Le marché obligataire tangue ? Pas de problème. Si l’Italie ne joue pas selon les règles de l’Europe, la BCE pourrait laisser faire en se contentant de prendre soin « des autres membres de la zone euro », en « contrôlant simplement le désastre ». Si cela devait dégénérer, car la situation est loin d’être catastrophique.

Après le plongeon vertigineux du marché obligataire italien ce lundi et ce mardi, la BCE n’a pas perdu de temps pour communiquer via les canaux officieux. Elle n’interviendra pas pour le moment. Elle garde un œil sur les obligations italiennes, qui n’ont de toute façon pas tant plongé que cela. Leur taux reste modeste, tandis qu’il n’y a encore aucun signe de tension sur le marché du prêt interbancaire italien. Les dépôts sont stables, il n’y a donc rien qui exige l’intervention de la BCE.

Ils ont également déclaré que la BCE ne dispose ni des outils ni du mandat pour résoudre ce qui est considéré comme étant tout d’abord une crise politique en Italie.

Ces messages ont été véhiculés par des « sources proches du dossier », qui ont ensuite été qualifiées par Reuters de « 3 officiels ».

Voici ce à quoi ils ont réagi : l’obligation italienne sur 2 ans a explosé. D’un taux de presque zéro, elle a bondi à 2,8 %, la majorité de ce mouvement s’étant produit lundi et mardi. Ce mercredi, les choses se sont calmées à 1,73 %. Voici un graphique sur base d’une heure qui met en exergue les mouvements enregistrés durant ces 4 jours :

obligations italiennes 2 ans

Les sources ont indiqué que les taux des obligations italiennes, représentatifs des coûts de financement du gouvernement, restent 2 fois moins élevés que durant le pic de la dette de la crise de 2011.

Aujourd’hui, le gouvernement italien a vendu pour 1,8 milliard d’euros d’obligations sur 10 ans à un taux de 3 %. Le coût de financement du gouvernement a donc bondi de 1,7 % par rapport à la dernière émission similaire, mais on reste bien loin des 7,56 % qu’il devait payer en novembre 2011 alors que la crise de la zone euro atteignait son paroxysme. À titre de comparaison, c’est également légèrement supérieur à ce que doit débourser le gouvernement américain (2,66 % actuellement).

Hier, qui fut l’une des pires journées des obligations italiennes de l’histoire de la zone euro, le gouvernement a vendu pour 5,5 milliards d’obligations sur 6 mois à un taux moyen de 1,21 %. Si on est loin des taux négatifs des émissions précédentes, lorsque les investisseurs acceptaient de façon absurde de payer le gouvernement italien pour avoir le privilège de lui prêter de l’argent, ce taux reste bien inférieur à celui des Treasuries sur 6 mois, qui est de 2,06 %. (…)

Le gouvernement italien n’est donc pas mis en difficulté dans un tel environnement. (…) Il n’y a donc aucunement péril en la demeure. (…)

La BCE pourrait intervenir en cas de dégradation… mais sous conditions

Cela ne signifie pas que la BCE laissera faire quoi qu’il arrive. Mais cela se ferait en échange d’un « programme d’ajustements ». Autrement dit, de mesures d’austérité. C’est ce que le vice-président de la BCE, Vitor Constancio, a communiqué à l’occasion d’une interview accordée le 29 mai au Spiegel. Lorsqu’on lui a demandé si l’Italie serait livrée à elle-même si elle décidait de ne pas suivre les règles fiscales de l’Union, il a répondu : « Je vous dirais que l’Italie connaît les règles. Elle devrait peut-être les examiner à nouveau. »

Le message est clair : si la Ligue du Nord et le Mouvement 5 Étoiles n’obtempèrent pas aux demandes de Bruxelles, l’Italie ne pourra pas compter sur la BCE en cas de remous obligataires. Celle-ci se contenterait d’empêcher la contagion… ou tout du moins d’essayer.

En cas de désastre contrôlé par la BCE, les porteurs d’obligations italiennes devraient négocier directement avec le gouvernement italien. Mais nous n’en sommes pas encore là. Le marché obligataire ne spécule d’ailleurs pas sur un tel scénario. Nous sommes simplement dans une phase de normalisation des taux, mais qui a lieu de façon mouvementée au lieu d’être graduelle.

Traduction condensée de l’article de Wolf Richter, publié le 30 mai 2018 sur WolfStreet.com