Si vous avez suivi durant ces derniers mois les déclarations publiques des grandes banques centrales du monde, vous avez remarqué un grand changement de ton par rapport aux années précédentes.

Par exemple, les responsables de la BCE sont en train de téléphoner la réduction de leur QE en septembre de cette année, tandis que certains économistes européens prédisent un relèvement des taux en décembre. La banque d’Angleterre s’est déjà engagée dans son propre programme de hausse des taux tout en avertissant que de nouveaux relèvements sont au programme. La Banque du Canada poursuit une initiative similaire. La Banque du Japon a réduit les volumes de ses achats obligataires. Ce qui a engendré des rumeurs selon lesquelles Kuroda sera responsable du serrage de vis monétaire au Japon, qui aurait dû démarrer il y a longtemps alors que le bilan de la BoJ s’élève désormais à environ 5 trillions de dollars.

Cette tendance globale au serrage de vis est une autre preuve qui indique que les banques centrales n’opèrent pas de façon indépendante les unes des autres. Elles agissent en fait de concert en respectant un agenda commun. Cela dit, aucun des renversements de tendance adoptés par les autres banques centrales n’égale le virage à 180° effectué par la Federal Reserve.

Nous avons d’abord eu la réduction des achats du QE, dont la matérialisation n’était pas attendue. Il y a eu ensuite les hausses de taux, jugées impossibles par de nombreux analystes des médias dominants et alternatifs. Aujourd’hui, la FED est en train de réduire la taille de son bilan, à un rythme plus élevé qu’attendu également.

Désormais, les économistes mainstream diront que la FED ne poursuivra pas ces politiques jusqu’au bout. Si cela devait continuer, la FED finirait par intervenir lorsque les effets négatifs se feraient ressentir. Je pense qu’un tel raisonnement est hasardeux car il se base sur la supposition dangereuse que la FED souhaite continuer à sauver les marchés.

Lorsque des économistes de renom affirment que la FED pourrait poursuivre ce régime de taux planchers et de stimulations pendant des décennies si nécessaire, ils citent souvent l’exemple de la Banque du Japon pour appuyer leurs dires. Mais ce qu’ils oublient de dire, c’est qu’il a fallu des décennies à la Banque du Japon pour faire gonfler son bilan jusqu’à presque 5 trillions de dollars alors que la FED a fait bondir le sien de 4,5 trillions en seulement 8 ans. (…)

Franchement, la comparaison est idiote. Et comme la FED l’a dit elle-même, elle ne va pas continuer à stimuler l’économie. Les gens s’accrochent à cette certitude car ils veulent croire que la Banque centrale américaine va maintenir l’open-bar. Ils ont tort.

Je me bats contre ce vœu pieu depuis un moment. Lorsque j’avais annoncé que la FED allait bel et bien réduire son QE, j’ai reçu des réactions majoritairement négatives. Idem lorsque j’ai annoncé la hausse des taux américains. Aujourd’hui, j’ai du mal à faire comprendre que la FED n’interviendra pas à l’occasion de la prochaine correction.

Il y a quelque chose de toxique dans la notion poussant à croire que rien n’arrêtera les banques centrales lorsqu’il s’agit de pousser à la hausse les marchés actions et obligataires. Cela crée une croyance presque religieuse chez les investisseurs, une euphorie psychédélique qui leur faire croire qu’ils peuvent voler. Bien sûr, ce qui se passe vraiment est que ces gens ont sauté du toit de leur penthouse de luxe. Ils pensent qu’ils volent, mais ils sont en train de tomber comme une brique du poids de leur stupidité.

L’ancienne présidente de la FED, Janet Yellen, a déclaré alors qu’elle était sur le point de quitter son poste :

Q : Si les prix des actions, et les prix des actifs en général, devaient tomber, quelle serait la conséquence globale sur l’économie ?

« Je pense que notre jugement général est qu’en cas de baisse de la valorisation des actifs, cela n’infligerait pas au cœur du système financier des dommages excessifs. »

Les responsables de la FED jugent les valorisations trop élevées

Lorsqu’on l’interrogeait sur les prix élevés des actions, elle a également déclaré :

« Eh bien, je ne veux pas dire qu’ils sont trop élevés. Mais ils sont élevés. Les ratios cours/bénéfices sont proches du plus haut des écarts historiques (…). Cela dit, est-ce une bulle ou des valorisations trop élevées ? C’est très compliqué à dire. Mais il s’agit d’une source d’inquiétude. »

Depuis le milieu de l’année dernière, la FED affirme que la Bourse est surévaluée et vulnérable. Cette rhétorique s’est durcie durant ces derniers mois. Le président de la FED de Dallas Robert Kaplan a balayé les craintes de voir la hausse des taux avoir des effets sur les marchés en suggérant qu’il pourrait y avoir plus de 3 relèvements des taux en 2018. Ce jour-là, le Dow chutait de 666.

Le président de la FED de New York Bill Dudley a balayé d’un revers de la main les soucis concernant la volatilité récente en affirmant que la correction sur les marchés actions que nous avons connue « n’a quasi aucune conséquence sur les perspectives économiques ».

Jerome Powell, le nouveau président de la FED, a déclaré alors qu’il allait entrer en fonction qu’il allait poursuivre la politique actuelle de la FED, faite de hausses des taux et de réductions de la taille du bilan. La semaine dernière, il a réitéré son support en faveur de davantage de relèvements du taux directeur alors que les médias dominants se focalisaient à outrance sur sa petite promesse de surveiller le comportement des marchés actions. Cela prouve une fois de plus que le nom de la personne qui est à la tête de l’institution n’a aucune espèce d’importance. Le président de la FED est simplement la figure de proue du navire qui exécute une politique déjà décidée. La FED devrait relever son taux directeur en mars.

Parmi les autres éléments de preuve qui tendent à montrer que la FED ne se soucie plus trop des actions et des obligations, il y a la réduction de la taille de son bilan de 18 milliards de dollars, qui a eu lieu en janvier.

Simultanément, le taux des Treasuries sur 10 ans s’approche de la zone de danger des 3 % après des statistiques annonçant une inflation plus élevée qu’attendu, tandis que le dollar plonge. Il s’agit peut-être des premiers signes d’une crise de type stagflation. En bref, les marchés ne sont pas prêts pour un changement de régime engendré par le franchissement des obligations américaines sur 10 ans du seuil des 3 % et un dollar qui plonge. La baisse du billet vert fournit un nouveau motif pour justifier la hausse agressive des taux. Si cela a lieu, cela signifie que les crédits bon marché vont devenir chers.

Qui volera à la rescousse des marchés ?

La question que je me pose est la suivante : si la FED ne va pas fournir de l’argent bon marché aux banques et aux entreprises pour alimenter les rachats d’actions, qui va acheter des titres désormais ?

Les entreprises ? Non. Leur dette a atteint des sommets, bien plus élevés qu’avant le krach de 2008. Les rachats d’actions ne pourront se poursuivent au même rythme sans l’aide de la FED.

Les petits investisseurs ? J’en doute. (…) Les consommateurs américains sont également endettés jusqu’à la garde, à des niveaux historiques.

Les investissements dans l’infrastructure prévus par Trump auraient dû être faits il y a 8 ans, avant que la dette ait été creusée pour sauver les banques. Mais cela aurait-il été suffisant ? Une stratégie similaire qui fut utilisée par Herbert Hoover ne fut pas vraiment couronnée de succès. Les projets d’infrastructures de l’ère Hoover ne furent pas remboursés des décennies après la fin de leur construction. Hoover fut également un président républicain qui fut à la barre durant le début d’une Grande dépression. (…)

Je pense que toute personne sensée peut voir ce qui nous attend. La FED laissera le marché s’effondrer en 2018. Ils vont poursuivre les plans initiaux de hausse des taux et de réduction de la taille du bilan. La FED n’interviendra pas pour sauver le marché. Pourquoi devrait-elle faire ? Trump continue de se positionner en tant que bouc émissaire idéal de l’implosion de la bulle, qui arrivera de toute façon tôt ou tard. Désormais, les banques centrales ont de quoi éviter les critiques. »

Source : article de Brandon Smith, publié sur Alt-Market.com – sous-titres ajoutés