Article de Michael Pento, publié le 12 septembre 2016 sur SafeHaven.com :

« La grande récession de 2008 fut ironique d’un point de vue des marchés : alors que l’économie américaine s’effondrait sous le poids du prix surévalué de son immobilier, les investisseurs se sont curieusement rués sur le dollar en raison de la fameuse « recherche de la sécurité ».

Mais la vérité est différente : les investisseurs ne se sont pas précipités sur le dollar pour sa « sécurité », ils sont simplement sortis de leurs opérations de carry trade (opération spéculative sur écart de rendement) . Dans le cadre d’une opération de carry trade, un investisseur emprunte dans une devise qui se dévalue et qui offre un rendement potentiellement plus élevé que sa dette souveraine ou son marché actions. L’objectif de cette transaction est de profiter de la différence de taux tout en tirant également profit de la monnaie qui s’apprécie par rapport aux fonds empruntés.

Dans les années ayant précédé la crise de 2008, une transaction populaire consistait à shorter le dollar tout en investissant dans les marchés émergents, où les rendements étaient plus élevés, comme le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (les BRICS). La manipulation des taux par la Fed, au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, a poussé les marchés à la recherche désespérée de rendement. Les investisseurs ont trouvé les profits espérés du côté des marchés émergents pour leur rester fidèles pendant des années alors que la Fed se contentait de les talonner au niveau de ses taux. Le taux directeur de la Fed est passé de 1 % en 2004 à 5,25 % 2006 tandis que le dollar s’affaiblissait durant cette période.

carry-trade-dollar-emergents

dollar-index-decennie

Comme vous pouvez le voir, entre 2002 et 2008, les marchés actions des pays émergents ont progressé tandis que le dollar a baissé alors que les investisseurs tiraient profit du différentiel de taux entre les États-Unis et les émergents.

Mais à partir de la seconde moitié de 2008, l’attention du marché s’est détournée des différentiels de taux et des avantages à tirer sur les taux de change en raison des énormes craintes concernant la contagion des soucis de croissance des États-Unis  au reste du monde en raison de la crise de l’immobilier et de l’insolvabilité du système bancaire. L’opération de carry trade « shorter le dollar/investir en actions des émergents » s’est inversée alors que les investisseurs voulaient, dans la panique, prendre leurs bénéfices sur la hausse des marchés émergents. Ils ont acheté de la dette en dollars pour mettre un terme à cette opération. Cela a permis au billet vert de s’envoler tout en faisant chuter les marchés actions des émergents. Cette situation fut néanmoins curieusement interprétée en tant que recherche de la sécurité du dollar par les investisseurs alors que l’économie américaine et son système financier étaient en chute libre.

Que se passe-t-il maintenant avec le carry trade ?

Aujourd’hui, le scénario est complètement inversé : le dollar index grimpe alors que le yen et l’euro baissent. L’opération de carry trade consiste à emprunter (shorter) le yen et l’euro pour acheter des actifs libellés en dollars qui offrent un rendement supérieur. Donc le prochain revers économique inversera cette opération de carry trade :

dollar euro yen

Tout ceci explique véritablement pourquoi le yen grimpe subitement au moindre semblant de remous sur les marchés. Une fois de plus, les analystes interprètent cela comme la recherche d’une valeur refuge. Mais quel est l’investisseur qui chercherait refuge au Japon, pays dont le ratio dette/PIB est tellement énorme que cette nation est insolvable, et dont la banque centrale est déterminée à générer de l’inflation par tous les moyens possible ?

Les investisseurs doivent préparer leur portefeuille à la prochaine récession, qui sera pire que celle de 2008 en raison de l’augmentation massive de la dette mondiale et de l’incapacité des banques centrales à abaisser davantage le coût du crédit. Il faut donc s’attendre à ce que l’euro et le yen soient les prochains bénéficiaires de la prochaine inversion du carry trade, ainsi qu’une réponse bien plus faible du billet vert à l’occasion de la prochaine crise.

Mais comme déjà mentionné, le plus gros souci des investisseurs consiste à savoir ce qui se passera avec l’économie mondiale alors que les banques centrales sont à court de munitions pour nous sauver. Après tout, elles ont déjà repoussé les limites de leurs politiques de création monétaire et de taux zéro. Plus de 90 mois de politiques monétaires expansionnistes sans précédent ont gonflé les bulles et le niveau de la dette à des niveaux historiques. Le dollar sera également sous pression lorsque la Fed, et ses politiques monétaires actuellement divergentes, convergeront avec celles de la BCE et de la BoJ pour s’engager sur la voie du QE et des taux zéro perpétuels.

La prochaine récession sera fort différente de celle de la crise de 2008 aussi bien en intensité qu’en durée et en effets sur le dollar. Bien sûr, cela pourrait être démenti si la crise devait être précipitée par un cycle agressif de relèvement des taux par la Fed. Ce scénario écarté, les investisseurs sages anticiperont ce différentiel et penseront à augmenter leur exposition aux métaux précieux à l’aube de cette nouvelle crise. »

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Veuillez entrer votre nom ici