Les règles de Bâle III affectant l’or devaient entrer en vigueur le 29 mars 2019. Après plusieurs reports, la nouvelle date de leur entrée en vigueur est fixée au 28 juin 2021. En bref, l’or physique sera considéré comme un actif de niveau 1. Il aura le même poids sur le bilan d’une institution financière que du cash ou des obligations souveraines. Auparavant, il était considéré comme un actif de niveau 3, soit peu enviable (50 %). Selon certains experts, cela pourrait complètement changer les règles du jeu, en limitant la capacité actuelle des banques de lingots de shorter l’or avec des positions synthétiques (source).

Bâle III et l’or

Le 28 juin 2021, Bâle III modifiera la façon dont l’or est valorisé. Cet événement a été décrit par des analystes des métaux précieux comme le plus marquant de leur carrière. Comment cela va-t-il changer la donne pour les investisseurs dans l’or et les métaux précieux ?

En 2008, Lehman Brothers s’est effondré. Ils étaient too big to fail, selon certains. Ils seront renfloués, pensait-on. Ils ne l’ont pas été. Ils sont allés directement au tapis. La faillite fut essentiellement précipitée par l’utilisation d’effets de levier trop importants, des crédits imprudents et la falsification des comptes financiers de la firme. Pour éviter une répétition de cet incident, des réglementations strictes ont été introduites dans le secteur bancaire et financier. Les accords de Bâle visaient principalement à renforcer la sécurité du crédit.

Quel est le rapport de tout ceci avec l’or ? Il est étroit. Depuis l’aube de l’humanité, l’or et l’argent sont utilisés pour acheter des biens et des services, échanger et conserver sa richesse. Les banques centrales du monde entier en détiennent et l’utilisent comme garantie, car il a récemment été reclassé en tant qu’actif de niveau 1. Cependant, l’or physique et l’or papier sont échangés très différemment. Ceci est sur le point de changer.

La plupart d’entre nous ont probablement été victimes de la manipulation des prix de l’or et de l’argent papier. Pendant des années, certaines banques ont utilisé leurs capacités pour massacrer le prix du papier via des ventes à découvert nues et le spoofing. Certains acteurs, et non des moindres, ont d’ailleurs été reconnus coupables et condamnés à des amendes.

Mais cela continue parce que, malheureusement, la sanction n’a pas été à la mesure du crime. Elle est donc largement insuffisante pour décourager les énormes profits que ces traders retirent de cette activité illégale. Mais pourquoi manipuler spécifiquement les marchés des métaux précieux ?

Eh bien, si vous avez besoin de beaucoup d’argent pour le vendre à des fins industrielles (ce dont le monde a encore plus besoin avec le nouveau plan vert de Biden) ou si vous voulez remplir vos coffres avec de l’or bon marché, c’est pratique. Bien que douloureux pour les partisans des métaux précieux, cela pourrait bientôt être de l’histoire ancienne. Selon les règles de Bâle III, les banques devront présenter un ratio prouvable d’or physique à 100 % si elles veulent en avoir sur leur trésorerie. Cela change tout.

Le London Bullion Market (LBMA) a repoussé et tenté de retarder ce changement de règle en déclarant qu’il pourrait précipiter la fin de certaines banques. Ce changement pourrait mettre un terme aux manipulations du prix des métaux précieux via les marchés papier.

Dans ce contexte, la récente action des prix de l’or semble curieuse. Du record de la mi-2020 à un peu moins de 2.100 $ à environ 1.700 $, il y a de quoi se poser des questions. D’autant plus que d’autres matières premières majeures sont à leur plus haut sur plusieurs années.

Les métaux précieux physiques deviennent de plus en plus chers, mais les prix à terme de l’or chutent. Si des leçons ont sans aucun doute été tirées de l’accident de 2008, il serait à la fois naïf et insensé de penser que Wall Street n’envisagerait pas tous les moyens de vous couper la tête si vous avez des dents en or. Avec des milliards de milliards imprimés aux États-Unis, une politique monétaire accommodante en place auprès de toutes les banques centrales du monde, des taux d’intérêt très bas, l’inflation qui pointe à l’horizon, des inquiétudes géopolitiques et la destruction du dollar, pourquoi l’or s’échange-t-il à des niveaux moins élevés ?

Cela soulève donc un faisceau de questions très, très sérieuses : le prix de l’or a-t-il été manipulé à la baisse pendant que les banques (qui ont eu des années pour se préparer à cette date à venir) accumulent de l’or physique bon marché avant la date limite de Bâle III ? La Chine a-t-elle été impliquée dans la mesure où elle dispose désormais d’un stock que l’on dit supérieur à celui des États-Unis ? Envisage-t-elle d’utiliser ses énormes surplus d’or pour garantir la valeur de sa nouvelle monnaie numérique ? Le COMEX sera-t-il en mesure de faire face à cette demande physique supplémentaire, surtout si la livraison est imposée au lieu de l’habituel règlement en cash ? Et, plus important encore, cela pourrait-il conduire à une revalorisation complète du prix de l’or alors que les banques cherchent à exploiter cette nouvelle valorisation pour éponger leurs dettes colossales, ce qui propulserait les cours vers des sommets ? Pourquoi ne voudraient-ils pas que le prix de l’or monte en flèche s’ils pouvaient l’utiliser pour se refinancer ? Et quel est le juste prix de l’or ? 2.100 $ ? 2.500 $ ? 5.000 $ ?

Bâle III pourrait changer la donne, mais cet événement n’est pas sur l’écran radar de la plupart des investisseurs. À partir du 28 juin 2021, l’Europe cessera de considérer l’or papier non alloué comme un actif de niveau 1. Il doit y avoir un adossement physique à 100 % prouvé, ce qui devrait mener à un marché de l’or dépendant plus du métal physique. Cela doit simplement être considéré comme haussier pour l’or et tous les autres métaux précieux.

Cela pourrait bien être un tournant. Il pourrait ainsi y avoir une énorme volatilité sur ce marché à l’approche de ce qui pourrait être un bouleversement concernant la façon dont le métal jaune est valorisé.