Il parait loin le temps où la crédibilité d’une banque centrale était assise sur sa réserve d’or. Mais en 1966, Alan Greenspan proférait une curieuse mise en garde…

L’or et les banques centrales ont une longue histoire commune. Ces dernières doivent d’ailleurs leur existence même au métal jaune. Aussi, parler de l’or sans aborder cette relation privilégiée serait une faute majeure.

Le concept de banque est, vous le savez probablement, né de la double nécessité :

  • d’une part de compenser les mouvements de métal entre villes (ou entre pays) plutôt que de transporter sur des routes mal fréquentées d’importantes et lourdes sommes d’or ;

  • et d’autre part, de mettre en place un mécanisme de mutualisation des épargnes individuelles pour permettre à celles-ci d’être valorisées par l’octroi de prêts rémunérés.

Ce concept, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est pas apparu de but en blanc. Usuriers et prêteurs ont été les premières formes de banque. Puis est apparu progressivement un négoce des effets de commerce dans les villes-Etats du nord de l’Italie et aux Pays-Bas. Dès lors, la banque commerciale moderne était née.

Les plus vieilles banques centrales

Ensuite vinrent les banques centrales. Trois pays se disputent le privilège d’avoir créé la première banque centrale de la planète :

  • la Suède avec la Sveriges Rikes Ständers Bank en 1668 (devenue ensuite Sveriges Riksbank) ;

  • Les Pays-Bas avec la Amsterdamsche Wisselbank en 1609, devenue ensuite la De Nederlandsche Bank NV en 1814 ;

  • et enfin le Royaume-Uni avec la Governor and Company of the Bank of England en 1694.

Ces banques ont été initialement créées avec un statut de banque commerciale. Progressivement, elles ont assuré le rôle de banquier et de gestionnaire de la dette de l’Etat, leur attribuant de fait une responsabilité monétaire à l’instar des banques centrales d’aujourd’hui.

En France, traumatisée par l’épisode hyper-inflationniste créé par les montages de John Law, il faudra attendre le 14 avril 1803 pour que la Banque de France, créée le 13 février 1800, obtienne le monopole de l’émission monétaire de billets.

En 1791, la First Bank of the United States devient la première banque centrale des Etats-Unis. Au terme de son mandat lui succédera la Second Bank of the United States qui sera dissoute en 1830 par le président Andrew Jackson. Il faudra attendre 1913 pour que les Etats-Unis rétablissent cette institution. La banque centrale des Etats-Unis telle que nous la connaissons aujourd’hui, le Federal Reserve System, voit ainsi le jour après les crises monétaires du début du xxe siècle.

Emissions de papier-monnaie, réserves d’or et crédibilité

La crédibilité de ces banques centrales était assise sur le stock de métaux précieux, principalement d’or, qu’elles détenaient. Après l’adoption de l’étalon-or par le Royaume-Uni en 1816, les principales économies devaient migrer progressivement vers le monométallisme or, les Etats-Unis fermant la marche vers l’étalon-or à partir de 1834, de façon officieuse, puis officiellement à partir de 1879.

Pour assurer la confiance dans ces institutions financières, les émissions de papier-monnaie étaient limitées en volume en fonction des capacités des banques centrales à rembourser en or les liquidités mises en circulation.

or et banques centrales

Ainsi en septembre 1949, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les dépôts reçus aux guichets des banques du système de la Réserve fédérale et les émissions de billets étaient couverts à hauteur de 57,5% par les certificats or détenus par la Réserve fédérale. Ce pourcentage important conforta le dollar dans sa position.

En revanche, quelques années plus tard, en décembre 1964, ce ratio n’était déjà plus que de 27,5%. Celui-ci annonçait l’imminence d’une crise monétaire* si rien n’était entrepris pour redresser la confiance dans la monnaie américaine, et en particulier pour redresser le déséquilibre persistant de la balance des paiements.

Cette crise survint en 1966. Les Etats-Unis faisaient alors pression sur leurs alliés pour qu’ils s’engagent à ne pas réclamer la conversion en or de leurs excédents en dollar. La convertibilité en or du dollar, clé de voûte du régime monétaire d’après-guerre (l’étalon de change-or défini à Bretton Woods), était enterrée et avec elle tout instrument permettant de réguler objectivement les politiques budgétaires et monétaires.

1966 : fin de la convertibilité en or du dollar et mise en garde d’Alan Greenspan

Cette même année 1966, un brillant économiste, très controversé dans ses futures fonctions de président de la Réserve fédérale, publiait un essai d’une étonnante prescience. Dans Gold and Economic Freedom (Or et liberté économique) publié dans la lettre The Objectivist d’Ayn Rand et Nathaniel Branden, Alan Greenspan évoquait les conséquences d’un abandon de tout lien entre la monnaie et l’or :

« En l’absence de l’étalon-or, il n’y a aucun moyen de protéger l’épargne contre la confiscation par l’inflation. Il n’existe aucun havre pour préserver la valeur. S’il existait, le gouvernement devrait le rendre illégal, comme cela a été fait dans le cas de l’or…

[…] La politique financière de l’Etat-providence exige qu’il n’y ait aucun moyen pour les détenteurs de richesse de se protéger. […] Les déficits sont simplement un plan pour la confiscation de la richesse. »

Retenez bien que cela été écrit en 1966 !

Nous verrons dans le prochain article combien la première analyse de Greenspan était juste.

* Le Trésor américain ayant fixé à 25% le ratio de couverture minimum.

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Yannick ColleuArticle de Yannick Colleu, via les publications Agora. Yannick Colleu, de formation Ingénieur et IAE de Paris, est l’auteur d’un guide reconnu sur l’investissement aurifère : Guide d’investissement sur le marché de l’or (éditions Gualino – 2008). Il a également signé l’ouvrage Investir dans les métaux précieux- Le guide complet  aux éditions Eyrolles (2014).

En phase avec les grandes idées d’investissement des Publications Agora, il intervient régulièrement dans nos chroniques et lors de nos conférences. Spécialiste des métaux précieux, Yannick Colleu est notamment rédacteur de la rubrique « Le coin du physique » de Crise, Or & Opportunités.