Si l’Europe ne tire pas les leçons de son histoire, elle est condamnée à répéter la même erreur : essayer d’établir une union monétaire européenne.

Nous avons pu observer l’échec de l’Eurozone avant même que l’euro soit mis en circulation. Le SME (serpent monétaire européen) et le MCE (mécanisme de taux de change européen) ont tous les deux échoués.

Heureusement pour le Royaume-Uni, il a tiré les leçons de ces deux premiers échecs et n’a donc pas souhaité intégrer l’Eurozone.

Puis la crise des dettes souveraines s’est emparée de l’Europe. Face à cette crise, la BCE a mis en œuvre des politiques non conventionnelles. Si un système doit violer ses propres règles pour espérer survivre, c’est que les fondations même de ce système sont défaillantes.

L’échec des tentatives d’unions monétaires en Europe n’est en rien un fait unique. En réalité, toutes les tentatives d’unions monétaires à travers le monde se sont toujours terminées de la même façon.

Jens Nordvig, banquier d’affaire, chercheur et écrivain, a analysé l’histoire des tentatives d’unions monétaires dans son rapport intitulé « Repenser l’union monétaire européenne ».

Voici la liste complète des 67 tentatives d’unions monétaires qui ont échoué rien qu’au cours du XXème siècle. En dessous, vous trouverez un graphique indiquant les dates et le poids économique de ces unions monétaires.

L’euro est inclus sur ce graphique uniquement à titre indicatif, bien sûr il ne s’est pas encore effondré… du moins pas à l’heure où nous écrivons ces lignes.

L’étude de Jens Nordvig ne remonte que jusqu’en 1910. Elle ne mentionne pas une union monétaire beaucoup plus ancienne, l’Union latine. Cette union fut fondée en 1865 par la France, la Belgique, l’Italie et la Suisse. A cette époque, ces quatre pays représentaient une part considérable de l’économie mondiale.

Il est frappant de constater à quel point l’ensemble de ces unions monétaires ont été confrontées à des problèmes similaires. Elles ont toujours eu les mêmes dysfonctionnements, et les mêmes abus se reproduisent peu de temps avant leur effondrement.

Voici ce qu’une équipe de chercheurs a écrit dans la Review of Development Finance au sujet de l’Union latine :

« Les résultats de nos recherches font apparaître clairement que l’Italie connaît une instabilité économique et politique beaucoup plus forte que les autres pays, malgré son adhésion à l’Union latine depuis sa création ».

L’Union latine sapée par l’Italie et la Grèce

L’Union latine fut également confrontée à un problème de dépréciation de sa monnaie commune en raison de la réduction progressive de la quantité d’or et d’argent contenue dans les pièces. Chaque pièce était normalement interchangeable, mais leur composition a été progressivement altérée par les Etats des pays membres de l’union. Ainsi, les pièces contenant la plus forte concentration de métaux précieux étaient retirées de la circulation pour être fondues, seules les pièces de moins bonne qualité continuèrent de circuler.

Dans le cas l’Union latine, c’est l’Italie qui a quitté la première l’union, comme l’expliquent les auteurs :

« Seulement quelques mois après la ratification du traité, l’Italie a suspendu la convertibilité des billets de banque en pièces métalliques et a mis en circulation de grandes quantités de petites coupures. Les pièces d’argent italiennes ont alors afflué vers la France, la Belgique et d’autres pays voisins. »

Vous ne devinerez jamais quel pays fut le prochain sur la liste :

« L’admission de la Grèce dans l’Union latine posait un problème similaire. Afin d’éviter un afflux massif de pièces de monnaie grecques dans l’union, la Grèce a accepté que toutes les pièces soient frappées à la Monnaie de Paris  et soient ensuite expédiées directement en Grèce. Néanmoins, des pièces d’argent grecques ont été découvertes en circulation à Paris seulement quelques semaines après la mise en application de l’accord. »

L’Union Soviétique a fait face aux mêmes difficultés. Les pays satellites d’Europe de l’est étaient soumis aux règles monétaires russes imposées dans le cadre de la « zone rouble ». Mais ces nations ont pu profiter de leur appartenance à cette union monétaire pour « exporter » leur inflation.

Dans une union monétaire, si l’un des pays membres décide de créer une quantité disproportionnée de monnaie, ce pays bénéficiera d’un surplus de pouvoir d’achat alors que l’inflation générée par cette création monétaire sera partagée à l’échelle de l’ensemble de l’union.

Avec une telle incitation, comme le montre la théorie des jeux, une crise inflationniste est inévitable, chaque pays cherchant à pousser plus loin les limites de la création monétaire.

Aujourd’hui, la BCE monétise des montants disproportionnés de dettes souveraines grecques et italiennes.

Nous pouvons tirer d’autres enseignements intéressants de la désintégration de l’union monétaire soviétique. La zone rouble avait sa propre version du système européen Target2, il s’agissait du système TR (Transfer Roubles). En fait, les deux systèmes présentent de telles similitudes que la description du fonctionnement du système TR réalisée par le think tank Bruegel pourrait être confondue avec celle de Target2 :

« D’après le programme d’intégration économique approuvée en 1971 par le CMEA (Council for Mutual Economic Assistance), le TR avait également pour objectif de permettre le règlement des échanges multilatéraux entre les pays membres, en permettant à un pays A en situation d’excédent commercial avec un pays B d’utiliser sa créance sur le pays B pour importer auprès d’un pays C.

 En d’autres termes, le TR était utilisé en tant qu’unité comptable pour déterminer la balance nette entre les différents pays membres dans le cadre des transactions réalisées

par le biais de la Banque internationale de coopération économique située à Moscou, une institution fondée par le CMEA. Un déficit commercial enregistré une année était comptabilisé comme un crédit et devait être remboursé au cours des années suivantes. »

Comme l’expliquent les auteurs, le TR n’était pas une véritable devise, dans le sens où il n’était pas possible de la dépenser ou d’échanger ces unités contre une devise.

Mais il y a un problème : le commerce implique l’échange de biens et services ayant une valeur réelle. Si vous n’obtenez en échange de biens et services qu’une promesse dans un livre comptable, vous vous faites avoir. C’est tout le problème du surplus de l’Allemagne dans Target 2.

Ce mécanisme pose un autre problème majeur, aussi bien à l’époque de la zone rouble qu’aujourd’hui dans la Zone euro : il empêche tout rééquilibrage de la balance commerciale des différents pays. En fait, il entretient ces déséquilibres.

La seule façon pour qu’un pays excédentaire obtienne en échange des biens et services réels, c’est qu’il devienne à son tour déficitaire vis-à-vis des autres pays jusqu’à ce que le système revienne à l’équilibre.

Pour simplifier, les Allemands obtiennent des tickets représentant une reconnaissance de dette en échange de leurs exportations vers des pays tels que la Grèce et l’Italie. Ces tickets donnent à l’Allemagne le droit d’acheter des produits provenant de ces pays, mais seulement lorsqu’ils dégageront un excédent commercial vis-à-vis de l’Allemagne, ce qui est impossible précisément en raison de ce système de ticket…

C’est une situation désastreuse, un accord perdant-perdant.

L’échec de la planification centralisée

Que l’on parle de la zone rouble, de l’Union latine ou de l’Eurozone, nous en revenons finalement au même sujet, au problème central.

Chaque fois qu’un système reposant sur la planification centralisée est mis en place, c’est un échec. Il produit des résultats catastrophiques jusqu’à ce que les gens décident de l’abandonner et d’en essayer un nouveau.

C’est vrai dans tous les domaines économiques, cela va du contrôle des taux d’intérêt  au contrôle des loyers en passant par tous les prix. Alors pourquoi les gens ne réalisent pas qu’il en va de même dans le domaine monétaire ?

Le vestige le plus puissant de la planification centralisée dans nos économies modernes est la banque centrale. Elle possède un pouvoir immense sur nos transactions en contrôlant un facteur économique clef, le coût d’opportunité de la consommation par rapport à l’épargne – les taux d’intérêt.

Sur quelles variables économiques les banques centrales ont-elles le plus d’influence ? L’inflation, le logement, la croissance économique et la dette publique. Les banques centrales ont conçu et mis en place tout un ensemble d’outils afin de pouvoir manipuler ces indicateurs économiques.

Pour quel résultat ? La réponse n’est-elle pas évidente ?

Dans nos économies modernes et mondialisées, les secteurs économiques qui sont le plus soumis à la planification centralisée sont précisément ceux qui sont en crise depuis 2006.

Pourtant, les critiques du capitalisme rejettent la responsabilité sur l’économie de marché libre !

Cela me rappelle les Soviétiques qui accusaient le marché noir d’avoir causé l’effondrement du socialisme. En réalité, le marché noir était le seul secteur économique qui donnait de bons résultats…

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit.
Nick Hubble
Article de Nick Hubble, via les publications Agora.

Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd’hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que « The Daily Reckoning Australia » et « The Money Life Letter ».