Les 4 et 5 mai derniers, Warren Buffett (né en 1930) et Charles Munger (né en 1924), légendes vivantes de la finance, ont tenu la réunion annuelle des investisseurs de Berkshire Hathaway Inc. Environ 42.000 personnes ont pris le chemin d’Omaha, dans le Nebraska, pour assister à la session de questions-réponses accordée par l’investisseur américain vedette.

On peut comprendre cet enthousiasme. De 1965 à 2017, les parts du fonds Berkshire de Buffett ont offert un rendement annuel de 20,9 % après taxe, alors que le S&P 500 doit se contenter d’un rendement de 9,9 % après taxe. Si vous aviez investi dans Berkshire en 1965, vous auriez bénéficié d’un rendement de 2.404.784 %. Cela signifie qu’un investissement de 1000 $ vous laisserait aujourd’hui avec une fortune de plus de 24 millions de dollars.

Dans son introduction, Buffett a souligné l’importance d’une vision à long terme pour obtenir de tels résultats. Par exemple, si vous aviez investi 10.000 $ en 1942 (lorsque Buffett a acheté sa première action), votre portefeuille serait évalué aujourd’hui à 51 millions de dollars.

Avec cet exemple, Buffett a aussi rappelé à l’assistance que les investissements dans les actifs productifs tels que les actions prennent énormément de valeur dans le temps. C’est parce que dans une économie de marché, les sociétés génèrent habituellement des bénéfices avec le capital utilisé. Les profits sont distribués aux actionnaires sous la forme de dividendes, ou sont réinvestis dans la société pour faire grimper le prix de l’action, au profit de l’actionnaire.

Buffett a comparé la performance des actions (actifs productifs) avec celle de l’or (représenté comme un actif non-productif). 10.000 $ investis dans de l’or en 1942 ne représentent que 400.000 $ aujourd’hui, selon Buffett, donc beaucoup moins qu’un investissement dans des titres. Que faire de cette comparaison ?

Comment définir l’or ?

Pour répondre à cette question, nous devons d’abord comprendre ce qu’est l’or du point de vue de l’investisseur. Suivant l’analyse que l’on fait, on peut dire que le métal jaune :

  1. Est un actif ;
  2. Est une matière première ;
  3. Est une monnaie.

Si vous considérez l’or en tant qu’actif ou matière première, il est tout à fait pertinent de se poser la question de son niveau d’exposition au métal dans son portefeuille.

Mais si vous considérez que l’or est une monnaie, la comparaison de Buffett avec la performance des actions passe à côté d’un point important. Lorsque vous investissez, vous devez prendre les décisions suivantes :

  1. J’ai des fonds à investir. Combien dois-je placer dans des obligations, des actions, de l’immobilier, etc., et combien je garde en liquide ;
  2. Lorsque j’ai décidé de mon pourcentage d’allocation au liquide, sous quelle forme vais-je le conserver ? En dollars, en euros, en yens, en francs suisses ou… en or ?

Si on est d’accord avec ces considérations, il n’y a que 2 possibilités :

  1. Je ne veux pas être exposé au liquide car les actions offrent un meilleur rendement. C’est cependant un cas très improbable. Tout le monde doit garder un peu de liquidités pour faire face à ses obligations financières ;
  2. Je garde un peu de cash. Si vous avez des obligations, disons en dollars américains, il est conseillé de conserver des réserves suffisantes en cette devise. Pour ceux qui décident d’allouer une partie de leur portefeuille au liquide pour faire face à des obligations ponctuelles, ou pour des besoins à plus long terme, le choix de la monnaie se pose. Il se fait notamment en évaluant le pouvoir d’achat de chaque devise.

Si Buffett partageait cette opinion, une comparaison entre le pouvoir d’achat du dollar et de l’or serait pertinente. Cet exercice montrerait que l’or, contrairement au dollar, non seulement a préservé son pouvoir d’achat durant les dernières décennies, mais il l’a même augmenté.

Le pouvoir d’achat du dollar a chuté de 84 % entre janvier 1972 et mars 2018. Même en prenant les taux courts en compte, le pouvoir d’achat du billet vert n’a augmenté que de 47 %. Alors que le pouvoir d’achat de l’or a progressé de 394 %.

Un rôle toujours plus important pour l’or

Le métal jaune présente également la propriété remarquable d’être devenu de plus en plus important pour les investisseurs durant ces dernières années. Pourquoi ? Le système international basé sur l’argent papier s’aventure de plus en plus dans des eaux dangereuses, notamment parce que la dette, déjà élevée, ne cesse de grimper. L’investisseur est exposé à des risques qui n’existaient pas durant les décennies précédentes. L’or peut aider à mitiger ces risques.

Contrairement à l’argent papier, le métal jaune ne peut être dévalué par les politiques monétaires des banques centrales. De plus, l’or n’est pas exposé à un risque de défaut de contrepartie alors que les dépôts en banque et la dette à court terme peuvent être annihilés par une faillite ou des défauts sélectifs. Rien de tout cela ne s’applique à l’or.

Ces 2 caractéristiques, la protection contre la dévaluation des devises et le défaut, explique pourquoi beaucoup de gens ont choisi, lorsqu’ils avaient la possibilité de le faire, l’or en guise de monnaie préférée. Un autre aspect important du métal est qu’en cas de crise, le propriétaire de pièces et de lingots achetés à bon prix peut s’attendre à une augmentation de la valeur de son or, ou à pouvoir l’échanger contre davantage d’actions à prix cassé.

De cette façon, l’or peut produire un rendement intéressant. Une analyse objective prouve que l’or est la meilleure forme de monnaie vu qu’il a mieux maintenu son pouvoir d’achat que le dollar ou les autres devises papier.

Buffett et son partenaire ont été aussi critiques pour les obligations. Les obligations américaines sur 10 ans ne rapportent, après taxe, que 2,5 %. Ajusté à l’inflation, cela fait un maigre rendement de 0,5 %. Buffett n’y est pas allé par 4 chemins : n’investissez pas actuellement dans les obligations, a-t-il dit. Ceux qui s’attendaient à des critiques plus poussées sur le dollar ont été déçus. Mais la situation ne peut pas avoir totalement échappé à Berkshire. D’où ces commentaires.

Munger a notamment déclaré de but en blanc que la politique des taux planchers des banques centrales, en réponse à la crise financière de 2008, a contribué à offrir les rendements des marchés actions que nous avons connus. Munger a d’ailleurs dit dans ce contexte, mot pour mot : « Nous sommes tous des gens qui ne le méritent pas, mais nous espérons que cela va continuer. »

Buffett et Munger partagent la même vision à long terme. Ils insistent sur les augmentations énormes des revenus aux États-Unis durant les dernières décennies. Par rapport à l’enfance de Buffett, le revenu par habitant aux États-Unis a été multiplié par 6. C’est d’autant plus remarquable que la population est passée de seulement 123 à 323 millions d’habitants entre 1930 et 2016.

Selon eux, le système fonctionne. Tout le monde profite de la croissance, les crises ont été surmontées. Mais qui sait ce qu’il se serait passé avec un dollar adossé à l’or ? (…)

Il est aussi difficile de passer outre les côtés sombres de l’argent papier. C’est notamment celui-ci qui encourage l’expansion incessante de l’État au détriment des libertés civiles. Qui débouche sur des interventions agressives de par le monde, provoquant des guerres qui font des ravages. Qui engendre des crises économiques et financières, avec des effets négatifs sur la prospérité de la population. Et, last but not least, débouche sur la redistribution socialement injuste de la richesse.

Tout ceci serait impensable si le dollar était adossé à l’or. (…) »

Article de Mises.org, publié le 18 mai 2018