L’actualité de cette semaine est chaude. Entre le relèvement attendu des taux de la FED aujourd’hui, le résultat des élections aux Pays-Bas et les dernières nouvelles du Brexit, les journaux sont bien occupés. Si les médias dominants vous tiennent au courant de tous ces dossiers, profitons-en, en parlant des Pays-Bas, pour prendre du recul et nous plonger dans l’histoire des obligations souveraines et faire le parallèle avec la nouvelle saga du plafond de la dette américaine (plafond tellement relevé que le métier de couvreur-astronaute est sur le point d’être inventé) via cet article de Simon Black, publié le 13 mars 2017 :

Histoire des obligations

« En l’an de grâce 1517, l’une des innovations les plus importantes de l’histoire financière vit le jour à Amsterdam : l’obligation gouvernementale. Un concept assez révolutionnaire.

Cela faisait des milliers d’années que les gouvernements empruntaient de l’argent… souvent à la pointe de l’épée.

Les cités-États italiennes comme Venise et Florence étaient connues pour exiger depuis des siècles des « prêts forcés » de la part de leurs citoyens les plus fortunés. Mais les Hollandais trouvèrent la façon de faire des prêts gouvernementaux un « investissement ».

L’idée a fait lentement son chemin. Mais, en bout de course, les obligations gouvernementales sont devenues une classe d’actifs très populaire. Des marchés secondaires se développèrent, sur lesquels les gens pouvaient revendre à d’autres investisseurs des obligations qu’ils possédaient.

Même les simples cafés se muèrent en place financière où les investisseurs et les traders pouvaient acheter et vendre des obligations.

À l’époque, le gouvernement des Pays-Bas réalisa que sa solvabilité était cruciale. La Hollande développa la réputation d’être une entité très fiable. Cette pratique s’est répandue à travers le monde. Les marchés internationaux se développèrent.

Les investisseurs anglais se mirent à acheter des obligations françaises. Les investisseurs français à acheter des obligations hollandaises. Les investisseurs hollandais à acheter des obligations américaines.

En 1803, les investisseurs hollandais possédaient 25 % de la dette fédérale américaine. À titre de comparaison, les Chinois en possèdent aujourd’hui environ 5,5 %.

Aux quatre coins du monde, les niveaux de dette ne cessèrent de grimper.

Le gouvernement hollandais utilisa ses émissions obligataires pour vivre au-delà de ses moyens, empruntant pour financer tout ce qui était possible d’imaginer : des guerres, des travaux d’infrastructure et des déficits qui explosaient.

Mais les gens continuèrent d’acheter des obligations, convaincus que le gouvernement hollandais ne ferait jamais défaut. C’était un véritable lavage de cerveau : la simple suggestion que le gouvernement hollandais puisse faire défaut tenait du blasphème.

Peu importe si le niveau de dette était tellement élevé au début des années 1800 que le gouvernement hollandais dépensait 68 % de ses revenus fiscaux simplement pour rembourser sa dette.

Ensuite, en 1814, l’impossible est arrivé : le gouvernement hollandais a fait défaut. Et les conséquences furent dévastatrices.

Dans leur excellent livre The First Modern Economy, les historiens financiers Jan de Vries et Ad Van der Woude estiment que le défaut du gouvernement hollandais a effacé d’un tiers à la moitié de la richesse du pays. Il ne s’agit bien entendu que d’un exemple.

L’histoire est remplie d’événements que l’on pensait impossibles et qui ont eu lieu. Pourtant, avec le recul, ils semblent toujours tellement inéluctables.

Imaginez. Les Hollandais dépensaient 68 % de leurs rentrées fiscales pour rembourser leur dette. Bien entendu qu’ils allaient faire défaut ! Mais à l’époque, il y avait toujours une influence sociale prévalente… la soi-disant sagesse d’« experts » qui faisaient croire à des gens rationnels des fantasmes ridicules.

Il n’en va pas autrement aujourd’hui : nous avons nos propres experts qui propagent des fantasmes ridicules (mais surtout dangereux).

Le plafond de la dette est de retour, toujours plus haut, mais jamais assez !

Il se trouve justement que cette semaine, une nouvelle débâcle du plafond de la dette aura lieu au « Pays de la Liberté ». Vous vous rappelez peut-être de la crise majeure du plafond de la dette de 2011. Le gouvernement américain stoppa presque ses activités alors que le plafond de la dette était sur le point d’être dépassé.

Cela s’est à nouveau produit en 2013, et certains services du gouvernement ont même vraiment fermé. Puis à nouveau en 2015, lorsque le Congrès et le président Obama se mirent d’accord pour suspendre temporairement le plafond de la dette, qui était à l’époque de 18,1 trillions de dollars. Cette suspension prend fin cette semaine, pour introduire cette fois un plafond de la dette fixé à 20,1 trillions de dollars.

Il y a juste un souci : le gouvernement américain est déjà sur le point de dépasser cette nouvelle limite. La dette nationale au Pays de la Liberté est désormais légèrement au-dessus des 20 trillions de dollars. En fait, le gouvernement a pris grand soin de ne pas dépasser les 20 trillions en raison de l’anticipation du fiasco à venir. Ils l’ont notamment fait en tapant dans les liquidités.

Au 1er janvier 2017, les liquidités du gouvernement américain atteignaient presque les 400 milliards de dollars. Le jour de l’investiture de Donald Trump, ce montant s’élevait à 384 milliards. Aujourd’hui, il a fondu jusqu’à 34 milliards de dollars (Google dispose de deux fois plus de liquidités, ses réserves étant supérieures à 75 milliards de dollars).

Ce n’est pas à cause de Trump, ou d’Obama, ou de toute autre personne.

C’est un problème inévitable qui découle de décennies de mauvais choix posés par les institutions du gouvernement lui-même.

Les dépenses publiques sont telles que les pertes nettes du gouvernement ont dépassé un trillion de dollars durant l’année fiscale 2016, d’après les propres chiffres du Trésor.

C’est extraordinaire, surtout lorsqu’on prend en compte le fait qu’aucune guerre majeure n’a eu lieu, ou récession, ou crise financière, ou investissement majeur dans les infrastructures.

En bref, les affaires courantes font perdre un trillion de dollars par an au gouvernement américain. De plus, la dette nationale a augmenté de 8,2 % durant l’année fiscale 2016 (1,4 trillion), alors que la croissance fut de seulement 1,6 % d’après le Département du Commerce.

Et maintenant, ils veulent dépenser des trillions de dollars dans des travaux d’infrastructure. Il y aura aussi les renflouements de la sécurité sociale et de Medicare. Et tout cela ne tient pas compte d’une éventuelle récession, d’une guerre des devises ou de toute autre condition adverse.

Il ne s’agit pas d’un problème politique, mais arithmétique. Les chiffres ne collent pas.

L’unique question est de savoir si le gouvernement fera tout simplement défaut, reviendra sur ses promesses auprès de ses citoyens ou bien n’honorera pas son obligation de maintenir la stabilité de sa devise.

Bien entendu, comme il y a deux siècles, la simple suggestion d’un défaut américain est considérée comme un blasphème. Nos experts modernes nous disent que le gouvernement américain payera toujours, qu’un défaut est impossible.

Pourtant, nous vivons dans un monde dans lequel l’impossible a lieu à intervalle régulier. Le bon sens commande donc de chercher un moyen de se mettre à l’abri… (…) heureusement, des solutions existent. »