Depuis la crise de 2008, le crédit étudiant a connu un boum sans précédent alors que ce type de dette présente de nombreux arriérés ou impayés, eux aussi en augmentation constante. C’est tellement vrai que BlackRock parle déjà de crise du crédit étudiant, dans un article publié le 28 juin 2017 qui évoque ses conséquences économiques :

« C’est un secret de polichinelle que nous traversons une crise du crédit étudiant. Ce type de dette a connu depuis 2003 une croissance supérieure au crédit auto, aux cartes de crédit et au crédit hypothécaire réunis, d’après la FED de New York, alors que le coût des études supérieures a explosé et que davantage d’étudiants poursuivent ce genre d’études.

La prolifération des crédits étudiants à taux d’intérêt élevé a surpassé l’inflation et la hausse des salaires des diplômés supérieurs. Si bien qu’aujourd’hui, le taux de défaut de paiement des crédits étudiants est supérieur à celui des cartes de crédit, des crédits auto et hypothécaires, d’après les statistiques de la FED de New York. Mais ce qu’on omet de dire, cependant, c’est que la crise actuelle du crédit étudiant n’est pas uniquement négative pour les diplômés qui éprouvent des difficultés à rembourser leur dette. Elle a également des effets secondaires négatifs et sous-évaluées sur l’ensemble de l’économie américaine.

Il s’agit d’un vent contraire pour la croissance américaine également susceptible de creuser les inégalités sociales. Aujourd’hui, face aux coûts élevés des études supérieures et l’obligation de s’endetter lourdement pour les poursuivre, la plupart des étudiants des familles modestes préféreront ne pas aller à l’université. Ce qui devrait leur compliquer la tâche afin d’acquérir les compétences nécessaires pour prospérer dans une économie américaine dominée par la technologie et les services.

Les trois graphiques ci-dessous montrent comment la crise est susceptible d’être un handicap majeur pour l’économie américaine dans les années à venir si les politiques fiscales ne s’y attaquent pas. Ses conséquences pourraient être attribuées à tort à d’autres motifs, comme l’absence de productivité, au lieu de pointer du doigt les vraies raisons sous-jacentes comme la hausse du crédit étudiant.

taux de propriété des 30 ans aux USA

Le taux de propriété ne cesse de baisser aux États-Unis depuis ces six dernières années, d’après le US Bureau of Census, et ce malgré la reprise économique. Nous pensons que ce déclin s’explique par le fait que le crédit étudiant empêche les primo-accédants de faire leur première acquisition.

Ceux qui ont du mal à rembourser leurs mensualités ne disposent pas, la plupart du temps, de l’apport personnel nécessaire. Les sociétés de crédit sont réticentes à prêter à ce genre de profil. Plus de 70 % de ceux qui souhaitent acheter leur premier bien immobilier affirment que c’est leur crédit étudiant qui retarde leur projet, d’après le sondage de l’Association nationale des agents immobiliers des États-Unis. En effet, le taux de propriété des moins de 30 ans est bien moindre parmi ceux qui ont un crédit étudiant. (…)

Pour l’économie en général, moins d’achats immobiliers signifie une demande en baisse dans le secteur de la construction, donc moins d’emplois. D’après l’Association nationale des constructeurs de maisons résidentielles, un emploi permanent est créé à chaque fois que 2 nouvelles maisons sont construites.

L’immobilier n’est qu’un exemple de la façon dont le fardeau du crédit étudiant réduit la consommation des jeunes adultes, et donc entrave la croissance américaine. Traditionnellement, cette tranche d’âge est l’un des moteurs de la croissance économique américaine vu qu’elle a tendance à augmenter sa productivité, sa consommation lorsque ses membres arrivent dans la trentaine et dans la quarantaine… (…) Cependant, lorsque de jeunes adultes croulent sous la dette, leur consommation est réduite. Vu que la consommation représente 70 % du PIB, la croissance se retrouve en dessous de son potentiel.

Le crédit étudiant ne concerne pas que les jeunes, des Américains plus âgés sont aujourd’hui concernés, comme le montre le graphique ci-dessus. Cette dette oblige probablement les emprunteurs à rester actifs sur le marché du travail, ce qui peut compliquer la tâche des jeunes à la recherche d’un emploi. En plus de repousser l’âge de la retraite et d’éliminer des possibilités de carrière pour les plus jeunes, ce fardeau de la dette peut également entraver la consommation d’Américains plus âgés. (…)

En bref, ce fardeau du crédit étudiant qui s’alourdit n’est pas uniquement un souci pour les emprunteurs. Il s’agit d’un vent contraire majeur et à long terme pour l’ensemble de l’économie américaine qui doit être réglé par une solution fiscale élégante. Et le plus tôt sera le mieux. »