Le Wall Street Journal rapporte aujourd’hui que le déficit commercial américain s’est réduit durant les deux premiers mois de l’année. Matt Drudge a présenté ce rapport comme une preuve que les États-Unis « retrouvent leur grandeur » en utilisant un titre typique de Drudge : « À NOUVEAU GRANDE : le déficit commercial baisse alors que les exportations grimpent ».
Le problème de ce type d’affirmation est que le déficit commercial n’est pas simplement un indicateur des exportations des sociétés américaines. Il mesure aussi la consommation relative et les investissements étrangers aux États-Unis. Donc, si l’augmentation des exportations est une preuve de la restauration de la grandeur de l’Amérique, la baisse du déficit commercial n’en est pas une.
Comme Reuters l’a rapporté, l’un des facteurs expliquant cette baisse du déficit commercial est le fait que « la baisse de la consommation intérieure a pesé sur les importations ». Autrement dit, les Américains ont eu apparemment moins d’argent pour acheter des biens et des services produits à l’étranger.
Les Américains ont-ils décidé d’acheter davantage de produits domestiques au lieu de se tourner vers des produits importés ? C’est possible. Mais il est bien plus probable que l’explication se trouve du côté d’Américains ayant moins d’argent à dépenser. Ce qui n’est pas vraiment une preuve de la restauration de la grandeur de l’Amérique.
De plus, la baisse du déficit a également été alimentée par l’augmentation de la demande à l’étranger des produits américains. Tim Worstall, de Forbes, explique :
« Le déficit commercial s’est réduit parce que les pays étrangers affichent de beaux taux de croissance et importent des produits américains. Une croissance américaine moindre signifie des importations moindres aux USA. Habituellement, les gens disent qu’un déficit commercial est mauvais. Mais dans ce cas, il baisse parce que la croissance américaine est inférieure à celle de l’étranger. Peut-on vraiment dire qu’il s’agit d’une bonne chose ? »
De plus, une baisse du déficit commercial suggère également un déclin relatif des investissements étrangers aux États-Unis. Doit-on également s’en réjouir ? Murray Rothbard écrit :
« Le soi-disant déficit était payé par des étrangers investissant les montants concernés en dollars américains : dans l’immobilier, des biens d’équipement, des titres américains et dans de l’épargne.
Dans les faits, durant ces dernières années les étrangers ont investi suffisamment de leurs fonds propres en dollars pour maintenir le billet vert à un niveau élevé, permettant aux Américains de consommer des produits importés bon marché. Au lieu de nous inquiéter et de nous plaindre de cette situation, nous devrions nous réjouir du fait que les investisseurs étrangers sont prêts à financer nos importations bon marché. »
Hans Sennholz ne dit pas autre chose :
« Durant ces dernières années, les étrangers ont lourdement investi non seulement dans les marchés actions florissants, mais aussi dans les obligations américaines. Dans le processus global de mondialisation économique ils ont pris le contrôle de nombreuses sociétés américaines, et acheté de l’immobilier. Ils ont été séduits non seulement par la disponibilité de capitaux en dollars sur les marchés internationaux, mais aussi par la productivité relativement élevée des États-Unis, des taux élevés et une inflation basse. Leurs investissements dans des fonds américains et dans des actifs tangibles ont soutenu le dollar et financé les déficits commerciaux. »
Rothbard et Sennholz ont écrit ces lignes il y a longtemps, mais elles restent d’actualité. À l’exception du rapport le plus récent, il semble que l’intérêt relativement faible des investisseurs pour les États-Unis contribue à inverser le processus et à faire baisser le déficit commercial. De nouveau, il n’y a pas de quoi sortir les trompettes.
Bien sûr, cela ne signifie pas non plus que le statu quo soit enviable. Les déficits commerciaux qui se succèdent sont seulement dus en partie à la productivité américaine et à la volonté de l’étranger d’investir dans ce qui leur semble être une économie relativement solide. Le déficit commercial est aussi rendu possible par la volonté de l’étranger de conserver des dollars. Cela ne s’explique pas tant par la vigueur du dollar que par la faiblesse des autres devises, comme l’euro, vu que les banques centrales du monde entier semblent être engagées dans une course vers le bas. (…)
Pour terminer, notons que Murray Rothbard a parlé du déficit commercial comme d’un « pseudo-problème généré par l’existence des statistiques des douanes », et que « dans notre ère de l’argent papier, les déficits de la balance commerciale n’ont aucune espèce d’importance » :
« Les derniers arguments, ou plutôt sonnettes d’alarme, gravitent autour des mystères de la balance des paiements. Les protectionnistes se focalisent sur l’horreur que représentent des importations supérieures aux exportations, suggérant que si les forces des marchés continuent de se développer librement, les Américains pourraient se retrouver à acheter tout à l’étranger tout en n’y vendant rien, ce qui signifierait que les consommateurs américains signeraient l’arrêt de mort des entreprises américaines. Mais si les exportations tombaient à un niveau proche de zéro, où diable les Américains trouveraient-ils l’argent pour acheter ces produits importés ? La balance des paiements est un pseudo-problème qui, comme nous l’avons déjà dit, est généré par l’existence des statistiques des douanes.
À l’époque du standard or, un déficit commercial était problématique, mais uniquement en raison de la nature du système bancaire à réserves fractionnaires. Si les banques américaines, incitées par la FED ou toute autre forme de banque centrale, gonflaient la masse monétaire et le crédit, l’inflation américaine débouchait sur des prix plus élevés aux États-Unis, ce qui décourageait les exportations et encourageait les importations. Le déficit qui en résultait devait être payé d’une manière ou d’une autre, et durant le standard or le paiement se faisait en métal, la monnaie internationale. Donc, alors que le crédit augmentait, l’or quittait le pays, ce qui mettait les banques utilisant le système de réserves fractionnaires dans une situation encore plus délicate. Pour maintenir leur solvabilité mise à mal par l’hémorragie d’or, les banques se retrouvaient forcées de serrer la vis du crédit, générant ainsi une récession et inversant le déficit commercial, ce qui permettait donc de récupérer l’or perdu.
Mais aujourd’hui, un tel déficit est vraiment sans importance vu que l’or n’est plus utilisé pour compenser les déséquilibres. Dans les faits, il n’y a pas de déficit. Il est vrai que durant ces dernières années, les importations furent supérieures d’environ 150 milliards de dollars par an que les exportations. Aucune once d’or n’a pour autant quitté le pays. Ou même des dollars.
En conclusion : les arguments protectionnistes, qui semblent plausibles à première vue, ne sont qu’un tissu d’idées fausses grossières. Ils trahissent une ignorance complète des principes économiques les plus basiques. En effet, certains arguments ne sont que des copier-coller des affirmations les plus ridicules du mercantilisme du 17e siècle. Par exemple, qu’avoir un déficit commercial avec un pays défini est également un problème calamiteux. (…) »
Article de Ryan Mc McMaken, publié le 4 avril 2017 sur Mises.org