Risque. Exposition. Contagion. Voici 3 mots que l’on risque d’entendre souvent ce qui concerne l’Europe alors que la crise de la zone euro semble faire son grand retour.

Le dernier vendredi du mois de mai, la prime de risque sur les obligations italiennes sur 10 ans, soit l’écart entre celle-ci et l’obligation allemande à la même échéance, a bondi de près de 20 points de base pour atteindre 212 points de base. Il s’agit du plus haut niveau enregistré depuis mai 2017, lorsque plusieurs banques italiennes, dont l’institution bancaire numéro 3 du pays Monte dei Paschi, étaient au bord du précipice et furent soit renflouées, soit « résolues ». Aujourd’hui, elles commencent toutes, à nouveau, à trembler.

Les actions de la banque sauvée MPS, dont l’État est désormais l’actionnaire majoritaire, sont désormais en baisse de 20 % sur les 2 dernières semaines. Les titres d’UniCredit et d’Intesa, les 2 plus grandes banques italiennes, ont respectivement perdu 10 et 18 % de leur valeur durant la même période.

L’une des grandes questions que les investisseurs se posent est de savoir quelles sont les banques qui sont les plus exposées à la dette italienne.

Une étude récente de la BRI indique que les obligations italiennes représentent environ 20 % des actifs des banques italiennes. Il s’agit de l’un des ratios les plus élevés au monde. Au total, il existe plus de 10 banques dont le portefeuille de dette italienne représente plus de 100 % de leur capital de tiers 1 (un indicateur utilisé pour évaluer la solvabilité d’une banque), d’après des recherches menées par Eric Dor, directeur des études économiques de l’IESEG.

Cette liste inclut les 2 plus grands prêteurs italiens, à savoir Intesa Sanpaolo et UniCredit, dont l’exposition à la dette italienne représente environ 145 % de leur capital de tiers 1. On retrouve également dans la liste l’italienne Banco BPM (327 %), Monte dei Paschi (206 %), BERP Banca (176 %) et Banca Carige (151 %).

Autrement dit, malgré les trillions d’euros déversés via le QE de la BCE durant ces dernières années, programme qui devrait bientôt arriver à son terme, le célèbre « cercle de la mort » est bel et bien vivant en Italie. Le cercle de la mort, c’est ceci : lorsque les obligations d’État qui baissent menacent les banques qui les détiennent, elles risquent de s’en débarrasser, ce qui provoque alors une accélération de la chute des prix obligataires, poussant les banques à accélérer le processus de liquidation, etc. Le cercle de la mort est particulièrement problématique pour la zone euro vu que les États membres ne contrôlent pas leur monnaie. Ils ne peuvent recourir à la planche à billets pour régler leurs problèmes, ce qui les expose au risque de crédit.

Mais il n’y a pas que les banques italiennes qui sont exposées aux obligations émises par Rome. Les banques françaises sont également concernées. L’année dernière, les banques hexagonales possédaient pour 44 milliards d’obligations italiennes, d’après l’autorité bancaire européenne. Du côté des banques espagnoles, le total atteignait 29 milliards. Quelles sont donc les 3 banques non italiennes les plus exposées à ces obligations ?

  • BNP Paribas : la plus grosse banque française possède pour 16 milliards d’obligations italiennes.
  • Dexia : la banque franco-belge, qui a déjà fait faillite 2 fois entre 2008 et 2011, possède pour 15 milliards de titres.
  • Banco Sabadell : cette banque moyenne espagnole, déjà dans la tourmente à cause de sa filiale britannique TSB, possède pour 10,5 milliards d’obligations italiennes. Cela représente environ 40 % de son portefeuille d’actifs à rendement fixe, qui pèse 26,3 milliards d’euros, ou encore 110 % de son capital de tiers 1.

« Sur base des chiffres de l’autorité bancaire européenne, nous estimons que les banques qui souffriraient le plus en cas de crise de la dette italienne sont UniCredit, Sabadell et Intesa Sanpaolo », ont écrit les analystes de RBC Capital Management récemment. D’après leurs calculs, pour toute hausse de la prime de risque italienne de 10 points de base, un coup de 28 millions d’euros sera porté au capital de tiers 1 de Sabadell. (…)

Comme si cela ne suffisait pas, un autre tiers du portefeuille d’actifs à rendement fixe de Sabadell consiste en des obligations espagnoles. Leur valeur est également en train de baisser, en partie en raison de la contagion italienne, mais aussi à cause de la hausse de l’instabilité politique domestique. Il s’agit d’un exemple de la relation fragile de dépendance entre les banques de la zone euro et les États, les premières achetant énormément d’obligations des gouvernements de la zone. (…)

Lorsque les banques investissent lourdement dans les obligations d’État, elles deviennent dépendantes de leur performance. Ce qui est loin d’être gagné, surtout dans la zone euro. Simultanément, les gouvernements dépendent des banques et de leurs achats obligataires, ce qui est désormais loin d’être un acquis. Nous sommes en plein dans le cercle de la mort. Il s’agit d’un cercle vicieux. Il démarre lorsqu’une des 2 parties vacille, avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour les 2.

Article de Don Quijones, publié le 27 mai 2018 sur WolfStreet.com