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Pourquoi le déficit commercial US se creuse malgré les droits de douane ?

Il y a 2 ans, nous publiions un article intitulé « Le faux problème du déficit commercial », qui expliquait notamment que sa mécanique va plus loin que la simple soustraction entre les exportations et les importations. La consommation ainsi que les investissements étrangers pèsent tout autant. C’est pourquoi les droits de douane ne sont pas la panacée, et peuvent même avoir des effets pervers. À ceux qui en douteraient encore, les faits sont là : depuis les politiques protectionnistes de Trump, le déficit commercial US ne cesse de se creuser.

Dans cet article, Mike Sheldock se penche un peu plus en détail sur la mécanique du déficit commercial et des droits de douane pour montrer que les politiques de Trump sont tout aussi naïves que contre-productives :

Trump s’est lancé dans une mission impossible. Les droits de douane ne permettront pas de réduire le déficit commercial américain, ils risquent même de l’empirer. Pour comprendre le dilemme qui se pose, voyez le schéma ci-dessous :

déficit commercialÉpargne publique + épargne privée = exportation – exportations

Les exportations et les importations ne concernent pas que le commerce. Il faut également prendre en compte les flux de capitaux. En ce qui concerne « l’épargne publique », il faut retrancher les déficits de plus d’un trillion de dollars que nous allons connaître dans les 5 années à venir. J’ai expliqué dans un article que l’augmentation de la dette américaine représente le véritable déficit du pays. Pourquoi ? Car les projections de déficit n’incluent pas le trou de la sécurité sociale, qui est calculé hors budget. Ce n’est que des années plus tard qu’il se matérialise comme par miracle sur les comptes du gouvernement en tant que dette bien réelle.

Les baisses d’impôts de Trump

Quoi que vous pensiez des baisses d’impôts de Trump, sans réduction des dépenses elles augmentent de façon conséquente le déficit. Cet argent doit forcément venir de quelque part.

Les droits de douane ne sont pas la solution

Trump a tweeté : « (…) grâce aux droits de douane, nous serons en mesure de commencer à rembourser une grande partie de cette dette de 21 trillions de dollars qui a été accumulée (…) »

Son tweet est tout aussi absurde dans la théorie que dans la réalité. Depuis qu’il a commencé à en lever comme un fou, le déficit s’est creusé. Il dispose de plusieurs options s’il veut vraiment résorber le déficit commercial US :

  1. Augmenter l’épargne des ménages (donc réduire la consommation) ;
  2. Augmenter l’épargne des entreprises (donc moins d’investissements) ;
  3. Augmenter le déficit commercial ;
  4. Augmenter les investissements directs étrangers aux États-Unis.

droits de douane et déficit commercial

Les flux de capitaux surpassent les volumes des échanges commerciaux

J’ai échangé sur le sujet avec Michael Pettis de China Financial Markets, qui m’a répondu :

« Les flux de capitaux sont devenus tellement importants qu’ils éclipsent les flux commerciaux. En conséquence, un déficit commercial peut très bien être provoqué par des flux de capitaux engendrés par une distorsion dont l’origine se trouve ailleurs. »

Ce qui signifie donc aussi qu’un déficit public grandissant ne garantit pas un creusement du déficit commercial.

L’exemple du Mexique

Pettis a fait une autre remarque importante : « Les droits de douane sur les importations ne réduisent pas nécessairement le déficit commercial. En fait, cela peut même avoir l’effet inverse si cela encourage les étrangers à investir aux États-Unis. »

Il a notamment expliqué l’impact positif du Mexique sur la balance commerciale américaine dans cet article https://carnegieendowment.org/chinafinancialmarkets/68506

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les « soucis » des États-Unis ont démarré avec la fin de la convertibilité du dollar en or en 1971.

début du déficit US

Pettis :

« Je pense que la hausse soudaine des flux entrants et la fin de la convertibilité du dollar ont peut-être été la conséquence des mêmes processus.

Je vois les choses ainsi : à la fin du 19e et au début du 20e siècle, les économies développées (la Grande-Bretagne, l’Europe de l’Ouest et même les États-Unis) ont atteint un stade que les économistes n’avaient jamais anticipé, un environnement dans lequel les investissements n’étaient plus entravés par la pénurie d’épargne. Les revenus étaient élevés, ce qui signifie que l’épargne l’était aussi, les stocks de capitaux étaient énormes. John Hobson en Grande-Bretagne et Charles Arthur Conant aux États-Unis furent les premiers à relever ces faits et à parler des conséquences. Mais la destruction engendrée par les 2 grandes guerres a bouleversé la donne, en détruisant l’épargne via la destruction de richesse et en créant de nouveaux besoins d’investissement en raison des destructions. Après le rétablissement de la situation vers la fin des années 60 et le début des années 70, lorsque l’immense majorité du monde occidental fut reconstruit, nous avons à nouveau connu un environnement d’épargne abondante. »

Je ne suis pas convaincu par l’explication de l’épargne trop abondante. Je pense plutôt que les gouvernements et les banques centrales ont tellement manipulé l’argent qu’il est difficile de savoir quels sont les niveaux d’épargne réels.

Dans le sens traditionnel, épargne = production – consommation. La création monétaire n’est pas de l’épargne, elle engendre des distorsions qui ont profité aux banques et aux riches, aux dépens des classes moyennes et des pauvres. Mais c’est un autre débat. Et malgré cette divergence de point de vue avec Michael Pettis, cela reste pour moi l’autorité mondiale en matière de commerce international.

Cela dit, on peut dire sans trop de risque que Trump est engagé dans une mission impossible. Cela ne peut pas marcher, en tout cas pas comme il l’espère. Avec ses dernières menaces adressées à l’Europe, s’il devait réussir à réduire le déficit commercial américain ce serait probablement au prix d’une récession mondiale.

récession

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