L’or a un problème de réputation depuis qu’il a atteint son record en 2011. À l’époque, on disait que l’augmentation massive de la masse monétaire via les QE, de la FED notamment, allait déboucher sur l’hyperinflation. Les actifs tangibles devenaient donc plus attractifs que les actifs financiers. L’hyperinflation ne s’est jamais manifestée, ce qui explique pourquoi le cours de l’or a ensuite corrigé de près de 50 % durant les années suivantes.

L’inflation reste basse, pourtant nous assistons à un regain d’intérêt pour l’or. Le métal jaune a atteint son plus haut depuis 2013 à environ 1440 $ l’once. Il y a des tas de raisons pour s’intéresser au métal jaune. Tout d’abord, il y a une corrélation relativement fiable entre les déficits américains et le cours de l’or. Les plus hauts que nous avons connus entre 2009 et 2011 ont grosso modo coïncidé avec les énormes déficits proches de 10 % du PIB. Notamment en raison des dépenses engendrées par la relance du pays durant la Grande dépression, et une baisse notable de la valeur du dollar.

Aujourd’hui, la problématique des déficits est jugée importante et durable. Le CBO anticipe des déficits proches de 8,7 % du PIB d’ici 2049, soit le double d’aujourd’hui. On parle également ouvertement de choses comme la théorie monétaire moderne, soit le développement le plus positif pour l’or qu’on puisse imaginer.

L’or est ce qui se rapproche le plus d’une réserve de valeur objective. Certains ne sont pas de cet avis, affirmant qu’il n’y a rien d’objectif dans la valeur de l’or vu qu’il ne génère pas de rendement. Cet argument n’en est pas un. Le fait est qu’il existe une quantité limitée d’or dans la croûte terrestre. De plus en plus d’éléments montrent que nous avons extrait la majorité des réserves existantes. Et à moins d’en exploiter sur un astéroïde, la production n’augmentera pas de façon significative (pour être honnête, j’ai des investissements qui me feraient profiter d’une hausse de l’or).

Les partisans des cryptodevises estiment que Bitcoin est une réserve de valeur plus objective. S’il est vrai que le nombre d’unités est fixé d’avance, Bitcoin entraîne des complications techniques. Que se passe-t-il en l’absence d’électricité ? Selon moi, des choses physiques que l’on peut toucher ont beaucoup plus de valeur que des lignes de code. L’avenir dira qui a raison.

Mais la prolifération des obligations à rendement négatif est l’un des grands facteurs qui ont influencé le cours de l’or récemment. Aujourd’hui, ces actifs représentent environ 13 trillions de dollars à travers le monde. L’or, qui peut engendrer des frais de stockage, c’est vrai, affiche en réalité un rendement supérieur à ces obligations.

Malgré ces raisons objectives, toute personne qui affirme posséder de l’or est souvent qualifiée de « gold bug », un terme péjoratif associé aux théories du complot. L’environnement politique et économique actuel offre pourtant des tas de raisons intellectuelles de s’intéresser à l’or, bien au-delà de l’hystérie concernant l’hyperinflation engendrée par la création monétaire.

En 2009, cette hystérie fut d’ailleurs largement partagée, j’y ai cru moi-même. C’est donc la crainte d’inflation qui a poussé les gens vers l’or, ce qui a été profitable pour ceux qui sont sortis à temps, et à shorter les obligations américaines à taux longs (ce qui n’a pas marché). Autrement dit, la peur est parfois suffisante pour faire bondir l’or. Celui-ci peut partir à la hausse en raison des craintes engendrées par les déficits, ou de la théorie monétaire moderne. Même si ces craintes ne se matérialisent jamais. Les marchés peuvent être irrationnels. Ce qui peut être parfois profitable. (…)

Les gens ont tendance à investir dans les choses pour lesquelles ils ont des affinités, des choses qu’ils approuvent. Les écologistes et les défenseurs des droits des animaux ont investi dans Beyond Meat. Les fumeurs de pétards ont acheté des actions de sociétés spécialisées dans le cannabis. Les conservateurs achètent de l’or. Nos goûts ne devraient pas nous influencer dans le choix de nos investissements, seules leurs chances de s’apprécier devraient dicter nos choix.

Article de Jared Dillian, publié le 9 juillet 2019 sur Bloomberg