Article de Jim Rickards, publié le 11 août 2015 sur DailyReckoning (titre original : la clé pour comprendre les actions, les devises, les matières premières et le cash) :

« Personne ne conteste le fait que Janet Yellen et ses collègues de la Fed disposent de l’une des plus fortes influences sur l’économie des États-Unis. Pourtant, peu d’analystes réalisent que c’est aussi la Fed qui influence le plus l’économie de la Chine.

Comprendre comment les politiques monétaires des États-Unis et de la Chine sont désormais interdépendantes comme des siamois et ce que cela signifie pour le monde entier est la clé pour comprendre la déprime générale affectant les actions, les devises, les matières premières et même la valeur réelle de l’argent papier.

Cette chaîne de relations comporte de nombreux liens. Explorons-les un à un.

Yellen n’a pas fait de mystère concernant son souhait de remonter les taux d’intérêt américains. Elle en parle à chaque occasion qui se présente, que ce soit un discours, une conférence de presse ou une interview. Les taux sont nuls depuis presque 7 ans et cela fait désormais 9 ans que la Fed ne les a plus remontés.

Cette situation a généré des spéculations sans fin concernant le timing de la remontée des taux. Fin 2014, Wall Street tablait sur mars puis juin et maintenant septembre. Jusqu’à présent, Wall Street s’est trompé à chaque fois.

Nous n’allons pas tenter d’anticiper une date. Nous préférons utiliser des indications spécifiques, des avertissements et des méthodes analytiques ayant fait leurs preuves, celles qui sont utilisées par la communauté du renseignement comme la CIA pour résoudre les problèmes de ce type.

Les indications et les avertissements nous parviennent quotidiennement sous forme de données. Ces données doivent être insérées dans un modèle analytique. La bonne nouvelle, c’est que Janet Yellen nous a fourni le modèle dont nous avons besoin pour interpréter les données. Elle a dévoilé son plan.

Le plan de Yellen fut révélé durant un discours qu’elle a prononcé à Providence (Rhodes Island) le 22 mai 2015. L’information fut rapportée sous le titre « Yellen augmentera les taux cette année ».

Quand Yellen augmentera les taux ?

Ce n’est pourtant pas ce qu’elle a dit. Dans son discours, elle disait 3 choses :

  1. Elle augmentera les taux uniquement si l’économie évolue conformément à ses prévisions.
  2. Ces prévisions sont un taux de chômage de 5 %, une croissance de 2,5 % et une inflation de 2 %.
  3. Elle n’attendra pas d’atteindre ses objectifs. Elle agira un peu plus tôt si les données économiques affichent une tendance convergente.

Concrètement, cela signifie que si nous avons aujourd’hui, admettons, un taux de chômage de 5,2 %, une croissance de 2,3 % et une inflation de 1,8 % dans le cadre d’une tendance évoluant vers le triptyque souhaité alors elle augmentera rapidement les taux. Il s’agit du modèle suivi.

Des indicateurs à l’orange

Mais que disent les statistiques économiques ? Vous avez probablement entendu dire que les chiffres de l’emploi de vendredi furent bons, ce qui signifie qu’une hausse des taux est fort probable en septembre. Ne tombez pas dans le panneau.

Observez le graphique ci-dessous. Il montre que la création d’emplois a atteint un pic l’année dernière. Depuis, la tendance est à la baisse. En juillet, le chômage a atteint 5,3 %, un chiffre peu éloigné de l’objectif de Yellen, mais le chômage était au même niveau en juin, il n’y a donc aucune tendance évoluant vers son objectif.

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En ce qui concerne le chômage, la tendance est au mieux neutre. Si la tendance négative se poursuit, nous pourrions n’avoir que 195.000 postes créées en août. Un tel chiffre tuerait dans l’œuf toute possibilité de hausse des taux en septembre.

Quid de la croissance ? Ici aussi, la tendance évolue dans la mauvaise direction. La croissance du second trimestre fut de 2,3 %, juste en dessous de l’objectif mais elle ne fut que de 0,6 % au premier trimestre. Ce qui correspond à une croissance annualisée de seulement 1,5 % durant le premier semestre.

Pire encore, GDPnow de la Fed d’Atlanta annonce une croissance en temps réel de 1 % pour le T3 (note : au 13 août, cette croissance a même baissé à 0,7 %, il faut lire le texte de la page de GDPnow pour le constater car le graphique n’est pas mis à jour en ce moment). Cet indicateur pourrait encore évoluer, (…) mais rien n’indique que nous pourrions atteindre l’objectif de croissance de 2,5 %.

Le dernier volet du triptyque de Yellen est l’inflation. Pour celle-ci, les données sont limpides, elles évoluent vers l’opposé des souhaits de Yellen. Les derniers chiffres concernant les dépenses de consommation personnelle (l’indicateur préféré de la Fed) affichent une augmentation annuelle de seulement 0,3 %, bien loin de l’objectif de 2 %.

À ce sujet, cela fait 38 mois d’affilée que les objectifs de la Fed n’ont pas été atteints. Les autres indicateurs de l’inflation rapportent la même tendance. Bientôt, la déflation devrait devenir une source de souci bien plus importante que l’inflation.

La Fed est coincée, Bernanke a gaffé

Yellen s’est piégée et n’a aucune issue de secours. Elle évoque sans cesse l’augmentation des taux alors que l’économie américaine faiblit. Ses déclarations ne font que renforcer le dollar, ce qui est déflationniste et ne fait que l’éloigner de ses objectifs d’inflation.

C’était en 2009-2012 qu’il fallait remonter les taux. Bernanke a gaffé en ne le faisant pas. La Fed est passée à côté d’un cycle des taux entier. Si elle les avait augmentés à l’époque elle aurait pu les baisser aujourd’hui.

Pourquoi est-ce que tout ceci affecte la Chine ? Parce que ce pays a pour ambition d’être intégré aux DTS du FMI. Les États-Unis distribuent les billets d’entrée des DTS. C’est pourquoi les États-Unis ont insisté pour que la Chine arrime sa monnaie au dollar, une condition préalable à l’inclusion du yuan.

Le problème c’est que lorsque vous arrimez votre monnaie à une autre, vous dépendez des politiques monétaires de la banque centrale qui émet cette monnaie. Si la Fed donne un tour de vis, ou en parle, la Chine doit faire la même chose pour maintenir la parité.

En bref, Yellen a forcé les États-Unis et la Chine à donner un tour de vis à leur politique monétaire alors que ces deux pays auraient dû être plus accommodants. Les États-Unis et la Chine sont les deux économies mondiales les plus importantes qui produisent environ 30 % du PIB. La Chine a mis fin à son arrimage au dollar cette semaine par désespoir mais les dégâts ont déjà été occasionnés à sa croissance.

La réalisation des prévisions de Yellen n’est pas pour demain et ses déclarations incessantes impactent négativement la croissance mondiale. Même pour une banque centrale, atteindre un tel niveau de folie furieuse n’est pas rien.

Il se peut que Yellen n’ait aucune idée de ce qu’elle fait mais les marchés, eux, comprennent. La dynamique déflationniste engendrée par la Fed est visible dans la chute de 1000 points du Dow Jones de ces trois derniers mois, de la baisse du cours de nombreuses matières premières de 60 % et dans la baisse record de la valeur des devises de multiples marchés émergents, du Brésil à la Malaisie en passant par la Turquie. (…) »

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