Les complices et les apologistes du système peuvent continuer de prétendre que le système de réserves fractionnaires et que les systèmes de valorisation de l’or via des produits dérivés est libre, juste et sacro-saint. Pour ceux qui préfèrent vivre dans la réalité plutôt qu’au pays des merveilles, voici ce qu’il en est.

Tout d’abord, comme vous le savez probablement, le Département de la Justice des États-Unis a inculpé au moins 6 anciens traders de la JP Morgan, et notamment l’ancien responsable du desk métaux précieux, Michael Nowak. La semaine dernière, on a appris que le Département de la Justice et la CFTC souhaitent obtenir un report de l’action civile contre la JP Morgan et d’autres banques de lingots. Je ne suis pas juriste, mais je pense que cela n’est pas inhabituel vu que les procédures judiciaires de l’État ont souvent la préséance sur les actions au civil.

Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’il y a une enquête criminelle en cours qui est menée dans le cadre de la loi RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations). En quoi est-ce important ? Parce que cette loi, dans le cadre de la lutte contre le crime organisé, permet de poursuivre des personnes qui n’ont pas directement commis des crimes, mais qui ont poussé d’autres à les perpétrer.

La plainte contre les traders de JP Morgan

La plainte contre les traders de JP Morgan les accuse d’avoir manipulé le cours de l’or et de l’argent presque quotidiennement entre 2008 et 2015. Une période qui inclut bien entendu le massacre de mai de l’argent métal, qui a eu lieu le dimanche du 1er mai 2011. Mais cela signifie-t-il que les manipulations ont subitement pris fin en 2015 ? Bien sûr que non. Les banques continuent à recourir à de petits trucs pas très jolis depuis, sans être inquiétées.

À côté du spoofing, l’une des techniques préférées des banques, il y a aussi la possibilité d’émettre des contrats sur le COMEX en raison de leur statut de faiseurs de marché sur cette bourse d’échange. Nous avons couvert ce sujet à maintes reprises durant ces dernières années.

Comme vous le savez probablement, nous avons assisté en 2019 à une énorme augmentation du nombre de contrats ouverts sur le COMEX. D’un plus bas de 427.589 contrats le 29 avril, l’intérêt ouvert total sur l’or a atteint un record historique récemment, avec 711.378 contrats ouverts. Il s’agit d’une augmentation d’environ 66 %, alors que le cours de l’or n’a grimpé que de 13,4 %.

Voici comment cela marche… Les spéculateurs souhaitent « s’exposer à l’or » alors que les taux baissent et que les banques centrales ont fait machine arrière. Les banques créent alors de nouveaux contrats à partir de rien pour les vendre à ces spéculateurs en se positionnant à l’opposé, à savoir short (pour tout contrat long ou short, il doit y avoir une contrepartie qui prend l’autre sens du trade).

Cela se matérialise sur le rapport hebdomadaire CoT (commitment of traders, engagement des traders). Fin avril, les gros spéculateurs étaient long (sur base nette) de 37.400 contrats et les banques commerciales short de 57.400 contrats, pour un nombre total de contrats ouverts de 440.048.

La semaine dernière, les gros spéculateurs étaient long de 271.000 contrats, alors que les banques commerciales étaient short de plus de 302.000 contrats, pour un intérêt ouvert total de 690.000 contrats.

Donc les spéculateurs parient que le cours de l’or va grimper, tandis que les banques parient qu’il va baisser. Mais il faut bien prendre le temps de comprendre à quel point cette méthode de découverte du prix est injuste et frauduleuse :

  • Les spéculateurs achètent des contrats à terme sans aucune intention de prendre possession du métal physique. De plus, ces contrats sont souvent achetés avec des fonds empruntés (trading sur marge) ;
  • Les banques vendent des contrats à terme sans aucune intention de livrer le métal sous-jacent. Elles n’en ont d’ailleurs aucun à fournir.

La quantité d’or qui se trouve dans les coffres du COMEX change rarement. La quantité d’or vendue à terme/assurée par les mineurs reste très basse. Donc, au final, les banques permettent aux spéculateurs de se positionner sur l’or via la création de contrats synthétiques. L’offre et la demande de métal jaune n’ont donc aucune influence sur le prix de l’or. Ce sont principalement ces contrats à terme, qui sont des produits dérivés numériques, qui déterminent le cours. (…)

Si cela change un peu de voir le Département de la Justice américain et la CFTC poursuivre les cibles faciles que sont les manipulateurs des desks de trading, le souci fondamental subsiste. Tandis que nous nous dirigeons vers 2020, les prix des métaux précieux vont probablement grimper alors que les investisseurs et les traders souhaitent s’exposer à l’or et à l’argent sous toutes les formes possible… métaux physiques, contrats à terme, ETFs, comptes non alloués, actions minières. Cependant, tant que le système qui détermine le prix de l’or est basé sur les produits dérivés et un système de réserves fractionnaires, vous pouvez être sûr que les banques se battront jusqu’au bout, peu importe les éventuelles conséquences financières ou légales.

Article de Craig Hemke, publié sur Sprott Money