Jerome Powell, le nouveau patron de la Federal Reserve, vient d’achever sa 3e semaine à son poste. Il a juste eu le temps d’apprendre à utiliser la machine à café, ne parlons pas de l’imprimante multifonction. Il ne sait pas encore ce qu’il faut éviter au menu du restaurant de la FED pour éviter une indigestion.

Pourtant, aux 4 coins de la planète, des tas de gens lui expliquent déjà comment il doit faire son travail. Mieux encore, on lui dit ce qui va se produire ou pas. Par exemple, le South China Morning Post a écrit récemment :

« Le président Trump a peut-être fait une fleur à Janet Yellen en ne lui offrant pas un second mandat en tant que présidente de la FED. Son successeur, Jerome Powell, pourrait avoir reçu un cadeau empoisonné. La FED devra peut-être accélérer le relèvement de ses taux au risque de se voir reprocher d’être en retard alors que les marchés réagissent aux premiers signes d’une inflation en hausse. »

Lorsque Powell s’est présenté à son poste le 5 février pour son premier jour, le consensus était que la FED allait relever à 3 reprises son taux directeur en 2018, de 0,25 %. Mais alors que les prix à la consommation augmentent désormais à un rythme annuel de 2,1 %, que les salaires progressent à un rythme annuel de 2,9 % et que le Congrès vient de voter un budget très dépensier pour les 2 années à venir, certains économistes se demandent si 3 relèvements seront suffisants pour contenir l’inflation. Les scénarios à 4 relèvements, voire à 5 chez Goldman Sachs, ont commencé à apparaître.

Hélas, il s’agit du genre de vétilles que les décideurs et les analystes doivent contempler lorsqu’on est dans une économie planifiée. La vérité est que Powell ne peut pas réussir, quoi qu’il fasse. Il peut relever le taux directeur 3 fois, 4 fois ou 10 fois, il se trompera. Voici pourquoi.

Pénuries chroniques

Une économie est un écosystème complexe qui évolue constamment. Même dans une économie modérément libre, les boulangeries ne sont pas à court de pain lorsque la farine est plus rare en raison de mauvaises récoltes. Les rayons ne sont jamais totalement vides. Au lieu de cela, le prix du pain augmente et les consommateurs ajustent en conséquence leur consommation.

Les économies planifiées sont au contraire sujettes à des pénuries fréquentes, parfois intensives. Les bureaucrates, avec leurs rapports et leurs graphiques, sont incapables de décréter par un diktat le prix juste de l’essence ou d’une boule de chewing-gum. Il y a tout simplement trop de paramètres à prendre en considération.

Avec les meilleures des intentions, les planificateurs centraux tentent d’estimer au mieux les prix. Et cela finit toujours par déraper.

En pratique, l’offre de certains biens ou matières premières est peut-être plus qu’adéquate. Mais lorsqu’une autorité impose un prix artificiellement bas, les consommateurs ont tendance à gaspiller. On les pousse à demander plus que ce dont ils ont besoin. Résultat des courses, les magasins sont toujours vides.

Les fantômes du bloc de l’Est

En ce qui concerne la détermination du prix des biens, des matières premières et des services, des prix fixes imposés par une autorité centrale débouchent toujours sur un échec retentissant. C’est prouvé par l’expérience des économies planifiées des pays de l’ancien bloc communiste durant la seconde moitié du XXe siècle.

Malheureusement, le contrôle des prix ne se limite pas aux biens, aux matières premières et au service. Les États-Unis, l’Europe et le Japon n’ont pas ménagé leurs efforts durant le début du XXIe siècle pour montrer que ces fantômes peuvent également hanter les marchés du crédit.

Ne perdez pas de vue que le crédit, comme une matière première ou un bien, est doté d’un prix. À savoir le taux d’intérêt qui s’y applique. Fixer un taux a les mêmes conséquences que fixer le prix d’un bien ou d’une matière première de façon centrale : une telle tentative est vouée à l’échec.

Même quelqu’un qui n’a que des notions très vagues d’économie comprend très bien qu’il a quelque chose qui cloche lorsque les prix de l’immobilier augmentent bien plus vite que les salaires. (…)

Le nouveau président de la FED n’a aucune chance. Bernanke et Yellen, avant lui, ont inondé l’économie de crédit bon marché. Désormais, Powell doit passer la serpillière avec ses taux plus élevés. Mais vu que l’économie américaine est désormais endettée à des niveaux records, il ne peut pas se permettre d’aller trop loin.

Powell trouvera le seuil de fracture. Mais lorsque la prochaine grande crise de la liquidité se matérialisera, il ne s’agira pas d’un échec des marchés libres. Ce sera l’échec de la planification.

Article de MN Gordon, publié le 23 février 2018 sur EconomicPrism.com