Jean-Pierre-Chevallier-DesinformateurVous connaissez peut-être le blog de Jean-Pierre Chevallier, qui se présente comme « business économiste monétariste béhavioriste », analyste indépendant et aussi contrarian. Une petite visite sur son blog vous fera découvrir le personnage : quelqu’un qui dénonce la faillite du système bancaire européen, le socialisme destructeur de la France, l’Euro en tant qu’aberration monétaire, la bureaucratie. Sur ces points, difficile de lui donner tort.

Par contre, dès que les regards se portent de l’autre côté de l’Atlantique, Jean-Pierre Chevallier devient tout à coup beaucoup plus optimiste. Tout va bien ou presque aux États-Unis, et ceux qui dénoncent l’état de déliquescence de ce pays ne sont que de vulgaires propagandistes qui tentent de détourner l’attention des problèmes européens vers les États-Unis, animés d’un antiaméricanisme primaire, alimenté probablement par une idéologie socialiste.

Cela dit, pourquoi la rédaction de cet article ? Après de nombreux messages non publiés sur son site, nous sommes de nouveau interdits de commentaire. Soit, Mr Chevallier a le droit de ne publier que les données et chiffres qui l’arrangent, ainsi que de ne publier que les messages de son fan-club. Cependant, étant donné qu’il fait, selon nous, un gros travail de désinformation en utilisant des vérités, telles que citées dans le premier paragraphe, pour propager de nombreux mensonges, qu’il se donne le droit de traiter d’idiots ceux qui estiment que la situation des États-Unis est aussi grave qu’en Europe, nous utilisons notre propre tribune pour exposer Jean-Pierre Chevallier pour ce qu’il est : un monétariste dogmatique propagandiste.

Pas de création monétaire par la Fed

Cas le plus symptomatique, Mr Chevallier refuse d’admettre que la Fed effectue de la création monétaire. Au mieux, le 23 août 2013, il a (enfin) osé avouer l’existence de 1500 milliards « d’argent non gagné » (http://chevallier.biz/2013/08/monetarisme-keynes-et-la-richesse-des-nations/)… pour réaffirmer par la suite qu’il n’y a pas de création monétaire aux États-Unis (la Fed fait circuler… les dépôts, selon lui !). Il affirme également (même article) que la section « Other deposits held by financial institutions » de la section Liabilities de la Fed correspond à l’argent déposé par les banques américaines à la Fed, alors qu’il s’agit de la contre-partie comptable des actifs que la Fed achète, à savoir des obligations et des MBS. Plus les QE vont continuer, plus cet élément du bilan de la Fed va augmenter (pour plus d’explications : http://wallstreetexaminer.com/2013/06/12/fortune-magazine-editor-still-clueless-about-those-reserves-on-the-feds-balance-sheet/). Pour preuve, voici la courbe de son chiffre. Bizarrement, depuis 2008, ce chiffre des réserves explose. Il correspond aux QE, à la création monétaire.

Chevallier-Reserves-Banques

Il ne suffit pas d’employer des termes techniques et de nombreux graphes pour berner les gens, Mr Chevallier ! Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, lisez donc ce papier de Paul Sheard, de Standard and Poor’s :  http://www.standardandpoors.com/spf/upload/Ratings_US/Repeat_After_Me_8_14_13.pdf. Ou encore de la tanière du loup, de la Fed de New York : http://www.newyorkfed.org/research/current_issues/ci15-8.pdf (extrait du paragraphe d’intro : « … Un examen approfondi des conséquences des politiques de la Fed sur son bilan montre que les réserves importantes ne sont que la conséquence des facilités de prêts et des programmes d’achats d’actifs. La quantité totale des réserves du système financier reflète l’importance des initiatives de la Fed…).

De plus, quand on connaît le mécanisme de la création de la monnaie, qui est basé sur l’argent dette (voir docu de Paul Grignon), il est amusant que Mr Chevallier parle « d’argent non gagné ».

1. De l’argent non gagné est nécessairement de la création monétaire.
2. L’argent qui est créé est par définition de l’argent non gagné !

On crée de la dette d’un côté et de l’argent de l’autre. Lorsque la dette est remboursée, l’argent remboursé  devient légitime… quand ce n’est pas une nouvelle dette qui a permis de rembourser le premier prêt, ce que font TOUS LES GOUVERNEMENTS du monde qui présentent systématiquement des déficits annuels, comme c’est le cas en France, en Belgique, en Espagne, au Japon, et aux Etats-Unis, n’en déplaise à Mr Chevallier. Toute la dette correspond, sur base du système de réserve fractionnelle, à de l’argent non gagné à concurrence d’environ 90 %… Les Etats-Unis ont une dette de 17 trillions. Il y a donc au moins 15 trillions d’argent non gagné qui existent, juste sur base de la dette fédérale américaine !

Pour en revenir à la création monétaire : même la Fed de Boston l’a écrit noir sur blanc dans « Putting it simply » : « Lorsque, vous ou moi, émettons un chèque, notre compte doit présenter un solde suffisant pour couvrir son montant. Mais lorsque la Federal Reserve émet un chèque, il n’y a aucun dépôt pour couvrir ce montant. Lorsque la Fed émet un chèque, elle crée de l’argent. » Pourtant, il continue de nier l’évidence. Nous ne pensons pas que Mr Chevallier soit stupide. C’est pourquoi nous affirmons que c’est un désinformateur, qui accuse ceux qui sont en désaccord avec lui sur les États-Unis d’être antiaméricain, alors que c’est justement le contraire. C’est lui qui, de façon totalement dogmatique, défend l’indéfendable, pour des raisons qui nous échappent.

Croissance = monétarisme

Autre source d’aveugelement… Selon Mr Chevallier, c’est en gros la dextérité des banquiers centraux qui permet ou non la croissance. Comme il se plaît à le marteler, « tout est simple » : il suffit de bien gérer ses agrégats monétaires pour créer de la croissance. Le taux d’endettement, le taux de chômage, la répartition de la richesse à travers les différentes classes sociales, la destruction des classes moyennes, l’hégémonie du dollar remis en cause, les changements démographiques, les révolutions technologiques… Tous ces sujets n’ont aucune importance pour Mr Chevallier, qui se cantonne à ses analyses monétaristes.

Mis à part ses graphes M1, M2 etc ., son passe-temps favori pour éluder les véritables problèmes de fond : l’analyse du bilan des banques américaines et européennes. Nous lui avons demandé à de multiples reprises en quoi les chiffres publiés par des entreprises, comme la JP Morgan, qui croulent sous les procès pour manipulations et fraudes de toutes sortes, devraient être considérés comme fiables (pour vous montrer sa grande objectivité, en ce qui concerne la JP Morgan, il parle « d’opérations contestables »). Pourquoi passer son temps à analyser des données qui, à la veille de la faillite de Lehman Brothers, semblaient parfaites selon les critères du « bon vieux Greenspan » ? Alors que le hors-bilan des banques et le shadow banking ont pris des proportions incontrôlables, comment donner une quelconque crédibilité à ces bilans, qui ne représentent que la partie visible (et enjolivée) de l’iceberg ?

Mr Chevallier n’a jamais répondu à ces questions, et ne le fera jamais. Oui, les banques européennes sont au bord du gouffre, tout comme les américaines. Mr Chevallier a également tendance à oublier que la crise financière est partie des États-Unis, et non d’Europe. Le hic, c’est que lorsqu’on essaie de lui faire comprendre que les États-Unis ont de nombreux problèmes, il en déduit qu’il s’agit d’un réflexe de protection de l’Europe. Tous les analystes sérieux ne font pas vraiment de distinction entre les États-Unis et l’Europe, qui suivent grosso modo les mêmes politiques économiques suicidaires.

Alan Greenspan, l’idole de Jean-Pierre Chevallier

Dernier sujet sur lequel l’aveuglement de M. Chevallier est total : Alan Greenspan, ancien président de la Fed qui a passé le flambeau à Bernanke en 2006. Il est clair que malgré tous ses défauts, ce n’est pas Bernanke qui a gonflé la bulle immobilière, qui a laissé se développer les subprimes, qui a accompagné la dérégulation du système financier, etc. La crise de 2008 est donc en grande partie l’héritage de Greenspan. Mais cela, Mr Chevallier ne vous laissera pas le publier sur son blog : on ne touche pas à son idole.

Une idole qui a fait en 2004 l’apologie des produits dérivés (http://www.federalreserve.gov/BOARDDOCS/Speeches/2004/20041005/default.htm), en ayant le culot d’affirmer qu’ils avaient contribué à stabiliser l’économie. Un Greenspan qui a fait profil bas lorsqu’il fut interrogé en 2008 (http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/25/alan-greenspan-fait-part-de-son-grand-desarroi_1111060_1101386.html). Pourquoi censurer des faits, Mr Chevallier ? Voulez-vous établir la vérité, ou votre vérité ?

Dernier point : dans ses derniers articles, Jean-Pierre Chevallier soutient le Tea Party contre les socialistes Démocrates. Bizarrement, le Tea Party porte un regard très pessimiste sur les États-Unis. Ce sont d’ardents opposants à la Fed, des gens qui souhaitent le retour au standard or, tout le contraire de Mr Chevallier. Quels sont ses objectifs ? Nous n’en savons rien, et nous ne spéculerons pas. Nous nous bornerons juste à constater qu’il défend constamment la Fed et les banques américaines en détournant les causes de la crise sur des causes périphériques (les socialistes, les politiques en général) en occultant la cause des causes : notre système de création monétaire basé sur la dette contrôlé par le cartel bancaire international.

Pour finir sur une touche d’humour, nous ignorons s’il s’agit de Jean-Pierre Chevallier sur la photo. C’est en tout cas ainsi que nous l’imaginons. Vu le ton caustique qu’il emploie, je suis sûr qu’il ne m’en voudra pas.

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