Chaque année, la société d’investissement basée au Liechtenstein Incrementum AG publie son rapport In Gold We Trust. Lourd de plus de 300 pages, il s’agit probablement de l’analyse de l’or la plus complète que l’on puisse trouver. L’édition 2019 du rapport vient d’être publiée. Je voudrais partager avec vous les graphiques les plus significatifs qu’elle contient, ceux qui m’ont vraiment sauté aux yeux.
La perte de confiance en quelque graphique
Les auteurs principaux d’In Gold We Trust, Ronald-Peter Stoeferle et Mark J Valek, sont des partisans invétérés de l’or, comme on peut le deviner. Il ne s’agit pas vraiment de l’opinion partagée par les lecteurs de MoneyWeek, je suis bien au courant.
Il y a trop de dettes dans le monde, surtout du côté des gouvernements. L’argent bon marché, les taux bas, les manipulations monétaires, les bilans des banques centrales qui ont gonflé… Toutes ces choses et d’autres ont créé des tas de problèmes, et lorsque le barrage cédera cela ne sera pas joli. L’or est donc un actif de diversification essentiel dans tout portefeuille.
Cependant, le rapport contient un mot qui ne cesse de revenir. Un mot qui parle aux partisans de Bitcoin, à savoir la confiance. Bitcoin fut conçu afin de ne plus devoir faire confiance. « Nous croyons en la preuve, » comme ils disent.
Incrementum constate que la confiance est en train de s’étioler en Occident. Les gens ne font plus confiance à leurs politiciens, à leurs gouvernements. Ils ne font plus confiance aux scientifiques, aux économistes. Les experts sont partiaux. Les médias sont partiaux. Même les systèmes font l’objet de défiance, que ce soit l’éducation, la santé, et même la démocratie en général.
Sur le graphique ci-dessous, on peut voir la baisse de confiance dans divers pays entre 2007 et 2016. Il est intéressant de noter que c’est en Finlande que la chute de la confiance est la plus importante.
Il est facile de comprendre pourquoi cette confiance s’est évaporée, des mensonges de la guerre en Irak en passant par la réaction des autorités à la crise de 2008. La société est devenue plus divisée. Il est également intéressant de noter que durant cette période, la confiance a quelque peu augmenté au Royaume-Uni. Il s’agit probablement de la différence de perception entre les gouvernements Brown et Cameron. Lorsque les chiffres 2019 seront publiés, je pense que la confiance britannique sera à des plus bas historiques.
Selon Incrementum, cette perte de confiance généralisée mène à une perte de confiance en la monnaie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Bitcoin fut créé.
À l’échelle mondiale, cela se manifeste par une perte de confiance mutuelle entre les banques centrales. Certaines ont rapatrié leur or stocké à l’étranger, d’autres ont acheté du métal jaune afin d’initier la dédollarisation de leur économie. Par exemple, la Hongrie a multiplié par 10 ses réserves d’or. Il s’agit d’un exemple extrême, mais de nombreux pays achètent des lingots.
Ce n’est pas une coïncidence si le changement de tendance s’est opéré en 2008, soit lorsque les banques centrales ont renfloué les banques. La quantité d’or achetée par la Russie est particulièrement frappante.
La croissance des réserves d’or chinoises est également extraordinaire :
La perte de confiance fut donc l’un des grands thèmes de ce rapport 2019. Ces graphiques consacrés aux réserves d’or des banques centrales permettent d’illustrer l’échelle de cette perte de confiance.
Le marché haussier secret de l’or
Nous avons tendance à exprimer le cours de l’or en dollars, car il s’agit de l’étalon officiel pour mesurer sa valeur. Nous avons donc l’impression que l’or a atteint un pic en 2011 à 1920 $, et que depuis il est en baisse. Aujourd’hui, sa valeur oscille autour des 1330 $ l’once.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le dollar fut globalement dans un marché haussier durant cette période, il s’est apprécié par rapport à la majorité des autres devises. J’ai souvent décrit l’or en tant qu’assurance contre votre propre gouvernement. Au Royaume-Uni, l’or a très bien rempli son rôle. Sa valeur était de 700 livres l’once au début de l’année 2016, avant le vote du Brexit. Aujourd’hui sa valeur, située autour de 1050 livres l’once, a bondi de 50 %.
Dans le graphique suivant, nous pouvons voir le cours mondial de l’or en devises variées (ligne dorée, USD ligne bleue). Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’or est dans un marché haussier depuis 2013. En bref, l’or a parfaitement rempli son rôle. Le rapport contient bien d’autres graphiques très instructifs, je vous conseille de le parcourir. Voici un dernier graphique qui m’a vraiment interpellé.
Le prix des matières premières est très bas, croyez-le ou non
Durant ces dernières années, j’ai beaucoup évoqué les valorisations extraordinaires de l’économie numérique, alors que l’économie réelle est à la traîne. Que ce soit les actions du groupe FANG, Bitcoin, les salaires des entrepreneurs spécialisés dans la technologie, l’économie numérique a éclipsé l’économie physique. Cela s’explique par la scalabilité de ce type d’économie.
Le physique est un fardeau. L’économie physique est lourde. Cette dichotomie est particulièrement évidente sur les marchés des matières premières. Sur base historique, le baril de brut à 50 $, le cuivre à près de 6000 $ la tonne, ce n’est pas rien.
Cependant, si on dresse le ratio entre le prix des matières premières et des actions, on constate que jamais le prix des matières premières n’a été aussi bas durant ces 20 dernières années, même avant 2000, soit le début du grand marché haussier des matières premières. En fait, les prix sont presque aussi bas qu’à la fin des années 60 sur base de ce ratio.
Je ne pense pas que le marché haussier des matières premières va démarrer demain, ni même durant cette décennie. Mais le terrain est en train de se préparer pour le retour. Et si toute l’inflation qui s’est accumulée durant la dernière décennie devait se refléter sur le prix des matières premières, alors vous avez tout intérêt à avoir de l’or.
En raison de la correction boursière récente, l’or a enregistré une belle petite hausse durant ces dernières semaines. Le métal jaune semble solide. Mais la grande barrière à franchir reste la zone des 1360 $, qui fait office de zone de résistance depuis 5 ans. 2019 sera-t-elle l’année de son franchissement ? Nous ne pouvons que l’espérer.
Article de Dominic Frisby, publié sur MoneyWeek.com