Nous traversons une ère de la « bulle généralisée » : l’orgie mondiale de crédit et d’assouplissements quantitatifs a poussé la valorisation de presque toutes les classes d’actifs à des niveaux qui ne sont pas justifiés par l’état de l’économie réelle. Dans cet article (traduction des passages clés), Lance Roberts nous explique pourquoi cette fois c’est vraiment différent, même si cela finira de la même façon car peu importe les fondamentaux, ce sont les émotions qui font les bulles et les krachs :

« Je voudrais insister sur ce point : les bulles sur les marchés n’éclatent pas en raison des valorisations ou des fondamentaux. Avant de vous énerver, laissez-moi vous expliquer mon raisonnement.

Les bulles sur les marchés actions sont alimentées par la spéculation, l’avarice et les émotions. Cela signifie que les valorisations et les fondamentaux ne sont que le reflet de ces émotions.

Autrement dit, des bulles peuvent exister même lorsque les valorisations et les fondamentaux semblent suggérer le contraire. Permettez-moi de vous montrer un exemple concret pour expliquer ce que je veux dire : le graphique ci-dessous montre les évolutions du ratio P/E (ratio cours sur bénéfices) du S&P 500 depuis 1871.

S&P 500 : P/E, crises, bulles et valorisations Tout d’abord, il est important de relever que hormis les exceptions de 1929, de 2000 et de 2007, tous les autres krachs boursiers ont eu lieu à des niveaux de ratio P/E inférieurs à celui d’aujourd’hui.

Deuxièmement, tous ces krachs boursiers ont été le résultat d’événements n’ayant rien à voir avec les niveaux de valorisation des titres, comme des soucis de liquidités, des décisions du gouvernement, des erreurs de politique monétaire, des récessions ou des pics d’inflation. Ces événements furent les catalyseurs qui ont déclenché la recherche paniquée d’une porte de sortie par les investisseurs.

Les krachs boursiers sont tout simplement le résultat d’un « déséquilibre émotionnel » entre l’offre et la demande. On dit souvent que « pour qu’il y ait un acheteur, il faut un vendeur ». C’est absolument vrai. Le problème est de savoir à quel prix. Dans un marché libre, les prix sont définis par le niveau auquel l’acheteur et le vendeur sont prêts à conclure la transaction.

Lorsqu’il y a un krach boursier, cependant, les personnes qui souhaitent vendre sont bien plus nombreuses que celles qui veulent acheter. Pour trouver désespérément un acheteur, les vendeurs sont forcés de baisser leur prix. Cela n’a rien à voir avec les fondamentaux. Il s’agit tout simplement d’une panique émotionnelle qui débouche sur une dévaluation aiguë des fondamentaux du marché. (…)

Comparer la bulle actuelle avec les bulles du passé n’a que peu d’intérêt. Les marchés financiers ont toujours étudié les bulles du passé qui ont débouché sur des krachs boursiers pour procéder à des ajustements. Cela n’a jamais empêché le krach suivant de se matérialiser. (…)

Parmi les acteurs des marchés, l’opinion qu’il n’y a pas de bulles sur les marchés financiers est forte. Cette croyance se fonde sur des arguments qui trouvent leurs origines dans l’analyse des bulles précédentes. Le problème de ces analystes est qu’ils pensent que ces choses sont immuables. Quels sont les risques actuels ? Ils sont nombreux.

La croissance économique reste très furtive, les bénéfices des entreprises semblent avoir plafonné tandis que les investisseurs sous-estiment les risques. Ces ingrédients, combinés avec le serrage monétaire de la FED, rendent les marchés plus vulnérables à un événement exogène qu’ils le pensent.

Il est fort probable que, dans un monde trop confiant qui ne craint pas de correction, les marchés risquent de connaître un inversement de tendance aussi inattendu qu’inévitable. (…) »