L’économie mondiale est-elle prête à connaître un nouveau ralentissement économique induit par le pétrole ? Depuis peu, l’anxiété commence à monter dans certains pays vu que la croissance a ralenti durant le premier trimestre. Cela s’applique aux États-Unis, à la zone euro et au Royaume-Uni. Par exemple, nous avons appris vendredi que durant le T1 2018 la croissance du Royaume-Uni s’est élevée à 0,1 %, presque du surplace.
Bien sûr, les Européistes remettront la faute sur le Brexit. Le Royaume-Uni a davantage ralenti que les autres pays, mais cela s’explique par plusieurs raisons. Et on ne peut certainement pas remettre sur le Brexit ce ralentissement économique global. Il est également peu probable que ce soit la faute du pétrole. La météo est probablement le coupable. Mais quel que soit le rôle du pétrole dans cet événement, sera-t-il susceptible de menacer la croissance des trimestres à venir ?
Les cours du brut sont actuellement à leur plus haut depuis la mi-2014. Ils ont grimpé de plus de 10 % rien que durant les 3 dernières semaines. Il est tout de même utile de remettre ce fait dans son contexte. À environ 75 $ le baril, le prix de l’or noir reste bien loin de son prix moyen d’entre 2011 et 2014, à savoir d’environ 120 $. Ne parlons même pas du pic de 140 $ de la fin 2008. De même, nous sommes bien au-dessus du plus bas de 30 $ atteint au début de l’année 2016. Depuis, la tendance est clairement à la hausse, même si elle s’est renforcée durant ces dernières semaines. Pourquoi ? Jusqu’au début de l’année 2018, la croissance mondiale était solide. Au début du mois d’avril dernier, la consommation américaine a atteint des records. En mars dernier, les importations de pétrole de la Chine n’étaient pas loin de leur record historique.
Mais au-delà de cette influence de la demande, certains facteurs spécifiques de l’offre ont également joué. Des craintes grandissent concernant de nouvelles sanctions américaines sur les exportations de pétrole iranien. Depuis son élection, le président Trump critique l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Il pourrait ne pas reconduire la levée des sanctions en mai, à l’expiration de l’accord. Si les États-Unis devaient à nouveau imposer des restrictions à l’Iran, cela devrait contribuer à la hausse du brut, surtout si la République islamique décide d’annuler l’accord sur le nucléaire en représailles. Mais l’impact sur le prix du pétrole ne devrait pas être aussi important que certains le craignent.
Il n’y a que très peu de volonté au sein de l’UE pour réinstaurer les sanctions. De plus, Trump pourrait avoir beaucoup de peine à convaincre la Chine de réduire ses importations de pétrole iranien vu l’augmentation de la demande dans ce pays, sans parler des tensions entre l’administration Trump et Pékin. De plus, l’Arabie saoudite dispose de capacités non utilisées qui pourraient compenser la différence si l’Iran devait être sanctionné.
De plus, les spéculations vont bon train quant à la possibilité d’un accord sur la baisse de la production de l’OPEP et de la Russie en 2019, alors que les quotas sont censés expirer à la fin de cette année, comme prévu dans les termes du dernier accord. En effet, l’Arabie saoudite a indiqué qu’elle serait très satisfaite avec un baril à 80 $, voire même à 100 dollars. Elle ne cracherait pas sur des profits additionnels à court terme. Néanmoins, en vertu de ses énormes réserves de brut, l’Arabie saoudite a toujours été réticente à l’idée de pousser le baril à des prix tellement élevés que cela encourage l’émergence de sources alternatives.
Simultanément, on craint l’effondrement de la production au Venezuela. La production de pétrole y baisse depuis 2006 en raison de sous-investissements chroniques dans le secteur pétrolier, ainsi que le départ du personnel le plus qualifié alors que les rémunérations sont de moins en moins attractives au sein de la compagnie pétrolière publique. La baisse de la production s’est néanmoins fortement accélérée durant ces 6 derniers mois. Environ 1/6 du personnel de la société pétrolière d’État a démissionné l’année dernière.
En admettant que le baril reste à environ 75 $, quel serait l’impact sur l’économie mondiale ? Probablement mineur. Il y aurait un peu de pressions inflationnistes. À un tel niveau, cela correspond à une hausse de l’inflation de base 0,3 % pour le premier semestre de l’année. Par corollaire, cela devrait faire baisser la consommation des ménages, dont le revenu réel serait grignoté. Mais cet effet devrait être temporaire et mineur. De plus, la hausse du pétrole augmente la consommation dans les pays producteurs, ce qui compense les effets négatifs dans les pays importateurs.
Cette reprise de l’inflation pourrait-elle provoquer l’accélération du relèvement des taux ? J’en doute. (…) De plus, il est loin d’être acquis que la hausse va se poursuivre, même en cas de reprise de l’activité économique mondiale, le scénario que j’anticipe. Non seulement il sera difficile pour l’OPEP de maintenir sa discipline, mais la production américaine devrait augmenter en raison de la hausse récente des prix. (…)
Article de Roger Bootle, publié le 29 avril 2018 sur le site du Telegraph