Nous y sommes presque : c’est mercredi, soit le 16 décembre, que la Fed devrait annoncer sa première hausse des taux depuis juin 2006. Pour Jim Rickards cette hausse aura bien lieu mais déclenchera le prochain round d’assouplissement quantitatif de la Fed (source) :

« Le débat sur la volonté de la Fed de relever ses taux qui a eu lieu pendant des années est terminé. En l’absence d’une catastrophe financière ou d’un choc géopolitique, la Fed relèvera son taux directeur de 0,25 % le mercredi 16 décembre 2015. Cela signifie qu’une source d’incertitude sera levée tandis qu’une centaine de nouvelles sources apparaîtront. (…)

La Fed : du silence radio à la cacophonie

Lorsque j’ai démarré ma carrière dans le secteur bancaire au cours des années 70, la Fed ne communiquait pas. C’était le silence radio. Il n’y avait pas de conférences de presse, pas de publications de comptes-rendus des réunions ou pas de discours de politique. Si un gouverneur ou un président donnait un discours, il était commémoratif.

Les témoignages obligatoires devant le Congrès consistaient en un chapelet de phrases incompréhensibles destinées à créer des écrans de fumée par ceux qui les prononçaient, Paul Volcker et Alan Greenspan. Les officiels de la Fed étaient aussi bavards que la façade de marbre de leur bâtiment de Constitution Avenue à Washington D.C.

Dans les années 70, l’observation de la Fed était une forme d’art aussi opaque et nuancé que la Kremlinologie (à l’époque, les experts de l’analyse comportementale des Soviétiques étudiaient les photographies des officiels visitant la tombe de Lénine afin de mesurer leur proximité avec le secrétaire général du parti communiste et ainsi anticiper qui montait et descendait dans la hiérarchie).

La Fed faisait fuiter des informations mais pas aux reporters du Wall Street Journal comme c’est le cas actuellement avec Hilsenrath (voir ci-dessous). Un petit groupe d’économistes des négociants principaux (primary dealers) bénéficiaient de ces fuites soit les gens qui étaient en contact direct avec les traders de la Fed.

La fuite se faisait par téléphone (c’était bien avant les écoutes) ou autour d’un verre près de Hanover Square. La seule source d’information était le bureau des opérations d’open market. Les traders avisés des négociants principaux étaient censés deviner les intentions de la Fed en fonction des transactions qu’il conduisait. C’était ainsi que cela devait fonctionner. La nouvelle se répandait ensuite comme une traînée de poudre et les marchés s’ajustaient en fonction de la direction donnée par la Fed.

Ben Bernanke a tout changé. Sa vision était simple : la transparence est positive. En annonçant clairement les intentions de la Fed, les marchés pouvaient anticiper le futur des taux d’intérêt. Ces attentes concernant le futur pouvaient alors se traduire dans la valorisation actuelle des actifs en les prenant en compte immédiatement.

Si la Fed désirait augmenter les liquidités aujourd’hui, elle donnait des informations sur son intention de le faire. Ces indications d’orientation étaient alors prises en compte immédiatement ce qui permettait d’atteindre l’objectif sans surprise, de  façon progressive. (…) Pour des universitaires tels que Bernanke et Yellen, c’était le rêve : toutes les frictions étaient éliminées, les anxiétés tranquillisées.

Comme c’est souvent le cas avec les théories universitaires, le rêve s’est rapidement mué en cauchemar. Lorsque le président de la Fed s’est mis à faire des commentaires publics réguliers concernant le futur des politiques, les autres officiels se sont mis à l’imiter. Rapidement, les discours sont devenus une véritable cacophonie. Sept gouverneurs (5 actifs en raison de postes à pourvoir), douze présidents de Fed régionales et le responsable des opérations d’open market ne parvenaient désormais plus fermer leur bouche. Le fait qu’un président ait un droit de vote ou pas se perdait dans le brouhaha. Un gouverneur comme Lael Brainard pouvait adopter un ton très accommodant en octobre pour ensuite totalement retourner sa veste en décembre.

Au lieu d’éliminer l’incertitude présente, tout ce que Bernanke et Yellen ont réussi à faire est de faire planer l’incertitude sur le futur. La Fed était-elle vraiment sérieuse quand elle a déclaré ceci ? Qui a fait une telle déclaration ? La Fed changera-t-elle d’avis ? Si la Fed dépend des chiffres, comment les interprétera-t-elle ? Etc. (…)

Avancer pour mieux plonger…

Tout cela ne change rien à l’état de l’économie réelle. Les États-Unis se dirigent droit vers la récession. La hausse des taux ne fera qu’accélérer ce scénario. (…)

Il sera intéressant de voir si la Fed aura l’opportunité de relever son taux directeur une, deux ou trois fois avant d’être rattrapée par la réalité. Attendez-vous à un nouveau round de QE pour « stimuler une économie en berne » entre la mi et la fin 2016. »

Et que dit Hilsenrath ?

En parlant d’Hilsenrath, ce journaliste du Wall Street Journal considéré comme le porte-parole officieux de la Fed, il ne dit pas autre chose. Via ZeroHedge :

« Si l’objectif de la Fed est de remonter son taux directeur au-dessus de 3 % d’ici 3 ans, cela n’aura lieu que si tout se passe comme prévu. Toute une série de facteurs pourrait forcer la Fed à rebrousser chemin et à rebaisser les taux : un choc étranger impactant l’économie américaine, la persistance de l’inflation trop basse, l’éclatement d’une nouvelle bulle financière ravageant l’économie ou l’essoufflement du cycle économique qui, long de 78 mois, a déjà duré plus longtemps que 29 des 33 cycles d’expansion économique que l’économie américaine a connue depuis 1854. »

Il ne s’agit pas que de l’avis autorisé de John Hilsenrath. Parmi 65 économistes interrogés par le Wall Street Journal ce mois, plus de la moitié s’attend à ce que le taux directeur de la Fed soit proche de zéro dans les 5 années à venir. Dix d’entre eux envisagent même des taux négatifs, à l’instar de ce que fait déjà la BCE.

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