Article de John Mauldin, publié le 31 août 2016 sur Forbes.com :

« Une élection importante approche, mais je ne fais pas référence à l’élection présidentielle américaine. Le référendum prévu à l’automne en Italie aura un impact macro-économique majeur au niveau mondial. Pourtant, en dehors de l’Italie, peu nombreux sont ceux qui s’y intéressent… En tout cas, pour l’instant.

Cela fait un moment que je répète à l’occasion d’interviews que le référendum italien pourrait avoir plus d’impact que le vote du Brexit. Dans les 2 cas, ces votes se font dans un contexte de remous politiques et émotif, ce qui signifie que les 2 camps sont tellement proches qu’il est difficile de faire des pronostics.

Le premier ministre actuel, Matteo Renzi, joue sa carrière sur ce référendum, qui lui permettrait de mettre en place les réformes tant nécessaires. Il s’agit des réformes que je préconise dans mes billets depuis 5 ans ainsi que dans mes 2 livres.

L’Italie a un processus de gouvernance aussi sclérosé que les autres pays européens. Cela en dit long. La corruption et les politiques de copinage sont la règle. Chaque faction souhaite conserver le statu quo, ses petits avantages tout en souhaitant faire plier les autres. Si vous êtes un électeur italien, votre frustration est bien compréhensible.

Ce vote en Italie, vous devez l’ajouter sur votre radar économique. Si le non l’emporte, Renzi a promis de démissionner. Ce qui engendrerait une crise politique en Italie. Il y aurait ensuite une réelle possibilité de voir le choix des électeurs se porter sur des partis susceptibles de proposer un référendum sur la question de l’appartenance à l’Union européenne. Si cela devait avoir lieu, qui sait comment les Italiens se prononceront ?

Qu’on se le dise, l’Union monétaire européenne ne fonctionne pas très bien, si elle fonctionne, en Italie. La victoire du non au référendum sonnerait le glas de l’euro.

Nick Andrews, qui écrit pour mes amis de Gavekal, a fait un excellent résumé de la situation en Italie, qui mérite toute votre attention.

Le grand pari de Renzi, par Nick Andrews et Stefano Capacci

En Italie, les premiers ministres vont et viennent. Il y en a eu 4 depuis la crise financière, mais rien ne semble changer. Le premier actuel, Matteo Renzi, a poursuivi des réformes structurelles plus énergétiquement que ses prédécesseurs. Mais au vu des progrès accomplis, il avance aussi vite que dans une piscine de mélasse. Désormais, dans le but d’obtenir le mandat populaire pour mettre en place son programme de réformes, Renzi a mis en jeu son poste en proposant un référendum sur des réformes constitutionnelles bien nécessaires. Il s’agit d’un pari risqué. Si Renzi l’emporte (le référendum est prévu en octobre/novembre), ses propositions moderniseront le processus législatif, mettront un terme au blocage parlementaire qui a paralysé de nombreux gouvernements tout en ouvrant la voie à des réformes économiques à large portée. S’il perd, Renzi a promis de démissionner, si bien que ce référendum a valeur de vote de confiance pour un premier ministre pro Europe qui n’a pas été élu. Par extension, il s’agit d’un référendum sur l’appartenance de l’Italie à la zone euro. De ce fait, la victoire du non en octobre ne précipitera pas uniquement la chute du gouvernement de Renzi ; ce résultat pourrait remettre en question l’appartenance de l’Italie à la zone euro pour ensuite plonger la monnaie unique dans une nouvelle crise.

Une politique caduque

Le problème fondamental de l’Italie est sa politique caduque. Son ancien modèle économique, en place depuis plus de 3 décennies du XXe siècle, reposait sur une combinaison de dévaluation afin de maintenir sa compétitivité internationale et de dépenses fiscales pour soutenir les régions les plus pauvres du sud du pays.

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L’adoption de l’euro a mis un terme à cette politique, empêchant de facto la dévaluation et les déficits budgétaires de 10 % du PIB du passé. Cependant, le système parlementaire à 2 chambres de l’Italie, avec une chambre basse et une chambre haute, le Sénat et la Chambre des Députés, dont les pouvoirs législatifs sont égaux, a rendu quasi impossible la mise en place des réformes structurelles indispensables à l’Italie pour prospérer au sein de la zone euro. Le pays n’a pas seulement connu une croissance moribonde et un appauvrissement relatif, mais un déclin net du niveau de vie alors que le PIB par habitant a chuté à un plus bas de 20 ans.

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Une telle performance en dessous de la moyenne a mené à l’accumulation de créances douteuses sur les bilans des banques italiennes, dont 18 % des crédits sont désormais considérés comme non-performants. Ce qui a réduit la capacité du secteur bancaire à fournir du crédit aux milliers de petites entreprises qui sont le moteur économique de l’Italie, et qui fournissent la majorité de la croissance de l’emploi. Un tel contexte mène à la stagnation.

Pour avoir une chance de se sortir de ce piège, l’Italie doit mettre en place des réformes structurelles générales afin d’améliorer sa compétitivité par rapport à ses voisins de la zone euro. Le pays doit notamment améliorer la flexibilité de son marché du travail afin de favoriser la création d’emplois, il doit faire tomber les barrières qui protègent la plupart des secteurs des services dans le pays, il doit réformer son système judiciaire tellement sclérosé qu’une faillite peut prendre 10 ans ou plus pour être prononcée. Il doit également réformer son système bancaire dysfonctionnel et fragmenté.

Si les mesures à prendre sont claires, le système politique italien empêche virtuellement la mise en place des réformes nécessaires. Renzi a déjà tenté de réformer le marché du travail italien en essayant de supprimer les protections généreuses qui compliquent les licenciements, qui plus est onéreux, des complications qui encouragent donc les entreprises à se tourner vers les travailleurs temporaires, ce qui alimente l’insécurité économique auprès des jeunes.

Mais la tentative de Renzi s’est opposée à la farouche opposition des syndicats italiens, puissants et populaires. Résultat des courses, la réforme loin des objectifs initiaux promet quasi un emploi à vie à ceux qui disposent d’un contrat à durée indéterminée. Ce fut un coup dur à la popularité de Renzi, dont il doit encore se remettre.

Mais il s’agit d’une histoire bien connue en Italie. Les intérêts particuliers, que ce soient des politiciens locaux ou régionaux, des syndicats, des professions protégées ou des sociétés privées, exercent une influence énorme sur le processus politique. Ce qui est tout au profit du statu quo, qui garantit les avantages du passé.

C’est ce que souhaite changer Renzi avec ce référendum. (…) Cependant, des forces puissantes s’opposent à Renzi, si bien que sa victoire est loin d’être acquise. (…) Si Renzi l’emporte en octobre, la zone euro pourra reprendre espoir. Mais s’il échoue, ce sera l’échec de l’Italie, et très probablement l’échec plus global de la zone euro. »

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