Interview d’Egon von Greyerz publiée sur KWN :

« L’or ou les Pokémons ? Il semble que le choix est vite fait pour le citoyen lambda, car peu de temps après le lancement du jeu, il y avait déjà plus de 30 millions de joueurs recensés pour Pokémon GO (PG). Alors qu’existant depuis bien plus longtemps, l’or n’a pas su attirer autant d’adeptes, mais cela pourrait bien changer dans les années à venir… même si l’or et les Pokemon sont bien différents.

Dans le monde virtuel d’aujourd’hui, un jeu virtuel innovant attirera toujours plus l’individu moyen que l’or . Si le métal jaune est une relique barbare comme l’a dit Keynes, PG est une parfaite image de notre monde d’aujourd’hui, qui nage dans le fantastique et le rêve. PG est tellement réel que les joueurs ne savent plus faire la distinction entre la réalité et la fiction.

Ce qui fait de Pokémon Go un jeu différent, c’est qu’il est joué dans le monde réel, en vous déplaçant avec votre smartphone et son GPS et en essayant de chercher des monstres virtuels comme Pikachu et Jigglypuff, qui se trouvent dans les rues avoisinantes.

Dans de nombreux pans de notre société, la frontière entre le monde réel et la réalité virtuelle est très vague. Dans le monde de l’investissement, la réalité virtuelle a en grande partie remplacé les investissements tangibles. Dans notre société, la monnaie virtuelle abonde, tout comme la richesse et l’or virtuels. La monnaie était autrefois garantie par de l’or, mais c’est un concept totalement dépassé. Aujourd’hui, les gouvernements et les banquiers centraux peuvent fabriquer autant de monnaie qu’ils le souhaitent. (…)

Les jeux comme PG contribuent à rapprocher réalité virtuelle et monde réel. C’est pourquoi les investisseurs sont contents d’acheter des ETF, des contrats à terme ou de l’or papier. La plupart des investissements d’aujourd’hui sont virtuels, à savoir des produits dérivés. Cela signifie qu’il n’y a aucun actif sous-jacent, juste du papier qui pourrait arriver à maturité dans quelques années sans valeur. En plus de la plupart des ETF, qui sont synthétiques, il y a de 1,1 à 1,5 quadrillion de dollars de produits dérivés.  (…)

Mais ce ne sont pas que les produits dérivés et les ETF qui sont virtuels. Les marchés actions et obligataires sont de plus en plus déconnectés de la réalité. Car aujourd’hui, les gouvernements émettent des quantités illimitées de dette afin de soutenir les marchés, dont les actions et les obligations. Si de nombreux investisseurs se retirent de la bourse, les gouvernements achètent de plus en plus d’actions et d’obligations. La BCE comme la BoJ propulsent activement les marchés. Par exemple, la banque du Japon fait partie du top 10 des actionnaires les plus importants de 90 % des sociétés japonaises. Pire encore, la BoJ est actuellement l’unique acheteur d’obligations japonaises. Elle détient désormais 50 % de toutes les obligations existantes. La BCE est également active sur la plupart des marchés, elle achète notamment pour 400 millions d’euros d’obligations d’entreprise par jour. Alors que de nombreuses banques centrales majeures soutiennent activement les marchés, de nombreux marchés actions vont atteindre de nouveaux records. C’est pourquoi les valorisations atteignent des pics vertigineux. Le ratio cours sur bénéfice du S&P est par exemple de 27 alors que la moyenne historique est de 16,7, ce qui correspond à une surévaluation de 62 %.

La vieille expression des hélicoptères monétaires, que l’on doit à Bernanke, fait à nouveau la une. Vu les déficits records qui s’accumulent ici et là dans le monde, les chances de voir cette dette être remboursée, même avec des taux négatifs, sont nulles. Les banques centrales n’ont qu’une seule solution, à savoir créer davantage de monnaie et de dette. C’est ici qu’entre en scène l’hélicoptère. Il suffirait de déverser des quantités illimitées d’argent sans valeur pour régler le problème de la dette. Le problème est que le poids de ce papier finira par provoquer le crash de l’hélicoptère et du système financier mondial. Mais avant cela, cet argent virtuel générera un épisode d’hyperinflation qui fera passer la république de Weimar ou le Zimbabwe pour de la petite bière. Cela pourrait propulser encore plus les marchés actions avant l’effondrement garanti. Nous assisterons également à l’effondrement du marché obligataire, les taux atteignant alors des niveaux inouïs.

Dans la débâcle à venir des marchés financiers mondiaux et de l’économie mondiale, l’or n’est pas un investissement car il s’agit d’une assurance-vie contre un monde fragile et pourri. L’or physique ne protégera pas uniquement les investisseurs durant l’hyperinflation à venir, mais aussi durant l’implosion déflationniste qui s’ensuivra. Car à partir de ce moment, très peu de banques, voire aucune, ne survivra tandis que l’or sera le seul actif liquide avant la résurrection du système financier. »

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