Hier, la FED a relevé son taux directeur, comme je l’avais anticipé. Je ne dis pas ça pour rouler des mécaniques. J’utilise une méthode scientifique pour tenter de prédire les marchés. Lorsque j’ai une opinion, je la confronte à mes modèles. En cas de conflit, je suis obligé de la revoir.

Je suis un grand critique des modèles de la FED, tout simplement car ils sont obsolètes et ne reflètent pas la réalité. Dans un cycle économique typique, l’économie commence à démarrer modestement, puis le mouvement s’accélère avec les entreprises qui investissent/embauchent et la consommation qui augmente.

Tôt ou tard, la capacité maximale est atteinte, le marché du travail se resserre, les ressources sont tendues. Les prix augmentent, l’inflation suit la même tendance et la FED intervient alors en augmentant les taux, habituellement avant la fin du cycle économique.

Lorsque le phénomène s’inverse, elle doit alors relever ses taux. C’est ainsi que les cycles économiques vont et viennent. C’est ainsi que Wall Street analyse l’économie. Historiquement, c’est correct. Ce processus a eu lieu une douzaine de fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le souci, c’est que cela n’a pas lieu en ce moment. C’est nouveau. Cette nouvelle réalité est le fruit de 9 années de politiques monétaires non conventionnelles, à savoir les QE 1 à 3, l’opération Twist et la politique des taux zéro. Cela n’a jamais eu lieu auparavant. Ce fut une énorme expérience conduite par Ben Bernanke.

Il faut donc de nouveaux modèles qui prennent en compte cette nouvelle réalité. Mais Wall Street utilise encore ses anciens modèles. La réalité est que la FED a manqué un cycle. Elle aurait dû commencer à relever ses taux en 2009, 2010 et 2011. La croissance économique n’était pas vigoureuse, elle était en fait plutôt faible. Mais nous étions tout de même dans un cycle de croissance. Si la FED avait agi, de nombreux investisseurs auraient ronchonné, le marché aurait été freiné par un dos d’âne, mais cela n’aurait pas été la fin du monde, juste un petit krach.

Fin 2009, la panique était terminée, il n’y avait pas de crise de liquidité. Beaucoup d’argent dans le système. Aucune pénurie, mais les taux étaient à zéro. Ils auraient pu au moins tenter de relever le taux directeur de 0,25 %, mais ils ne l’ont pas fait. Je ne dis pas ça maintenant avec la facilité du recul. En août 2009, c’est exactement ce que j’ai suggéré dans l’émission Squawk Box de CNBC.

Une période délicate à traverser

Nous arrivons désormais à un moment délicat, car la FED a manqué l’opportunité de relever ses taux durant les années précédentes. Elle essaye désormais de résorber son retard, nous venons de connaître la 7e hausse des taux depuis décembre 2015.

La recherche économique montre qu’en cas de récession, il faut baisser le taux directeur d’au moins 3 % pour relancer l’économie. Je ne dis pas que nous sommes actuellement en récession, même si nous pourrions en être proches, bien plus proches que certains le pensent.

Mais si une récession se manifeste dans les mois à venir, comment la FED va baisser son taux directeur de 3 % s’il se trouve à seulement 1,75-2 % ? La réponse est simple : c’est impossible.

C’est pourquoi la FED tente aujourd’hui, désespérément, de relever son taux directeur jusqu’à 3 % avant la prochaine récession. C’est ce que Wall Street ne comprend pas.

Wall Street pense que la FED agit parce que le chômage est bas et que l’économie est en croissance. Mais comme je viens de l’expliquer, les raisons sont toutes différentes. La FED est en train de serrer la vis dans un environnement qui faiblit.

Et maintenant ?

Désormais, la FED doit encore relever à 4 reprises son taux directeur pour atteindre ces 3 %. Cela signifie qu’elle aura du mal à accomplir cette mission avant juin 2019. Quels sont les éléments susceptibles de faire reculer la Banque centrale américaine ? Il y en a 3 :

  1. Un krach des marchés. En cas de baisse de 5 %, soit de 1.000 points pour le Dow Jones, cela ne sera pas suffisant pour les faire plier. Mais si ça corrige de 15 %, c’est une autre histoire. C’est d’ailleurs ce que m’a dit récemment Ben Bernanke. En cas de baisse de 10 %, comme en février, la FED appuierait sur le bouton pause. Ce serait donc le statu quo.
  2. La création d’emplois s’arrête. Il n’y a pas besoin que ce soit catastrophique. Si les créations d’emplois devaient passer en dessous de la barre des 75.000 postes, la FED pourrait également appuyer sur le bouton pause.
  3. La désinflation. Je ne parle pas d’une déflation en bonne et due forme, mais simplement si l’inflation devait être substantiellement en dessous des objectifs concernant le PCE. (…)

En l’absence de la matérialisation de l’une de ces 3 conditions, la FED entend bien relever son taux directeur 4 fois par an jusqu’à la mi-2019. Si l’une de ces conditions se matérialise, elle pourrait interrompre son cycle. Si les 3 arrivent, elle le fera sans aucun doute. (…) »

Article de Jim Rickards, publié le 14 juin 2018 sur DailyReckoning.com