Non seulement les banques italiennes sont sur la corde raide depuis 2007, mais leur faillite ou sauvetage entraînerait avec eux bon nombre de petits investisseurs, lourdement exposés aux obligations bancaires (mais aussi souveraines). Chronique d’un désastre annoncé…  avec cet article de LUCA CASIRAGHI et TOM BEARDSWORTH, publié le 28 juillet 2016 par The Globe ad Mail (via Bloomberg) : 

« Vincenzo Imperatore veut que vous sachiez qu’il ne faisait que suivre les ordres : vendre des obligations risquées à des clients cherchant un investissement sûr pour leur retraite faisait partie de son job. Lorsque les marchés financiers se fermèrent durant la crise financière, les épargnants furent la source la plus fiable de financement des banques italiennes.

« Je recevais 5, 6 appels par jour de mes patrons me mettant la pression pour les vendre, » a déclaré Imperatore, qui a vendu pendant 6 ans des produits à des clients particuliers d’ UniCredit SpA dans la région de Naples et qui a écrit 2 livres révélant son expérience. « Je donnais pour instruction aux conseillers locaux d’en faire de même. »

Les ménages qui ont aidé à soutenir les banques de la nation durant la crise sont à nouveau en première ligne pour aider le système financier italien vacillant. La dette subordonnée qu’ils possèdent pourrait être la première à devoir supporter des pertes dans la recapitalisation orchestrée par le gouvernement des banques, négociée entre Bruxelles et Rome. Il s’agit de l’issue impopulaire que le premier ministre Mathieu Renzi tente d’éviter avant la tenue d’un référendum visant à remanier le système politique- une victoire dans ce scrutin lui étant indispensable pour rester au pouvoir.

Une dette plus risquée

Si la stabilité des banques italiennes fut un problème brûlant pour les politiciens italiens depuis les premiers remous de la crise financière mondiale, le résultat des stress tests de vendredi pourrait déclencher la dernière étape de la résolution. Les petits investisseurs possèdent environ la moitié des actifs les plus vulnérables, héritage de l’habitude des banques d’utiliser leurs clients en tant que source de fonds pour se financer à bon compte.

Vendre de la dette subordonnée aux épargnants fut « la façon dont ils ont recapitalisé le système bancaire », a déclaré Jim Millstein, le technicien du Trésor américain qui a supervisé la restructuration des banques américaines après la crise financière, dans une interview télévisée avec Bloomberg. En imposant des pertes aux porteurs d’obligations, « vous faites du tort à des gens qui auraient pu dépenser leur argent dans votre économie, » a-t-il déclaré.

UniCredit, le plus gros établissement de crédit italien, n’a pas souhaité commenter les souvenirs d’Imperatore. La valeur de ces obligations est restée stable, ce qui signifie que les investisseurs ne s’attendent pas à encaisser des pertes. La banque envisage de lever jusqu’à 5 milliards d’euros auprès de ses actionnaires et de vendre tous ses titres à la banque polonaise Pekao SA afin de lever des capitaux, d’après des personnes proches du dossier.

Au zénith de la crise financière, entre juillet 2007 et juin 2009, 80 % des obligations émises par des banques italiennes ont été vendues à de petits investisseurs , d’après le régulateur Consob. Via les épargnants, les banques se sont financées à des taux similaires à ceux du gouvernement italien alors que les gestionnaires professionnels bénéficiaient d’un rendement supérieur, d’après le rapport de 2010.

Cette pratique a quasiment cessé cette année. En 2016, une seule banque italienne, Mediobanca SpA, a vendu de la dette subordonnée avec un minimum d’entrée prévu pour attirer les petits investisseurs, d’après les données compilées par Bloomberg, vendant pour 200 millions d’euros d’obligations juniors d’une valeur de minimum 1.000 €. (…).

Cependant, les épargnants italiens possèdent encore pour 31 milliards d’euros d’obligations bancaires subordonnées en octobre, soit plus du double de ce qui se trouve dans les mains d’investisseurs étrangers (13 milliards), d’après la banque d’Italie. Cela correspond à environ 1.260 € d’obligations par ménage italien. Banca Monte dei Paschi di Siena SpA, exposée à environ 27 milliards de prêts toxiques et qui doit être recapitalisée, a émis pour environ 5 milliards d’obligations. Une porte-parole de la banque a refusé de commenter la question des porteurs de ces obligations.

Souffrance des ménages

Cela ne serait pas la première fois que les ménages italiens soient les victimes d’un retour de manivelle dans leur recherche de rendement. Environ 450.000 épargnants ont perdu de l’argent suite au défaut de l’Argentine en 2001, et 100.000 2 ans plus tard après l’effondrement de Parmalat.

Les Italiens privilégient les investissements à rendement fixe. Fin 2015, ils détenaient pour environ 430 milliards d’euros d’obligations, soit 2,5 fois plus que les Allemands et 3,5 fois plus que les Britanniques, d’après l’association du secteur de l’investissement Assogestioni. (…) Le drame s’est déjà abattu sur les épargnants alors que 4 petites banques se sont vues imposer des pertes sur leurs obligations subordonnées.

Des accusations de vente malhonnête

Banca Popolare dell’Etruria e del Lazio SC et Banca delle Marche SpA, 2 banques insolvables, ont poussé des clients ayant très peu de connaissances financières à échanger leurs obligations d’État contre des instruments subordonnés à partir de 2007, d’après Floro Bisello, avocat de la petite ville côtière de Pesaro qui représente quelques petits porteurs d’obligations et d’actions des banques en faillite. (…)

Suicide de retraités

Un concierge d’école retraité d’Urbino, dans le centre de l’Italie et qui a souhaité conserver l’anonymat, a vu s’envoler en fumée 112.000 € investis dans des obligations subordonnées de Banca Marche, le plus gros de ses économies de toute une vie. Il a déclaré que sa banque lui avait conseillé d’échanger ses obligations de premier rang contre des obligations subordonnées en 2007. Il a réalisé avoir tout perdu lorsque, alarmé par les nouvelles concernant la faillite imminente de la banque, il a demandé davantage d’informations à son agence locale l’année dernière.

Les pertes des porteurs d’obligations sont devenues un sujet chaud l’année dernière lorsque les médias nationaux ont couvert le suicide d’un retraité vivant près de Rome, acte commis après qu’il ait appris qu’il avait perdu plus de 100.000 € sur ses investissements dans la banque Etruria. (…) »

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