Si vous demandez à M. ou à Mme Tout Le Monde ce qui se passe lorsque vous déposez de l’argent à votre banque en zone euro, on vous répondra dans la plupart des cas que cet argent atterrit dans le coffre de la banque ou qu’il sera en partie prêté à d’autres clients en quête d’un crédit. Pourtant, ce mode de fonctionnement des banques, aussi intuitif soit-il, n’est plus en vigueur depuis belle lurette.

Il est grand temps que le grand public se penche, aussi rébarbatif soit-il, sur le mode de fonctionnement des banques afin de comprendre le risque que tout un chacun court à confier son argent à n’importe quel établissement bancaire.

Premièrement, une banque ne fonctionne pas comme une tirelire. Lorsque vous déposez de l’argent sur votre compte, celui-ci n’est pas mis de côté, à votre nom, pour vous le restituer lorsque vous en aurez besoin. Lorsque vous déposez ou transférez une certaine somme sur votre compte, celle-ci devient la propriété de la banque. Légalement, cet argent n’est plus le vôtre mais celui de la banque. Ce qui signifie qu’elle peut l’utiliser comme bon lui semble. Pourtant, vous voyez bien le solde de votre compte en banque augmenter. Que cela signifie-t-il alors, si cela ne représente pas votre argent ?

En fait, votre solde, légalement parlant, représente la somme que la banque est légalement tenue de vous rembourser dans le futur. Dans la comptabilité de la banque, il s’agit d’un engagement ou dette qui se trouve sur le passif de son bilan. Ce concept d’engagement est à la fois très simple et très important. C’est un peu comme si vous prêtiez 50 € à un ami et que vous écriviez sur un bout de papier que Jacques vous doit 50 €. Ce bout de papier est similaire à un extrait de compte : il spécifie que cette somme vous est due, mais en aucun cas que l’argent est disponible.

Et les règles prudentielles de la BCE ?

Il y a néanmoins des « règles prudentielles » en vigueur, définies par l’organe de supervision les banques à savoir la BCE en Europe. Elles vous protègent, n’est-ce pas ? Voyons cela tout de suite…

Parmi ces règles, il y a les réserves obligatoires, à savoir un pourcentage des dépôts que la banque est tenue de conserver auprès de la banque centrale. A combien s’élève-t-il ? À 1 % mais uniquement pour les échéances inférieures à 2 ans (ce qui signifie que si vous disposez d’un livret d’épargne avec argent bloqué pendant plus de 2 ans, les réserves obligatoires sont de 0 %). Source :

Article 4

Taux de réserves

▼M1

  1. Un taux de réserves de 0 % s’applique aux catégories d’exigibilités suivantes [telles que définies dans le cadre du dispositif de déclaration des statistiques monétaires et bancaires de la BCE par le règlement (CE) no 2423/2001 (BCE/2001/13)]:
  2. a) dépôts à terme d’une durée supérieure à deux ans;
  3. b) dépôts remboursables avec préavis d’une échéance supérieure à deux ans;
  4. c) pensions;
  5. d) titres de créance émis d’une durée initiale supérieure à deux ans.

▼M2

  1. Un taux de réserves de 1 % s’applique à toutes les autres exigibilités comprises dans l’assiette des réserves.

Autrement dit, si vous déposez 10.000 € sur votre compte votre banque est tenue d’en conserver 100 à la banque centrale ! Ce pourcentage s’élevait à 2 % en janvier 1999, mais apparemment c’était encore trop : il a été divisé par 2 le 18 janvier 2012. Mais le Royaume-Uni fait encore mieux : le taux de réserves est de 0 %, quelle que soit l’échéance.

En Allemagne, ce taux de réserves en 1998 était encore à 11,9 % (source). Aux Etats-Unis, ce pourcentage est à 10 % mais concerne le « ratio de liquidités », ce qui est différent. Avec un tel ratio, l’argent « liquide » peut être investi dans des actifs dits liquides, principalement des obligations. Mais en cas de crash obligataire, la banque peut se retrouver du jour au lendemain dans l’incapacité de satisfaire le ratio de liquidité, évidemment.

La banque est également tenue de respecter des règles concernant ce qu’on appelle les « fonds propres réglementaires », soit de détenir un certain pourcentage d’actifs considérés comme sûrs (par exemple les obligations d’États, pourtant surendettés…) par rapport à la taille de son bilan. Selon Bâle II, ce pourcentage est de 8 %. De quoi protéger vos dépôts ? Dans un environnement économique stable, peut-être, mais dans le contexte propice aux crises et bank runs que nous traversons actuellement (Chypre, Grèce, etc.), on est loin du compte. C’est ce que de nombreux épargnants vont apprendre de la façon la plus désagréable qui soit.

Article inspiré du travail de Positive Money – Misconception around Banking.

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