Le moment de gloire de Mario Draghi a eu lieu durant l’été 2012. À l’occasion d’une conférence bizarre de Londres, vaguement liée au début des JO, le président de la BCE promit de faire « tout ce qui serait nécessaire » pour sauver l’euro.

Il n’était en poste que depuis 8 mois, mais sa promesse eut un impact important, elle fut un tournant de la crise bancaire et de la dette souveraine qui secouait l’Europe. La BCE s’engageait à acheter des obligations jusqu’à ce que le marché arrête de paniquer.

Cela a marché. Il a offert un ballon d’oxygène à la zone euro, donnant du temps aux politiciens pour régler ses problèmes, la stabiliser afin de la préparer pour le futur. Ils ne l’ont pas fait, alors que Draghi en appelait à des réformes de façon insistante.

Son successeur sera choisi dans les mois à venir. Les élections européennes ont planté le décor des tractations qui décideront des nominations aux postes européens importants. Mais comme le règne de Draghi le montre, le pouvoir des politiques monétaires et des régulations bancaires a ses limites.

Il a défini le cadre opératoire de la banque centrale. Son successeur héritera d’une organisation qui se comporte de façon plutôt prévisible, avec peut-être un peu de marge de manœuvre pour être plus accommodante, ou serrer quelque peu la vis.

Tout changement de politique monétaire sera dicté non pas par la personnalité de son successeur, mais par les événements. La même chose est valable en Grande-Bretagne. On nous avait présenté Mark Carney comme un banquier « rock star » lorsqu’il a pris la tête de la BoE en 2013. Il a assuré durant les grands événements, notamment en rassurant les marchés après le Brexit, il a implémenté des réformes (dont certaines étaient déjà bien en marche lorsqu’il est arrivé) importantes.

Mais en termes de taux, son règne n’a pas eu beaucoup d’influence. Le taux directeur britannique est de 0,75 %, soit un chouia supérieur au taux en vigueur durant sa prise de fonction (0,5%). Il y a 6 ans, on espérait le retour des taux « normaux ». Au lieu de cela, les décideurs de la BoE ont passé ces dernières années à expliquer aux épargnants furieux qu’ils n’étaient pas responsables des taux ultras bas.

Ils sont le produit de notre environnement. À savoir croissance, productivité et investissements faibles qui ont poussé à la baisse le coût du crédit à l’échelle mondiale. Cela signifie donc que la marge de manœuvre des banquiers centraux est très limitée. Ils sont réduits à faire des ajustements marginaux des taux pour influencer l’économie et l’inflation, tout en devant prendre garde de ne pas faire une grosse gaffe.

Une hausse prématurée peut entraver la croissance. Des taux trop bas peuvent créer des bulles. En cas de pic soudain de la productivité, disons en raison de l’impact de nouvelles technologies ou d’un boum des investissements, les taux pourraient grimper. Mais ce ne serait pas grâce aux banques centrales, elles ont découvert qu’elles n’ont que très peu d’influence sur la productivité.

En bref, il ne faut rien attendre de ces successions. Ce qui ne veut pas dire qu’il s’agit d’un job facile. (…)

En conclusion : ces dernières années nous ont montré que les banquiers centraux ont un pouvoir limité. Actuellement, leur mission consiste à empêcher les gros accidents, à réagir aux événements sans pouvoir dicter leur cours, à rassurer autant que possible.

Source : Telegraph.com