Le gouvernement US a toujours emprunté de l’argent, ce qui ne l’empêchait pas de voir son PIB nominal « réel » (PIB – dette) progresser d’année en année depuis les années 70. Mais tout a changé depuis 2008 : le PIB américain, duquel on retranche le déficit fédéral, pique du nez, ce qui semble prouver que les États-Unis sont en pleine dépression, masquée au niveau du PIB par les dépenses à crédit de l’État.
C’est ce que nous explique cet article passionnant de Baker & Company Advisory Group du 28 septembre 2017 (lien) :
Considérez-vous la dette en tant que revenu ? Avant que vous répondiez, faisons une petite expérience de réflexion. Imaginez que vous avez fait une longue croisière en été dernier, que vous l’avez payée avec votre carte de crédit (disons 10 000 €). Allez-vous déclarer au fisc que vous avez eu des rentrées de 10 000 € ? Bien sûr que non.
Admettons qu’une grande société pétrolière fasse une émission obligataire de 800 millions pour développer un nouveau champ pétrolier. S’agit-il d’un revenu déclaré au fisc ? Non. (…) L’argent emprunté n’est donc pas considéré comme un revenu. Il s’agit d’un engagement qui doit être remboursé. Dans ce cas, pourquoi prenons-nous en compte la dette fédérale du gouvernement lorsque nous calculons le revenu national ? Je laisserai le soin aux lecteurs de trouver la raison, pour ma part je vais me focaliser sur le fait que la dette du Trésor est intégrée dans les revenus.
Le concept moderne du PIB
Le concept moderne du PIB fut développé par le département du Commerce en 1934. Le département chargea le prix Nobel Simon Kuznets, du National Bureau of Economic Research, de développer les méthodes de calcul des chiffres économiques nationaux. Le Pr Kuznets prit la tête d’un petit groupe (…). Je les imagine en train de se rassembler afin de développer les outils statistiques qui permettront au gouvernement de déterminer si l’économie se redresse suite à la Dépression. Ils débattent sur la façon de mesurer les différentes sources de revenus. Un économiste suggère que quelle que soit la source de revenus, il n’y a que 2 issues : dépenser l’argent, ou l’investir. Nous savons comment mesurer la consommation et les investissements (et l’épargne). Ce sont les fondations de l’approche du calcul du PIB par les dépenses.
Je peux aussi imaginer un autre économiste suggérer que si nous exportons plus, cet excédent commercial devrait être ajouté au revenu national, ou déduit s’il s’agit d’un déficit commercial. On peut également imaginer un autre économiste suggérer qu’il y a une 3e option, outre la dépense des revenus et les investissements, c’est-à-dire le paiement de taxes. Vu que le gouvernement ponctionne une partie du revenu national et le dépense, ces économistes décidèrent d’inclure les dépenses gouvernementales dans le calcul du PIB. Si chacune composante de la formule de base du calcul du PIB rassemblant en fait des centaines ou des milliers de sous-composantes, le calcul final est le suivant :
PIB = RP + BC + DG
- RP sont les revenus privés (consommation et investissements)
- BC est la balance commerciale
- DG sont les dépenses gouvernementales
La formule finale du calcul du PIB inclut donc les dépenses du gouvernement. Veuillez noter que cette composante ne fait pas la distinction entre les dépenses financées par les rentrées fiscales et par la dette. Lorsque nous mesurons le revenu national, les dépenses financées par la fiscalité ou la dette sont traitées d’égal à égal.
J’affirme que la dette du gouvernement ne fait pas partie du « revenu national » vu qu’il ne s’agit pas d’un revenu. Il s’agit d’argent emprunté qui devra éventuellement être remboursé (à des pays qui ne sont souvent pas nos amis). (…)
Pour mesurer avec précision la santé de notre économie, il faut soustraire la dette du calcul. Et voici à quoi ressemble le PIB américain lorsqu’on retranche les stimulations artificielles :
Ce graphique provient de la FED même. Il montre l’évolution du PIB moins la dette du Trésor. (…)
Le gouvernement a toujours emprunté et dépensé de l’argent, mais le PIB réel a toujours progressé, en tout cas depuis que la FED compile ces données. Mais plus depuis 2008. Quelque chose s’est cassé dans l’économie américaine. Depuis, il apparaît que l’économie est dans ce qu’on appelle une dépression, mais elle est masquée par les énormes stimulations du gouvernement fédéral. Que se passerait-il si celui-ci devait subitement équilibrer son budget ? À vous de vous faire votre opinion, mais n’oubliez pas que cela ferait baisser de 5 à 7 % le PIB. (…)
Depuis 2008, ces stimulations artificielles ont atteint en moyenne 7,45 % du PIB. Une fois de plus, il s’agit des chiffres de la FED.
De 1929 jusqu’à la fin de la Grande dépression et la Seconde guerre mondiale, la FED a augmenté son bilan de 6 % du PIB à 16 % du PIB, de 2008 à 2014 la FED a augmenté son bilan de 6 % du PIB à plus de 22 % du PIB. Le taux directeur de la FED a plongé jusqu’à 0-0,25 % à la fin de 2008 pour rester à ce niveau jusqu’à la fin de 2015. (…) En bref, les taux sont restés proches de zéro pendant 8 ans. Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi tant de temps fut nécessaire pour démarrer le processus de normalisation des taux.
La FED nous a donné 8 ans de taux zéro et a augmenté presque 2 fois plus la taille de son bilan que durant la Grande dépression et la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ? Ont-ils vu quelque chose de plus dangereux que la double menace existentielle Grande dépression et Seconde Guerre mondiale qui pesait sur les États-Unis ? Ou se sont-ils simplement engagés dans une expérience monétaire potentiellement dangereuse ? Je me pose la question depuis 2009, mais je pense que le calcul du PIB réel fournit peut-être la réponse. La FED et le gouvernement ont vu une dépression potentiellement plus grave, menaçante et longue que celle des années 30. Si cette hypothèse est correcte, la FED et le gouvernement ont ainsi masqué avec succès la dépression, évité que l’économie parte en vrille tout en lui donnant du temps pour se redresser. S’est-elle redressée ? Le premier graphique semble indiquer que non : le PIB poursuit sa baisse. (…)
Sur le soi-disant plein-emploi aux États-Unis
On nous dit que le marché du travail a créé des millions d’emplois. Mais quel genre d’emplois ? On entend souvent que c’est le plein-emploi, que le marché du travail est très tendu, que le taux de chômage est si bas que la FED doit relever les taux. Vu que personne ne souhaite subvenir aux besoins de sa famille en ayant plusieurs temps partiels, penchons-nous sur le marché du travail américain en termes de temps pleins.
Les statistiques de la FED indiquent qu’il y avait 121,875 millions de salariés à temps plein en novembre 2007. En août 2017, il y avait 125,755 millions de salariés à temps plein. Cela signifie 3,88 millions de postes créées en disant alors que la population a augmenté de 23 millions. (…)
En conclusion : j’estime que l’économie américaine est en dépression, mais qu’elle est masquée par la dette. Je pense également qu’aucun signe de reprise n’est visible.