La capacité de pouvoir transporter anonymement de l’or au-delà des frontières est sur le point de prendre un grand coup : les « commissions des libertés civiles et des affaires économiques » du Parlement européen, un nom à consonance très orwellienne, vient d’approuver des contrôles plus rigoureux de l’argent liquide entrant ou sortant de l’UE. Alors que vous étiez auparavant obligés de faire une déclaration si vous emportez avec vous plus de 10000 € en espèces, la définition d’argent liquide a été étendue aux métaux précieux, dont l’or, aux pierres précieuses ainsi qu’aux cartes prépayées.

La guerre contre le cash prend un nouveau tournant dans l’UE

Mieux encore, outre l’élargissement de ce que l’Union européenne considère comme étant du liquide, les autorités auront le droit de saisir toute somme qui leur semble suspecte, en dessous du seuil actuel des 10000 €. Il ne s’agit que d’une proposition, qui devra encore être votée par le Parlement européen, ensuite son champ d’application négocié avec chaque État membre.

Il s’agit d’un développement très grave : en cas d’adoption, on pourrait vous confisquer n’importe quelle valeur, que ce soit de l’argent liquide, de l’or ou une carte bancaire prépayée. On accusait le cash d’être le véhicule de la criminalité et du terrorisme, c’est au tour de l’or d’être accusé :

Le rapporteur Mady Delvaux (S&D, LU) a déclaré: « D’importantes sommes d’argent liquide, que ce soient des billets de banque ou des lingots d’or, sont souvent utilisées à des fins d’activités criminelles comme le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme. Avec cette législation, nous donnons à nos autorités les outils nécessaires pour renforcer leur lutte contre ces crimes. Le point central est un accès rapide à toutes les informations dont elles ont besoin pour leurs enquêtes. C’est pourquoi nous demandons l’interconnexion de leur système d’échange de données et que nous répétons notre appel en faveur d’une cellule de renseignement financier au niveau de l’Union. »

Le rapporteur Juan Fernando López Aguilar (S&D, ES) a affirmé: « Nous avons essayé de trouver le juste équilibre entre cet instrument qui vise à renforcer, en se basant sur le marché intérieur, les contrôles des mouvements transfrontaliers d’argent liquide via les frontières extérieures de l’UE, et la protection des intérêts légitimes. Ce qui rend le système proportionnel. »

Et les cryptodevises comme Bitcoin, dans tout ça ? « Elles ne sont pas incluses dans la définition d’ »argent liquide », les autorités douanières n’ayant pas les ressources nécessaires pour les contrôler », précise le communiqué de presse du Parlement européen. Mais que les crypto-fans ne se réjouissent pas trop vite : en temps et en heure, les technocrates s’en chargeront, et vous pouvez leur faire confiance pour vous mettre des bâtons dans les roues. Au final, les banques se retrouveront avec le monopole du blanchiment d’argent, des transferts d’argent sale et de financement du terrorisme. C’est bon pour les affaires, et en cas de scandale, elles payeront une petite amende, comme de coutume.

Le texte du communiqué de presse :

Des contrôles plus rigoureux de l’argent liquide entrant ou sortant de l’UE ont été adoptés par les commissions des libertés civiles et des affaires économiques lundi.

Les nouvelles règles abrogent le premier règlement relatif aux contrôles de l’argent liquide de 2005, qui obligeait les particuliers à déclarer les sommes dépassant 10000 euros lors de leur entrée dans l’UE ou de leur sortie du territoire. Les députés souhaitent combler les failles exploitées par les criminels – comme les différentes peines dans les divers États membres – qui voyagent avec des sommes juste en dessous du seuil de déclaration ou qui utilisent des modes de transferts qui ne sont pas couverts par les règles actuelles.

Afin d’empêcher que les produits du crime n’entrent à nouveau dans l’économie ou que l’argent ne soit utilisé pour financer des activités illégales, les députés ont convenu :

  • d’élargir la définition d’ »argent liquide » afin d’inclure l’or, des pierres précieuses et des métaux, ainsi que les cartes électroniques prépayées anonymes ;
  • de permettre aux autorités de saisir temporairement l’argent liquide en dessous d’un seuil de 10000 euros, si une activité criminelle est soupçonnée ;
  • et d’imposer une obligation de déclarer l’argent liquide « non accompagné », envoyé par cargo.

Par ailleurs, les députés ont demandé à la Commission européenne d’élaborer une législation pour parvenir à une convergence des sanctions résultant des contrôles d’argent liquide dans les États membres et d’étudier la possibilité de créer une cellule de renseignement financier au niveau de l’Union d’ici à 2019.

Le projet législatif a été adopté par 55 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

Prochaines étapes

Le texte doit encore être adopté par le Parlement dans son ensemble avant que les députés ne puissent lancer les négociations sur la législation avec les gouvernements de l’UE.

À savoir

  • À l’heure actuelle, on estime que 100000 déclarations de contrôle des mouvements d’argent liquide sont faites chaque année, pour un montant situé entre 60 à 70 milliards d’euros. Cependant, pendant la même période, quelque 11000 infractions sont décelées, pour un montant de 300 millions d’euros.
  • Selon les États membres, les terroristes de Daech transportent fréquemment des montants d’argent liquide en dessous du seuil de 10000 euros (environ 7000 euros) pour éviter d’être repérés.
  • Malgré le risque élevé que posent les monnaies virtuelles, comme le Bitcoin, elles ne sont pas incluses dans la définition d’ »argent liquide », les autorités douanières n’ayant pas les ressources nécessaires pour les contrôler.

Source : site officiel du Parlement européen