Le 29 mars 2019, soit la date de la mise en place des normes financières de Bâle III, pourrait changer la donne pour l’or : le métal sera désormais traité au même titre que le cash dans le bilan des institutions financières. Cette nouvelle règle, que certains appellent « remonétisation de l’or », pourrait bien être la raison des vagues de rapatriement d’or de ces dernières années, ainsi que des achats massifs récents des banques centrales.

Mais Il Sole 24 Ora, en publiant l’article intitulé « Les banquiers et le retour du standard or : le métal est considéré comme de la monnaie dans les bilans », va encore plus loin : il accuse les grandes instances monétaires de manipuler le cours de l’or. En voici la traduction sur base de l’article de Gata.org :

« Il règne une atmosphère de guerre froide sur le marché de l’or. Pour la première fois depuis 50 ans, les banques centrales ont acheté plus de 640 tonnes d’or l’année dernière, soit près du double par rapport à 2017, ainsi qu’un record depuis 1971, lorsque Richard Nixon mit fin à la convertibilité du dollar en or.

Il est intéressant de noter que les banques centrales européennes, ainsi que les asiatiques, furent les plus agressives dans leurs achats. Est-ce en raison des craintes pour l’euro, ou des guerres commerciales ?

En réalité, et c’est particulièrement vrai pour l’Europe, derrière ces grandes manœuvres se cache non seulement le traditionnel attrait de l’or pour sa qualité de valeur refuge, mais aussi de l’opportunisme. Il s’agit du rappel d’une date que peu de gens connaissent, mais qui est pourtant toute proche : le 29 mars 2019. Le jour de vérité du Brexit sera également celui de l’avènement du marché de l’or. (…)

Pendant près de 60 ans, le standard or a fixé la convertibilité entre le dollar et l’or. En 1971, le président américain Nixon, craignant les pressions sur le dollar susceptibles de faire plonger sa monnaie en pleine guerre froide, décida de couper le cordon avec l’or, mettant ainsi fin à l’ère du standard or. Mais aujourd’hui, nous sommes sur le point de faire marche arrière.

L‘or en tant que monnaie

Nous avons découvert que derrière les réformes complexes, mais bien connues de Bâle III se trouve une alchimie comptable qui peut transformer l’or en monnaie sur les bilans des banques. À partir du 29 mars 2019, sur décision de la BRI, l’or que possèdent les banques deviendra un équivalent au cash et sera donc désormais considéré sans risque. Depuis la fin de Bretton Woods, c’est la première fois que le métal jaune est traité ainsi. Les techniciens parlent de « remonétisation de l’or » en opposition à la démonétisation de Nixon.

Traité comme les obligations souveraines

La décision de la BRI, selon nous, porte la signature de la FED, de la BCE, de la Bundesbank, de la Bank of England et de la Banque de France, le G5 des puissances monétaires mondiales. En 2016, lorsque les nouvelles règles régissant le système bancaire furent élaborées sous le nom de Bâle III, les banquiers centraux inclurent une norme bouleversant les règles qui ne fut pourtant pas discutée publiquement.

Dans les faits, l’or sous la forme de lingots physiques, en opposition avec l’or « synthétique » sous forme de certificats, sera à nouveau considéré par les régulateurs comme un équivalent du dollar ou de l’euro. Il jouira du même statut de sécurité que les obligations souveraines. Ce tournant n’est pas insignifiant pour le marché de l’or et les réserves de métal. (…)

Les pays qui ont commencé à rapatrier leur or stocké à l’étranger pour en récupérer le contrôle et la gestion sont déjà protégés du risque d’une pénurie d’or après le 29 mars si leurs banques souhaitent échanger leurs obligations contre de l’or. Dans l’arsenal du système monétaire se trouve une montagne en or de 33.000 tonnes de métal jaune d’une valeur de 1,4 trillion de dollars au cours actuel.

Comme de coutume, les nations les plus prudentes et prévoyantes, ou peut-être les mieux informées des conséquences du 29 mars, furent l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la France, la Suisse et la Belgique. Cela n’a pas empêché la Pologne, la Roumanie et la Hongrie de récupérer le contrôle de leur or.

Une ruée vers l’or qui n’impacte pas les prix ?

La Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie sont les nations qui ont acheté le plus d’or durant les 2 dernières années, plus que toute autre chose, Moscou allant même jusqu’à liquider l’intégralité de son portefeuille d’obligations américaines pour les remplacer par des lingots. Mais là n’est pas le problème. Le souci, c’est le prix de l’or.

En 2018, ce ne sont pas moins de 641 tonnes d’or qui ont été achetées par les autorités monétaires des 5 continents, un record depuis 1971. Il s’agit d’une manœuvre sans précédent, qui doit être remise dans le contexte des rapatriements de lingots. 7000 tonnes d’or ont été retirées des coffres de la FED de New York, tandis que la Bank of England a restitué en catimini 400 tonnes.

Durant ces dernières années, particulièrement en 2018, un bond du cours de l’or aurait été normal. Pourtant, le cours a baissé de 7 %. Comment expliquer cela ?

Tandis que les banques centrales mettaient la main sur des lingots d’or « véritable » en coulisse, elles offraient des centaines de tonnes d’or synthétique sur les bourses de Londres et de New York, où 90 % des volumes d’échanges ont lieu. Cette offre excédentaire de produits dérivés de l’or a manifestement servi à faire baisser son cours, forçant les investisseurs à liquider leurs positions afin d’éviter de lourdes pertes sur les marchés à terme.

Plus les futures baissaient, plus les investisseurs vendaient de l’or synthétique, ce qui a engendré des spirales baissières exploitées par les banques centrales pour acheter de l’or physique à des prix toujours plus bas. Grâce à ce système, les pays désireux d’acheter du métal pour se protéger tels que la Chine, l’Inde, la Russie et la Turquie ont presque doublé leurs réserves durant les 5 dernières années. Moscou, pour acheter son or, a même liquidé ses obligations américaines qui représentaient 20 % de ses réserves.

Quelle est la compatibilité de cette situation avec le devoir de transparence et de droiture d’une banque centrale ? Sans aucun doute, le système mis en place par le « Goldfinger » anglo-américain semble être propice aux abus. Mais qui sait se qui se passera désormais après le 29 mars ?