Interview d’Egon von Greyerz de KWN, publié le 31 janvier 2016 :

Les taux négatifs se répandent comme une traînée de poudre

«Eric, 25 % des émissions obligataires gouvernementales de par le monde affichent un rendement négatif. Vendredi matin, la banque du Japon fut la dernière à introduire des taux d’intérêt négatifs. Il y a désormais 13 pays dont les obligations jusqu’à 2 ans affichent des taux négatifs, et même 10 pays dont les taux des obligations jusqu’à 10 ans sont en territoire négatif. Cela fait longtemps que j’affirme que le Japon est en faillite et que les taux négatifs ne pourront pas sauver son économie.

Cette décision ne fera que décourager l’épargne et donc les investissements. La conséquence principale sera l’affaiblissement du yen dans la course vers le fond, et à la première qui atteindra zéro, que se livrent toutes les monnaies. Cette décision du Japon n’est qu’une nouvelle confirmation que la course mondiale à la dévaluation et la création massive de monnaie déboucheront sur l’hyperinflation.

Taux : la Fed à contre-courant ?

Lorsque la Fed a relevé son taux directeur, j’avais dit que l’introduction de taux négatifs aux États-Unis n’était qu’une question de temps. Les marchés sont globalisés : il est donc idiot de croire que les États-Unis peuvent aller à contre-courant du reste du monde. À court terme, nous savons que la Fed se devait de poursuivre sa stratégie afin de sauver la face. Même si la situation économique se détériore rapidement aux États-Unis et dans le reste du monde, la Fed a dû se résoudre à fermer les yeux sur ce qui se passe afin de maintenir une once de confiance chez les investisseurs. (…)

Dans son dernier communiqué, la Fed a déclaré que l’emploi continue de s’améliorer. La Fed porte clairement des lunettes à verres teintés en rose. Les emplois dans les services, à mi-temps et pour les plus de 55 ans sont les seuls créés. Le revenu réel médian des ménages ne cesse de baisser depuis des décennies tandis que le taux de participation à la population active décline depuis 10 ans. Aujourd’hui, 95 millions d’adultes en mesure de travailler sont sans emploi. Je peux difficilement concevoir que quelqu’un puisse parler d’amélioration de l’emploi dans un tel contexte. Il semble que les communiqués de la Fed véhiculent de plus en plus ses espoirs au lieu des faits.

Une menace triple envers les États-Unis

Mais le véritable dilemme des États-Unis est évidemment les soucis de type subprime qui se développent du côté des prêts étudiants, des crédits auto ainsi que de la dette des sociétés de fracturation hydraulique. Rassemblez ces 3 secteurs et vous obtenez des défauts potentiels de plusieurs centaines de milliards de dollars. Avant la fin de ce cycle du crédit, ces montants augmenteront jusqu’à plusieurs trillions de dollars de véritables défauts lorsqu’on inclut les produits dérivés liés à ces marchés.

Effondrement financier total

Je pense que d’ici la prochaine ou la réunion suivante de la Fed, un événement extérieur lui fournira le prétexte nécessaire non seulement pour ne pas poursuivre sur son élan, mais pour en fait rabaisser son taux directeur. Cette décision sera ensuite suivie par un nouveau programme d’assouplissement quantitatif massif à l’échelle mondiale. Les banques centrales n’ont plus aucun autre outil dans leur arsenal pour éviter l’effondrement total du  système financier. Le souci est évidemment le suivant : on ne règle pas un problème de dette de 230 trillions de dollars et de 1,5 quadrillion de dollars de produits dérivés en utilisant des solutions qui sont à l’origine même du problème. La conséquence inéluctable de leur tentative de sauvetage sera la destruction de la valeur de la monnaie et une inflation sans limites.

En parlant de la dette, savez-vous que la dette fédérale américaine a déjà augmenté de 800 milliards de dollars rien que durant les 4 premiers mois de l’année fiscale en cours ? Annualisé, ce déficit représente 2,5 trillions. On ne devrait pas obtenir un tel chiffre en fin d’année. Et si cela devait être le cas, il sera maquillé. Mais tôt ou tard, les déficits budgétaires exploseront de façon exponentielle alors que la planche à billets tourne à cadence infernale.

Les guerres du pétrole

Le monde fait désormais face à une crise très sérieuse, les problèmes émergent aux 4 coins de la planète. La situation géopolitique se détériore chaque jour qui passe. La Libye est un exemple triste de l’échec total des Occidentaux dans leur tentative de « sauver » le monde. Tout d’abord, la Libye a été complètement détruite pour créer une zone d’anarchie géopolitiquement dangereuse. Désormais, les Occidentaux parlent d’intervenir à nouveau en Libye pour empêcher l’EI de prendre le contrôle du pétrole libyen. L’EI a déjà le contrôle de certains champs pétrolifères irakiens. Malheureusement, il n’y a pas de solution à la crise du Moyen-Orient. Un conflit majeur pourrait se déclarer du côté de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et de la Syrie. (…)

De nombreux pays qui dépendent du pétrole sont dans le pétrin. L’Azerbaïdjan est désormais en crise alors que les recettes fiscales de ce pays dépendent à 95 % du gaz et du pétrole, qui représentent à eux seuls 40 % du PIB azéri. En décembre, ils ont dû abandonner l’arrimage de leur monnaie au dollar. La devise locale s’est ensuite effondrée d’un tiers. Sur le marché noir, la valeur de la devise de l’Azerbaïdjan s’élève à la moitié du cours officiel. Le change de devises est désormais contrôlé tandis qu’il y a une taxe de 20 % sur l’exportation de devises. (…) Le Venezuela est un autre exemple emblématique alors que l’inflation est attendue à 700 % cette année et que leur obligation de référence est à 27 %. (…)

Les banques en danger

Les investisseurs doivent bien réaliser que la plupart des banques iront au tapis avant la fin de cette crise. Prenons par exemple l’Italie, dans le système bancaire est déjà insolvable. 17 % de tous les crédits italiens (350 milliards d’euros) sont non performants. Ils seront désormais vendus à des investisseurs avec garantie du gouvernement. Qui devra quasi certainement encaisser des pertes sur ces actifs et qui rapprocheront le pays de sa faillite certaine.

Toute somme « prêtée » par un épargnant à sa banque, quel que soit le pays, est en danger. Je pense qu’aucun investisseur ne devrait déposer de sommes conséquentes dans une banque. Cet argent sera soit confisqué dans le cadre d’une opération de sauvetage, soit perdu suite à une faillite ou soit dévalué par la création monétaire. N’oubliez pas non plus que les contrôles des capitaux qui sont désormais mis en place dans de nombreux pays émergents apparaîtront bientôt aux États-Unis et en Europe. À ce moment-là, les investisseurs seront dans l’incapacité de transférer à l’international leur argent, ou au prix d’une taxe, comme c’est le cas en Azerbaïdjan (20 %).

Les gouvernements se préparent à un effondrement financier total

Les gouvernements se préparent en ce moment à un effondrement financier total. C’est pourquoi les investisseurs doivent agir maintenant. (…) Comme je l’ai expliqué, l’or physique est la meilleure façon de s’assurer contre la destruction totale des devises qui aura lieu dans les années à venir. Après un marché haussier long de 12 ans, l’or a connu une phase de correction de 4 ans et demi. Il semblerait que celle-ci soit finie. Fait intéressant à noter, cette période correspond à la durée typique d’un retracement de Fibonacci de 38 %. (…) »

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