Lorsque l’auteur du livre Irrational Exuberance et prix Nobel d’économie Robert Shiller affirme qu’il voit des bulles partout, il est préférable de l’écouter.

L’auteur du livre fraîchement publié Narrative Ecocomics et professeur d’économie à Yale Robert Shiller a déclaré ce mercredi à Los Angeles : « Je vois des bulles partout, il n’y a pas de solution. Vous devez juste traverser la tempête. Il faut investir alors même que l’on peut s’attendre à une baisse du prix. » Shiller est notamment célèbre pour avoir prédit le krach boursier de 2000, ainsi que le krach immobilier de 2007.

L’avertissement de Shiller a été lancé alors que nous traversons une période dangereuse. Hier, c’était le 90e anniversaire du Black Monday. Le 28 octobre 1929, le Dow Jones chuta de 13 %. Ce fut la seconde baisse quotidienne la plus importante de l’histoire. Après les chutes répétées des marchés durant les débuts de la Grande dépression, il a fallu 25 ans pour que les investisseurs récupèrent leurs billes.

Shiller voit des bulles sur les marchés actions, les marchés obligataires et dans une moindre mesure sur le marché immobilier.

Des rendements boursiers maussades

Shiller, qui a remporté le prix Nobel d’économie en 2013, anticipe un rendement annuel moyen de 4,4 % pour les actions américaines sur les 30 années à venir. C’est un chiffre décevant, plus de 2 fois inférieur à la moyenne à long terme, et bien en dessous des attentes des caisses de retraite. Selon Index Fund Advisors, le rendement à long terme du S&P 500 est de 9,84 %.

Quel est le souci ? Les marchés actions sont généreusement valorisés après des années de hausse. Depuis le plus bas du 9 mars 2009, les actions ont augmenté en moyenne de 348 %. Ces valorisations élevées pèseront sur les profits futurs, selon Shiller. Le ratio CAPE des actions américaines, de 29 actuellement, est élevé. Ce ratio, qui ajuste cycliquement le ratio cours/bénéfice, calcule combien un investisseur est prêt à payer un titre en termes de multiple des bénéfices ajustés à l’inflation sur 10 ans. Cet indicateur permet de déterminer la cherté d’un titre en éliminant les distorsions à court terme.

Un ratio CAPE de 29 ne s’est matérialisé que quelques fois dans l’histoire, selon Shiller. En 1929, il se situait autour de 35. Les marchés se sont ensuite effondrés, ce qui déclencha la Grande dépression. Cela dit, il y encore de la marge lorsque les marchés sont victimes d’exubérance irrationnelle. En 2000, le ratio CAPE a atteint 45 (nous avons ensuite connu une correction de 49 % entre 2000 et 2002). Cela dit, le ratio actuel est supérieur à celui de 1987, juste avant la baisse quotidienne la plus importante de l’histoire du 19 octobre (23 %).

Et quelle était la situation à l’occasion du marché baissier le plus récent, à savoir celui de 2007-2009 ? En 2007, le ratio CAPE était similaire à celui que nous connaissons aujourd’hui. « L’histoire nous montre donc qu’un tel ratio peut grimper jusqu’à 45, comme ce fut le cas il y a 20 ans, ou engendrer une correction de 50 %. »

Le boom du marché obligataire n’est pas tenable

Shiller s’inquiète autant pour les obligations que pour les actions. Les obligations restent l’une des classes d’actifs les plus populaires alors que les investisseurs recherchent des revenus garantis. Le SPDR Portfolio Aggregate Bond ETF a généré un rendement digne des obligations cette année (8,31%). C’est 2 fois plus que la moyenne annuelle de ces 10 dernières années. Les investisseurs se ruent sur les ETF obligataires afin d’échapper à la volatilité des marchés actions tout en empochant du rendement. « Si la bulle obligataire se constitue parce que les investisseurs résonnent de façon simpliste, cela peut encore durer un certain moment, mais cela se terminera mal », a déclaré Shiller.

En dehors des États-Unis, les investisseurs achètent des obligations à rendement négatif tout simplement parce qu’ils pensent qu’ils pourront les revendre plus cher lorsque les taux seront encore plus bas.

Bulle immobilière : c’est comme en 2005

Le marché immobilier est en phase de constitution d’une bulle, selon Shiller, ce qui n’est pas sans rappeler 2005. Les prix avaient augmenté, mais pas encore de façon spectaculaire. « Nous sommes à nouveau comme en 2005. Les marchés de San Francisco de Los Angeles ralentissent déjà. » Il s’agit d’un indicateur inquiétant après des années de hausse, selon lui.

Cependant, on est loin de l’exubérance du début des années 2000. C’est pourquoi Shiller ne parle pas de bulle immobilière. Selon lui, les gens ont encore en mémoire les années 2000, ils savent que les prix peuvent baisser. « Nous ne sommes plus aussi exubérants aujourd’hui, je ne suis donc pas sûr que l’histoire va se répéter », a-t-il déclaré.

Les actions européennes sont moins chères

Selon Shiller, les titres européens échappent à cette exubérance irrationnelle. Selon lui, les titres des entreprises européennes sont 3 fois moins chers que ceux des sociétés américaines. « J’ai des attentes plus élevées pour l’Europe que pour les États-Unis », a-t-il précisé.

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