La Pologne vient d’annoncer son intention d’acheter 100 tonnes d’or, soit un peu moins de la moitié de son stock actuel. Après un coup d’arrêt, allons-nous connaître une reprise des achats massifs d’or des banques centrales ? Probablement pas, selon les spécialistes du secteur. Cependant, elles devraient rester des acheteuses nettes, alors que la sortie de crise fournit des moyens financiers pour accumuler un nouveau du métal  (source).

Les achats d’or des banques centrales devraient être « modérés » en 2021, selon des analystes. Cela pourrait ralentir l’ascension du métal après l’avoir soutenue.

En 2018, les achats des banques centrales ont sauvé le marché mondial de la demande la plus faible depuis 2009. Ils n’avaient plus été aussi importants depuis la fin des années 1960. Mais les achats d’or des banques centrales furent encore plus massifs en 2019.

Cependant, en 2020, cette demande a chuté à son plus bas niveau depuis 2010. La flambée des prix, ainsi que l’impact financier de la pandémie de Covid et des confinements ont dissuadé les gestionnaires de réserves des pays émergents.

Central bank net gold demand per year, 1980-2020. Source: BullionVault

2021 et au-delà : reprise des achats d’or des banques centrales ?

Alors que 2021 devrait désormais être le théâtre d’un rebond économique mondial, « la possibilité de flux de capitaux dans les marchés émergents et l’environnement de taux d’intérêt bas pourraient convaincre les banques centrales d’ajouter de l’or à des fins de diversification », a écrit Krishan Gopaul, analyste senior du World Gold Council.

Mais dans l’ensemble du secteur officiel, dans lequel les États-Unis d’Amérique, le pays qui possède le plus d’or au monde, n’ont signalé aucun changement depuis 1980 et où les États d’Europe occidentale ont cessé de vendre depuis la crise financière mondiale d’il y a plus de dix ans, janvier a marqué un troisième mois de ventes nettes depuis juin 2020, selon les derniers chiffres du WGC. Cela suggère que si les banques centrales « resteront acheteuses nettes en 2021 », ce sera « de façon modérée ».

La baisse des achats d’or des banques centrales a représenté « un défi pour le prix de l’or », selon une analyse du groupe financier américain Bank of America, soulignant également la faiblesse des ventes de bijoux. Ainsi qu’un « manque d’intérêt » parmi les gestionnaires de fonds et autres investisseurs professionnels en raison de la baisse de 20 % de l’or par rapport au dernier record d’août dernier, à plus de 2.000 $ l’once.

Mais l’annonce de cette semaine en provenance de Pologne, selon laquelle la Narodowy Bank Polski envisage d’acheter 100 tonnes « dans les années à venir nous rappelle qu’il existe une forte demande pour le métal jaune », indique une note de l’équipe métaux précieux de BNP Paribas. Annoncée par le président de la Banque centrale polonaise Adam Glapiński à l’occasion d’une interview avec le magazine hebdomadaire pro-gouvernement Sieci, cette décision répéterait les achats effectués par Varsovie entre 2018 et 2019.

Cela a porté la NBP dans le top 20 des banques centrales qui possèdent le plus d’or, grâce aux 229 tonnes de lingots qu’elle possède actuellement.

La suspension des achats d’or de la Russie : un phénomène temporaire ?

Cependant, à la tête de la baisse des achats officiels d’or en 2020, on trouve la Banque centrale de Russie. Elle a acheté en moyenne 205 tonnes par an depuis 2014, mais 27 tonnes seulement l’année dernière.

Moscou a suspendu ses achats au printemps dernier alors que la chute des prix du pétrole causée par le Covid (et aggravée par la guerre des prix de la Russie avec l’Arabie saoudite) a frappé de plein fouet son économie, ses recettes fiscales et ses revenus en devises. La situation a également débouché sur la chute du rouble russe sur le marché des devises, ce qui n’a rien arrangé. Mais cela a porté le prix de l’or à de nouveaux sommets historiques en roubles de février à avril, puis de juillet à octobre.

«  En raison des achats d’or modérés de la banque centrale, la majorité de la production d’or russe de cette année a été exportée, ce qui a contribué à amortir le coup porté aux réserves de change de la Russie dans ce contexte de chute des prix du pétrole », a déclaré le cabinet de conseil spécialisé Metals Focus en décembre.

À l’instar d’autres États de l’ex-Union soviétique qui produisent de l’or comme le Kazakhstan, « le fait que les réserves d’or peuvent être aisément acquises sur le marché local sans affecter les réserves de change donne à la Russie la flexibilité d’ajuster ses programmes d’achat à l’avenir », poursuit l’analyse.

« De ce fait, il est plausible que les banques centrales reconsidèrent des achats d’or à grande échelle une fois que leur économie se normalisera. »

Visant à plus que doubler le poids de l’or dans les réserves de Varsovie pour le porter à 20 %, soit « bien au-dessus de la norme standard, qui est de 10 à 12%, ces velléités propulsent la Banque centrale de Pologne dans le camp des partisans de l’or », déclare BNP Paribas.

La Pologne passe agressivement à l’achat

« Les réserves d’or sont importantes dans l’optique de la façon dont est perçu un État, sa force économique, a déclaré Glapiński. La Pologne est déjà une puissance économique ascendante … l’une des plus résilientes et dynamiques d’Europe, et peut-être aussi du monde. »

Les 100 tonnes achetées en 2018-2019 ont été importées de Londres pour être stockées en Pologne, a noté Glapiński, ajoutant que les 100 tonnes qui devraient être achetées seraient également conservées sur le sol national.

Lorsque ce programme sera conclu, la Banque centrale polonaise pourrait supplanter la Bank of England en termes de réserves d’or. Officiellement, elle en détient aujourd’hui 310 tonnes, après avoir vendu la moitié de son stock au cours des années 2000.

La Hongrie avait également fait la une des journaux en 2018, lorsque Budapest a augmenté ses réserves d’or de 3 tonnes à 31 tonnes.

« À l’avenir, nous anticipons que le secteur officiel restera du côté de la demande, même si les achats nets devraient rester modestes par rapport aux niveaux de ces dernières années. Après tout, la diversification reste le principal moteur de l’intérêt des banques centrales pour l’or, en particulier compte tenu des tensions géopolitiques élevées », a écrit Metals Focus.