicite de bloquer l’accession au pouvoir de partis eurosceptiques au nom de l’intérêt national.

Anibal Cavaco Silva, le président constitutionnel du Portugal, a refusé la nomination d’un gouvernement de coalition de gauche même si celui-ci a obtenu la majorité absolue au Parlement portugais et a obtenu le mandat de mettre un terme au régime d’austérité imposé par la troïka.

Il a estimé qu’il était trop risqué de laisser le Bloc de Gauche ou les Communistes se rapprocher du pouvoir en insistant sur le fait que les conservateurs doivent se rassembler en tant que minorité afin de satisfaire Bruxelles et apaiser les marchés financiers étrangers.

La démocratie doit passer au second plan, derrière les premières priorités que sont les règles de l’euro et l’adhésion à la zone.

« En 40 ans de démocratie aucun gouvernement du Portugal ne fut dirigé grâce au soutien de forces antieuropéennes soit des forces qui ont fait campagne pour abroger le traité de Lisbonne, le pacte fiscal, le pacte de croissance et de stabilité ainsi que pour démanteler l’Union monétaire et sortir le Portugal de l’euro, en plus de vouloir dissoudre l’OTAN » a déclaré M. Cavaco Silva.

« C’est le pire moment pour un changement radical des fondations de notre démocratie. Après avoir supporté un programme onéreux d’assistance financière qui a entraîné de lourds sacrifices, il est de mon devoir, dans les limites de mes pouvoirs constitutionnels, de faire tout ce qui est possible pour éviter d’envoyer de faux signaux aux institutions financières, aux investisseurs et aux marchés. » (…)

Le leader des socialistes, Antonio Costa a réagi violemment, qualifiant la décision du président de « grave erreur » qui menace de plonger le pays dans une tempête politique.

« Il est inacceptable d’usurper les pouvoirs exclusifs du parlement. Les Socialistes n’accepteront pas de recevoir de leçons du professeur Cavaco Silva sur la défense de la démocratie » a-t-il déclaré. (…)

Il ne pourra y avoir de nouvelles élections avant la seconde moitié de l’année prochaine d’après la constitution portugaise, le pays risque donc un an de paralysie politique. (…)

La dette publique du Portugal est de 127 % du PIB ou une dette globale de 370 % soit pire que celle de la Grèce. (…) »

Le discours du président portugais est historique : pour la première fois, un homme politique européen d’envergure reconnaît clairement :

  1. Que le « vote démocratique » n’est valable que pour certains partis (après le cordon sanitaire des partis catalogués dans l’extrême-droite voilà que les partis anti austérité et/ou anti euro sont également relégués dans les rangs des parias) ;
  2. Que l’Europe prime sur la démocratie ;
  3. Que les marchés priment sur la démocratie.

Nous laisserons le mot de la fin de nouveau à Ambrose Evans-Richards :

« Les socialistes européens font face à un dilemme. Ils se réveillent enfin à la vérité désagréable que l’union monétaire est une entreprise autoritaire de droite qui s’est débarrassée de sa laisse démocratique alors que toute tentative d’agir contre ce fait risque de les barrer du pouvoir. Bruxelles a vraiment engendré un monstre. »

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