Une tempête parfaite composée de dettes publiques qui explosent, de rendements obligataires réels qui plongent, d’une recrudescence des cas de coronavirus et de prévisions économiques qui se détériorent a poussé le cours de l’or à un plus haut de 8 ans. Désormais, certains analystes pensent qu’il va atteindre son record historique dans les 12 mois à venir.

Après avoir touché les 1.778 $ le 24 juin, un plus haut depuis février 2012, l’or se rapproche de plus en plus du niveau de résistance des 1.800 $, un seuil psychologique important.

Il n’y a pas que l’augmentation alarmante des cas de coronavirus aux États-Unis, qui furent plus de 42.000 vendredi dernier, qui l’explique. L’affaiblissement du dollar a également joué un rôle alors que le yen et l’euro s’appréciaient.

À plus long terme, l’or continue de bénéficier des taux négatifs, qu’ils soient réels ou nominaux. La somme des obligations qui affichent un rendement négatif de par le monde est repassée au-dessus de la barre des 13 trillions la semaine dernière. Il s’agit d’une première depuis le mois de mars. Le plus haut de 18 trillions fut établi au mois d’août de l’année dernière.

Le taux réel de l’obligation américaine sur 10 ans a atteint jusqu’à -0,66 % mardi dernier, un niveau plus atteint depuis mai 2013. Comme je l’ai démontré à maintes reprises, il y a une corrélation inverse entre l’or et les rendements obligataires. Lorsque ceux-ci deviennent négatifs, ils poussent l’or à la hausse.

Le FMI revoit à la baisse ses prévisions de croissance pour 2020

Simultanément, le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2020. Le fonds prévoit désormais une contraction de 5 % cette année, soit 1,9 % de moins par rapport à ses prévisions d’avril.

« La pandémie de Covid-19 a eu un impact plus négatif qu’anticipé sur l’activité durant le premier semestre 2020. Nous anticipons également une reprise plus graduelle que prévu », ont écrit les économistes du FMI dans un rapport publié le 24 juin.

Cela pourrait déboucher sur davantage de stimulations monétaires et fiscales de la part des banques centrales et des gouvernements de la planète, qui sont déjà sans précédent. La Banque d’Angleterre a récemment renforcé son programme d’achats d’obligations. La FED a signalé qu’elle allait maintenir son taux directeur juste au-dessus de zéro.

Il est important de le noter : le bilan de la FED s’élève aujourd’hui à 7 trillions. Cela correspond à 33 % du PIB américain. Au début du mois de juin, la dette du Trésor américain a dépassé les 26 trillions, soit un incroyable 120 % du PIB US.

Une telle situation n’est pas tenable, évidemment. C’est pourquoi certains analystes pensent que l’or va enregistrer un nouveau record historique par rapport au dollar. Et ce même en cas d’appétit des investisseurs pour le risque. Aussi bien Morgan Stanley que Citigroup maintiennent leur prévision à 2.000 $ l’once pour la mi-2021.

La société de recherche londonienne Edison va même plus loin. Dans une note datée du 23 juin, ses analystes estiment que l’or devrait déjà être à 1.900 $. Et dispose même « du potentiel pour dépasser les 3.000 $ ».

2020, la meilleure année de l’or (jusqu’à présent)

En ce moment, l’or est confortablement l’actif le plus performant de l’année 2020. Il a non seulement surperformé le S&P 500, mais aussi le dollar américain, les marchés émergents, les obligations US et les obligations corporate à rendement élevé.

En fait, il s’agit de la meilleure année de l’or par rapport au dollar. (…) Historiquement, juin est un mois de faiblesse relative pour le métal. Il s’agit habituellement d’une période propice pour ajouter du métal à son portefeuille, dans l’anticipation de la période saisonnière d’appréciation qui suit. En Inde, 2 grands événements programmés durant cette période aident l’or à grimper en raison d’une demande en hausse. Je parle bien sûr de Diwali et de la saison des mariages, que j’ai régulièrement évoqués dans mes articles.

Cela dit, il reste à déterminer quel sera l’impact de la pandémie sur ces célébrations culturelles, si l’or sera influencé.

Le Covid 19 va-t-il faire dérailler la saison des mariages 2020 en Inde ?

Comme aux États-Unis, l’Inde a enregistré sa plus grosse augmentation quotidienne de cas de coronavirus récemment. Lundi dernier, environ 20.000 cas ont été enregistrés. Ce pays est la 4e nation la plus affectée derrière les États-Unis, le Brésil et la Russie. Il est classé en 8e position en termes de victimes.

La demande d’or dans l’anticipation de la fête de Diwali et des mariages aide habituellement l’or à s’apprécier durant le mois d’août et de septembre. Si cette année devait être normale, la demande pourrait propulser l’or au-dessus de la barre des 1.800 $ l’once.

Cependant, il y a déjà des rapports indiquant que de jeunes couples indiens reportent ou annulent leur mariage. Pas uniquement par mesure de précaution, mais aussi pour sceller leur union sous de meilleurs auspices. Les mariages indiens sont de grandes célébrations avec de nombreux invités. Cela devient donc un risque sanitaire en cette période de Covid-19. Pour les couples qui décident de ne pas reporter, il y a un nouvel impératif à inclure dans les préparatifs : les masques.

En raison de ces annulations de mariage, la demande d’or en Inde pourrait baisser de 50 % par rapport à l’année dernière. C’est ce qu’a déclaré à Reuters N. Anantha Padmanaban, président de l’All India Gem and Jewellery Domestic Council.

Même si cette prévision devait se matérialiser, il ne faut pas oublier que l’or continue de remplir un rôle crucial dans la vie des Indiens. Il s’agit du véhicule d’épargne préféré de la population. Jusqu’à 75 % de l’épargne indienne prend la forme du métal jaune, d’après Incrementum. Les ménages indiens sont les plus gros détenteurs d’or du monde. Conjointement, ils détiennent près de 24.000 tonnes d’or, soit 3 fois plus que les réserves d’or officielles des États-Unis.

Il pourrait en revanche y avoir de bonnes nouvelles du côté de la mousson. Celle-ci s’annonce bonne. On estime qu’un tiers de la demande d’or indienne provient des fermiers indiens. Il se fait que leurs revenus dépendent en grande partie de pluies abondantes durant la mousson.

Il ne devrait pas y avoir de problème cette année. Les producteurs de sucre enregistrent déjà une excellente saison, avec des exportations proches de leur niveau record pour une seconde année d’affilée. Je pense que c’est très constructif pour la demande d’or.

Article de Frank Holmes, publié sur Forbes