Actuellement, pour environ 10 trillions d’obligations affichent un rendement négatif, principalement en Europe et au Japon. Durant la prochaine récession, les taux américains pourraient également basculer en territoire négatif.

Les taux courts sont actuellement autour de 2,5 %. Or, il faut habituellement, en cas de récession, une baisse de 3 à 5 % du taux directeur pour relancer l’économie. En ce qui concerne les marchés dont les taux sont plus bas ou même déjà négatifs, ils vont plonger largement dans le rouge.

Des taux réels négatifs signifient un rendement négatif, inflation incluse. Des rendements nominaux négatifs débouchent sur une perte financière garantie. Autrement dit, si quelqu’un place une certaine somme d’argent à la banque sur un compte à terme, à échéance une somme inférieure à celle qui a été déposée sera débloquée. En ce qui concerne les obligations, cela signifie que les investisseurs perdent la différence entre le prix payé pour l’actif et sa valeur nominale.

Dans un tel contexte, la seule façon d’éviter une perte consiste à retirer son argent pour le conserver en liquide, ou d’acheter des actifs tangibles ou des titres. Mais cela est plus facile à dire qu’à faire pour des tas de raisons. Ceux qui craignent de conserver des valeurs à la maison n’auront pas d’autre choix que des obligations ou un dépôt à la banque. De plus, tout est relatif. Il se peut qu’acheter un actif à rendement négatif soit la moins mauvaise alternative. (…) En cas de déflation, il se peut qu’un actif offre, en bout de course, un pouvoir d’achat supérieur.

Du côté des gestionnaires, certains mandats les obligent à posséder une certaine quantité d’obligations, même si leurs taux sont négatifs. De plus, les règles prudentielles imposent aux banques et aux sociétés d’assurance de posséder des actifs de qualité supérieure, peu importe la situation sur le front des taux (note : depuis Bâle III entré en vigueur le 29 mars 2019, l’or est désormais considéré comme un actif de qualité supérieure).

Les taux négatifs sont censés fonctionner via les canaux de transmission des taux zéro ou plancher en dopant les prix des actifs pour favoriser l’effet de richesse, en augmentant la vélocité de la monnaie et en encourageant le recours au crédit. En théorie, les épargnants confrontés au risque de voir leur épargne fondre sont poussés à acheter des actifs et à consommer, ce qui contribue à la croissance et à la création d’inflation. Pourtant, la pratique montre que les taux négatifs n’ont pas eu les effets escomptés lorsqu’ils ont été implémentés. En revanche, ils ont créé des distorsions économiques et financières sérieuses.

Notre niveau de dette ingérable est la raison pour laquelle la planète se trouve dans une telle impasse. La dette ne peut être réduite que via l’une des 4 façons suivantes :

  • Forte croissance ;
  • Inflation ;
  • Dévaluation ;
  • Défaut.

Toutes les options, à l’exception de la croissance, impliquent un transfert de richesse en provenance des épargnants, soit en réduisant la valeur nominale de leur épargne ou en érodant son pouvoir d’achat.

La croissance et l’inflation sont faibles. Recourir à la dévaluation est difficile lorsque tout le monde fait la même chose en même temps. Des défauts à l’échelle requise détruiraient une large portion de l’épargne mondiale, sans parler des risques de solvabilité que cela engendrerait sur le système financier. (…)

En conséquence, les banques centrales doivent utiliser discrètement les taux négatifs afin de réduire l’excès de dette en transférant la richesse des épargnants vers les emprunteurs à travers cette lente confiscation de capital.

Les taux négatifs sont la preuve que le système économique mondial n’est pas en mesure de produire suffisamment de richesse pour assurer le service de la dette actuelle, et encore moins la rembourser. Elle est tellement élevée que même les taux actuels, artificiellement bas, permettent à peine de la gérer.

La réalité est implacable : quelqu’un devra payer le prix des excès financiers des dernières décennies. Avec les taux bas et les taux négatifs, ce quelqu’un, ce sera les épargnants.

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