Le choc engendré par l’inflation monétaire américaine pourrait remettre en cause l’existence même de l’euro. Voici une prédiction : sa fin sera la conséquence de plusieurs bouleversements monétaires américains, comme l’émergence soudaine d’un interlude déflationniste. Cela pourrait arriver plus tôt que beaucoup le pensent.

L’explication de cette prédiction démarre avec Paul Volcker et l’abandon de la route menant à l’argent sain en 1985/1986. Le moment clé eut lieu lorsque le patron de la FED de l’époque s’accorda avec le secrétaire au Trésor du président Reagan, James Baker, sur une campagne pour dévaluer le dollar. Les accords du Plaza de 1985 lancèrent l’offensive.

Volcker, auparavant célèbre pour être un guerrier de la dévaluation de l’administration Nixon (en tant que sous-secrétaire au Trésor), n’avait pas changé d’avis, de larges déficits commerciaux étant pour lui dangereux. Le diagnostic alternatif, à savoir que le début des années 80 était une période transitoire en réponse à l’augmentation du dynamisme économique américain et de la demande mondiale grandissante pour un dollar apparemment solide, ne séduisait pas Paul Volcker.

L’opportunité de réinstaurer l’argent sain s’est donc présentée. Ce qui arrive très rarement dans l’histoire, et l’occasion américaine fut manquée. Dans le contexte européen, le règne du Deutsche Mark solide a pris fin avec l’émergence de l’euro.

La hausse du Deutsche Mark entre 1985 et 1987 face aux autres devises européennes, provoquée par la relance de la machine monétaire inflationniste aux États-Unis, a fait basculer le pouvoir en Allemagne en faveur du projet de l’union monétaire européenne. Les grosses sociétés exportatrices, soutien majeur des chrétiens-démocrates du chancelier Kohl, imposèrent leurs vues. Le Deutsche Mark fort, menace évidente pour leurs bénéfices, devait s’en aller.

Suite aux accords du Plaza, on a alors connu le grand retour inévitable de l’inflation. Ce fut évident sur les marchés des actifs et des biens. Suite à ce chaos monétaire, les 2 côtés de l’Atlantique se lancèrent dans une nouvelle expérience de stabilisation : l’objectif de 2 % d’inflation.

Volcker, s’exprimant à propos du lancement de son dernier livre, critique désormais la FED et les grandes banques centrales qui ont pour objectif 2 % d’inflation. C’est à se demander ce qu’il a fait durant ces 20 dernières années. Il semblerait que, comme tout bureaucrate monétaire qui se respecte, il suit la règle immuable de ne jamais se remettre en question lorsqu’il s’agit d’expliquer les problèmes actuels, notamment ces 2 % d’inflation.

La naissance de la BCE

Alors que la BCE ouvrait ses portes en 1998, c’est l’ancien de la Buba, Otmar Issing, qui a piloté l’adoption en Europe de cet objectif de 2 %. L’exception monétaire allemande prenait fin. Auparavant, les pays d’Europe occidentale bénéficiaient d’une grande indépendance monétaire par rapport aux États-Unis.

Mais avec le régime des 2 % d’inflation, la zone euro, y compris l’Allemagne, s’est calée sur le cycle monétaire américain, partageant les hauts et les bas de l’inflation américaine. Dans le contexte européen, l’inflation des actifs signifiait des investissements malavisés.

Un test pour l’euro

En raison de ces distorsions, nous identifions une vulnérabilité existentielle de l’euro. Le prochain choc monétaire américain sera son test le plus sévère. Ce choc prendra probablement la forme de l’arrivée soudaine d’un interlude déflationniste qui sera ensuite suivi sur le long terme par une inflation monétaire allant crescendo.

Plus spécifiquement, alors que l’inflation virulente des actifs financiers du cycle monétaire mondial actuel (comme toujours mené par la FED) finit par déboucher sur la déflation du prix de ces actifs et une récession, nous traverserons une période globale de contraction du crédit. Cela se reflétera plus que probablement dans les agrégats monétaires. Les prix et les salaires pourraient subir des pressions à la baisse, même s’il ne s’agit pas d’une preuve irréfutable de déflation monétaire.

Dans cette phase de déflation du prix des actifs accompagnée par un ralentissement économique généralisé ou une récession, l’Europe se trouverait dans une situation particulièrement dangereuse. Les secteurs exportateurs démesurés du nord de l’Europe sont vulnérables à un tel scénario, sans parler de l’éclatement de la bulle des émergents. La faiblesse des banques et des finances publiques en Europe propulserait l’union vers la solvabilité. Un euro faible et les mesures prises pour augmenter les exportations des grands pays européens exportateurs sont susceptibles d’irriter Trump.

Il n’y aurait aucune tolérance de Washington en cas de radicalisme monétaire en Europe. Si c’est l’unique façon de faire vivre l’euro, à savoir à travers une faiblesse perpétuelle de la devise, alors il doit s’effacer.

Une nouvelle zone euro plus petite ?

L’heure de vérité des multinationales allemandes arriverait alors. L’axe qui permet de souder la chancellerie allemande à la BCE (actuellement l’axe Draghi Merkel) ne serait plus en mesure d’effectuer la liaison via l’euro faible. Avec cette nouvelle donne, la désintégration de l’euro pourrait être pour ces sociétés la route la plus prometteuse vers le succès. Oui, le retour du Deutsche Mark mettrait les marges bénéficiaires sous pression. Mais, au moins, les menaces de guerre commerciale États-Unis/Allemagne ou États-Unis/Europe disparaîtraient.

La CDU pourrait pivoter vers la droite pour se départir de l’europhilie de l’ère Merkel, ce qui permettrait également de récupérer une partie de l’électorat passé à l’extrême droite, tout en grignotant les votes des épargnants des classes moyennes qui ne sont pas très satisfaits par les taux d’intérêt et la faiblesse de l’euro. La descente aux enfers vers un chaos tel que la politique de Weimar n’est pas à exclure si la CDU s’entête dans son eurocentrisme.

Oui, l’Italie serait totalement exclue de la zone euro. Le potentiel de la renaissance de l’argent sain en Europe, avec la France, les Pays-Bas et l’Allemagne adoptant une nouvelle union monétaire, est une possibilité. Le futur monétaire européen ne serait plus suspendu au fil de la menace américaine. Cependant, l’opportunité de cette transition est limitée dans le temps, vu le danger potentiel posé par l’inflation américaine.

Source : mises.org (traduction des passages importants)