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La Chine ne repart pas, elle ne pourra pas encore sauver l’Occident

Les beaux chiffres de la croissance chinoise, d’une stabilité presque élégante, doivent être perçus comme un instrument de combat politique. Selon Donald Trump, « les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner » lorsque votre adversaire dépend de votre marché, et que vous pouvez les faire plier en les mettant sous pression.

Il a crié victoire lorsque l’indice boursier de Shanghai a plongé durant l’hiver. Il s’agit d’un stratagème typiquement trumpien.

Il est dans l’intérêt urgent de la Chine de contredire ses déclarations alors que les négociations mènent à une situation de crise. Xi Jinping doit dépasser les attentes pour satisfaire la population. La Chine a sorti un beau chiffre de son chapeau : 6,4 %.

« Cela pourrait-il être possible ? » s’est interrogée le magazine Caixin. Une question très courageuse sous un régime de l’Oncle Xi de plus en plus totalitaire.

Ce n’est bien entendu pas possible. Les exportations du Japon vers la Chine ont chuté de 9,4 % en mars sur base annuelle. Les exportations de Singapour vers la Chine de 8,7 %, d’Indonésie de 22 %, de Taiwan de 27 %. Les exportations coréennes ont baissé de 8,2 %.

La large sphère d’influence chinoise en Asie de l’Est est au cœur d’une récession industrielle. Les indices prédictifs de Nomura indiquent que cela va empirer. « Ceux qui s’attendent à un rebond important de la croissance des exportations asiatiques dans les mois à venir pourraient être déçus », a écrit la banque.

Le rebond de la croissance chinoise est même difficile à réconcilier avec ses propres chiffres. Simon Ward de Janus Henderson affirme que la croissance nominale du PIB, un chiffre plus difficile à manipuler, continue de baisser. L’indicateur a reculé jusqu’à 7,4 %, contre 8,1 % au T4 2018.

L’épargne des ménages a baissé de 1,1 % le mois dernier. Cela signifie que le rythme de croissance de la véritable masse monétaire M1 reste à des niveaux très bas. Elle a augmenté quelque peu, mais ce n’est rien en comparaison avec les épisodes précédents de stimulations chinoises. Cette évolution annonce une stagnation fin 2019.

Une étude publiée le mois dernier par Wei Chen et Chang-Tai Tsieh pour la Brookings Institution, baptisée «Examen scientifique de la comptabilité nationale chinoise», a conclu que la croissance chinoise a été surestimée de 1,7 % en moyenne depuis 2006. Ils ont utilisé des données satellites pour analyser l’éclairage de nuit des zones industrielles, le volume du cargo ferroviaire, etc.

« Les décideurs locaux sont récompensés lorsqu’ils atteignent des objectifs de croissance et d’investissements, ont-ils écrit. Il n’est donc pas surprenant que les gouvernements locaux soient encouragés à gonfler les statistiques. »

Liaoning, une province du nord de la taille de l’Espagne, a récemment corrigé ses chiffres après une opération anticorruption qui a mis au jour des abus grotesques. Le PIB estimé a été corrigé à la baisse de 22 %. Vous voyez le tableau.

Mais il y a d’autres implications. Si l’économie chinoise pèse 75 ou 80 % du chiffre officiel, cela signifie que son taux d’endettement n’est pas de 300 % de son PIB, mais plutôt de 400 %. Et si la croissance réelle est moindre, et qu’elle continue de baisser chaque année, cela signifie que l’empire du Milieu est de moins en moins capable de se reposer sur la croissance pour rembourser sa dette.

La dynamique de la dette arrive dans une phase horrible, lorsque la population active se contracte de 2 millions d’unités par an. Selon le FMI, la Chine a besoin d’une croissance (véritable) de 5 % pour empêcher l’augmentation des créances douteuses dans son système bancaire.

Les optimistes occidentaux concernant la Chine ne contestent pas la plupart de ces faits. Ils estiment par contre que c’est la « direction » des chiffres qui importe, et que cela va mieux de ce côté. Les stimulations ont des effets. Elles ont gagné en traction en mars avec un rebond de 8,5 % de la production industrielle, même si certains sceptiques estiment que les changements concernant la TVA ont mené à des achats anticipés. Certains voient de jeunes pousses apparaître.

Le raisonnement est que la Chine va sauver l’Europe. Les optimistes doublent la mise en anticipant une nouvelle reprise de la croissance mondiale, sécurisée par la capitulation de la FED. On assisterait à une répétition du cycle de redressement démarré en 2016.

Personnellement, je ne crois pas à ce scénario heureux. Mais je reconnais, pour avoir observé la psychologie de fin de cycle pendant 4 décennies, notamment en étant devenu pessimiste trop tôt durant la bulle Internet, que les investisseurs ont tendance à s’accrocher aux bonnes nouvelles qui se présentent durant la fin d’une longue phase d’expansion économique. Ils sont en quelque sorte victimes de la méthode Coué.

Je vais me mouiller en prédisant que cet optimisme enivrant va engendrer un marché haussier durant l’été jusqu’à ce que les dégâts encore non visibles pour tous se manifestent au grand jour.

D’ici là, l’adrénaline engendrée par les baisses d’impôts de Trump se sera dissipée rapidement. Le Congrès devra ensuite s’accorder sur la dette et le budget dans un exercice qui s’annonce périlleux.

Il y a 2 semaines, Citigroup a conseillé à ses clients de réduire leur exposition aux actifs risqués afin de se préparer à la tempête. « Il est déjà 23h45 », a écrit la banque.

Elle a reproché à la FED de Powell d’avoir trop serré la vis et d’avoir déjà planté les graines de la récession. Avec une précision inhabituelle, Citibank prédit le début de la prochaine récession en décembre. Le plus haut des marchés actions américains précède habituellement les récessions de 5 mois. Cela signifierait un plus haut pour le mois de juillet, ce qui semble cohérent.

Reconnaissons que Pékin a ouvert les vannes fiscales durant ces dernières semaines. Les crédits ont augmenté de 430 milliards rien qu’en mars. Les entreprises ont bénéficié de baisses d’impôts de 300 milliards de dollars supplémentaires. Les gouvernements locaux ont émis des obligations pour maximiser l’impact des mesures. Mais lorsqu’on y regarde bien, il est difficile de percevoir ce qui a fondamentalement changé en 2019.

Comment le crédit pourrait obtenir davantage de résultats n’est pas très clair non plus. Selon le Fiscal Monitor du FMI, la Chine doit désormais émettre pour 4,1 yuans de crédit afin d’obtenir un yuan de croissance. C’était 3,5 en 2015, 2,5 en 2009. Ce ratio crédit/croissance ne fait qu’empirer.

C’est pourquoi les gens de la Banque centrale chinoise se battent vaillamment avec les partisans de l’argent facile du ministère des Finances. L’impact est marginal alors que le danger augmente de façon exponentielle. On ne peut que louer la banque centrale pour son pilotage menant à un atterrissage plus en douceur, mais il s’agit tout de même d’un atterrissage.

L’économie va probablement atteindre un taux de croissance plancher de 4,5 % ce trimestre, sur base d’indicateurs alternatifs. Une telle stabilisation n’est pas suffisante pour la stabilité d’une économie mondiale devenue dépendante de la Chine.

Je maintiens que les États-Unis stagneront avant toute reprise chinoise. L’Europe se trouve sur la pellicule de glace la plus fine. Son système bancaire est dysfonctionnel. Elle est chroniquement incapable de générer une croissance interne, ou de prendre des mesures de défense significatives.

L’élan économique des 3 blocs majeurs du système international est brisé. Nous entrons une période de vulnérabilité maximale.

Article d’Ambrose Evans-Pritchard, publié le 17 avril 2019 sur le Telegraph 

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