Depuis plusieurs années, la publication hebdomadaire d’Evergreen a maintenu l’or physique et les minières dans la catégorie « J’aime ». Cependant, malgré notre conviction à long terme, nous avons parfois concédé que cette classe d’actifs semblait trop chère. Par conséquent, nous avons conseillé des prises de bénéfices et un rééquilibrage. Le mois d’août dernier fut un exemple de cette stratégie, lorsque nous avons mis à jour notre recommandation tout en présentant un billet de Louis-Vincent Gave intitulé « Qu’est-ce qui arrêtera le marché haussier de l’or ? ».

Louis Gave devient bullish pour l’or

Dans l’introduction de ce papier, nous avons concédé que Louis-Vincent Gave fut loin d’être un partisan de l’or pendant la majeure partie de sa carrière. Par conséquent, son changement de ton était remarquable. À peu près à la même époque, Warren Buffett a changé sa vision à long terme du métal jaune en prenant une petite position dans une action minière bien connue. Malgré l’adoubement de l’or par ces 2 investisseurs extrêmement respectés, nous avions averti que cette classe d’actifs semblait chère à court terme. Entre août 2020 et le 1er mars 2021, le prix de l’or s’est retranché de 18,4 %. Les minières ont également été durement touchées, chutant de près de 31 %.

Cependant, après un automne et un hiver ternes, l’or fait de nouveau la une. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait inattendu, après un rebond de 12,4 % du prix depuis mars qui a ramené l’or au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours.

Cette semaine, nous relayons un billet profond sur le sujet de la part, une fois de plus, de Louis Gave. Dans cet article, Louis fait valoir que l’or pourrait être le prochain actif à former une bulle pour ainsi rejoindre bien d’autres actifs.

Cependant, contrairement aux véhicules électriques et aux cryptomonnaies, la « relique barbare », autrefois moquée, a conservé son attrait pendant des milliers d’années. Même en se basant sur un horizon temporel beaucoup plus court, l’or a, à la surprise générale, largement surperformé le S&P 500 depuis le début du siècle. La question pour les investisseurs est de savoir si cela va durer. Grâce aux efforts concertés de la FED et du Trésor américain, nous pensons que… arrêtons-nous ici pour laisser Louis prendre le relais…

Est-ce au tour de l’or de briller ? Par Louis-Vincent Gave

Mon ami Kevin Muir, dont la formidable newsletter MacroTourist est à la fois très pratique et très abordable, a décrit l’environnement d’investissement de l’année dernière comme une série de bulles qui se succèdent. Alors que les paris sur les véhicules électriques débouchaient sur des valorisations vertigineuses, les investisseurs ont semblé se rendre compte que les véhicules électriques utilisent environ 5 fois plus autant de cuivre que les voitures à moteur à combustion. Les sociétés minières spécialisées dans le cuivre ont donc dûment atteint de nouveaux sommets. Ensuite, les cryptos furent l’actif à la mode, suivies par les jeux vidéo, le bois, la logistique… et ainsi de suite. Les bulles se forment d’un actif chaud bouillant à l’autre, les investisseurs se demandant lequel sera le prochain. Dans cette note, je vais expliquer pourquoi je pense que l’or pourrait être cet actif.

Pour commencer, après une période d’août 2020 à mars 2021 assez horrible, l’or semble techniquement plus fort. Le mardi 18 mai, le prix de l’or a transpercé sa moyenne mobile à 200 jours (voir le graphique de gauche ci-dessous), ce qui pourrait avoir pour effet d’attirer l’attention des algos et des investisseurs qui suivent les tendances (momentum).

De plus, ce rebond se produit dans un contexte macro généralement favorable à l’or : les rendements des bons du Trésor américain semblent stagner dans la fourchette 1,60-1,75 % (la tendance baissière d’août-mars de l’or a coïncidé avec le rebond des rendements obligataires américains). Tandis que les données de l’inflation américaine ont surpris (certaines personnes) à la hausse. Simultanément, le dollar américain, tel que mesuré par le DXY (dollar index), semble s’effondrer (le graphique de droite ci-dessus montre qu’il est tombé mardi sous le niveau psychologiquement important de 90).

Un environnement fait de rendements restreints, de hausse de l’inflation et d’affaiblissement du dollar américain est une bénédiction pour les bulls de l’or. Cet environnement peut changer, mais en attendant le prix de l’or devrait augmenter. D’où la question : va-t-il battre son record de l’été dernier ? Pour les raisons suivantes, je pense que ce sera le cas :

  1. De nombreux investisseurs qui s’inquiètent de la dépréciation du dollar en raison d’un mix de politiques américaines qui a poussé les déficits jumeaux au-dessus de 20 % du PIB ont trouvé refuge dans les cryptomonnaies. Celles-ci ont offert des rendements extraordinaires, mais la correction actuelle fait craindre que certains investisseurs pourraient vouloir prendre leurs profits tant que c’est encore possible. Si tel est le cas, achèteront-ils des dollars américains, qui sont probablement encore détestés, ou alloueront-ils plutôt des fonds aux métaux précieux qui profitent désormais d’une dynamique positive ?
  2. Si, comme je le pense, l’été prochain verra la plupart des Américains et des Européens prendre la route, les prix du pétrole devraient très probablement augmenter. Cela ne fera qu’empirer les craintes d’inflation, ce qui – en supposant que la Réserve fédérale n’agisse pas sur ces inquiétudes – devrait être bon pour l’or. Une hausse du prix du pétrole soulèvera également des questions concernant le recyclage des pétrodollars gagnés par des pays comme la Russie, l’Algérie, le Nigeria et l’Iran. Comme il est peu probable que de tels pays optent pour une monnaie soumise au contrôle du gouvernement américain, pourraient-ils l’échanger contre des actifs tels que des obligations en renminbi et de l’or ?
  3. Une raison plus technique est l’adoption imminente des règles de Bâle III qui visent à obliger les banques à financer des actifs à long terme avec de la devise à long terme, pour éviter ainsi les soucis de liquidité qui ont contribué à déclencher la crise de 2008. En théorie, cela semble bien beau. Mais en pratique, ces nouvelles règles obligent les traders or à maintenir un « facteur de financement stable obligatoire » de 85 %. Cela entrera en vigueur en Europe fin juin et au Royaume-Uni début 2022. En pratique, cela tuera le marché européen de l’or papier. Les règles peuvent encore changer avant ces échéances, mais avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus du marché de l’or papier, il faut être particulièrement courageux pour conserver une position short nue sur l’or aujourd’hui. Et compte tenu de cette menace réglementaire, la plupart des banques réduiront probablement leurs opérations de négoce de métaux précieux dans les semaines à venir. Cela débouchera sur des volumes réduits, mais la demande augmentera en raison d’une inflation plus élevée, de la dynamique positive et de la baisse des cryptomonnaies.

En mettant tout cela ensemble, les probabilités semblent indiquer que les métaux précieux sont les mieux positionnés pour devenir la prochaine bulle.

Source : Evergreen Gavekal