Récemment, nous avons publié une interview de Russell Napier dans laquelle il explique pourquoi il est passé dans le camp des inflationnistes. Désormais, c’est au tour de Michael Wilson, de Morgan Stanley, de développer le même raisonnement, à savoir qu’aujourd’hui, c’est le Congrès qui est le facteur principal de la croissance de la masse monétaire. Ce qui finira, tôt ou tard, par créer cette inflation tant convoitée :
Qui est vraiment aux commandes ?
« Alors que l’économie américaine et mondiale traverse l’une de ses pires récessions, la plupart des investisseurs avec qui nous échangeons rejettent nos avertissements concernant les risques d’inflation. Ils nous demandent comment nous pourrions avoir de l’inflation avec un chômage de plus de 10 %, ainsi qu’une suroffre dans des tas de secteurs, du pétrole à l’Horeca en passant par de nombreux services.
Si nous allons probablement observer de forts déséquilibres dans l’économie réelle pendant plusieurs trimestres, peut-être même des années, l’indicateur le plus significatif concernant l’inflation clignote déjà, à savoir la masse monétaire, ou M2. Il y a 50 ans, Milton Friedman a prononcé la phrase désormais célèbre : « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire. » Il est clair que nous n’avons jamais enregistré une telle hausse de la masse monétaire. Si M. Friedman a raison, le risque d’inflation n’est-il pas très élevé ? La hausse abrupte des métaux précieux suggère que les marchés envisagent cette possibilité.
Bien sûr, la masse monétaire avait également augmenté rapidement après la crise financière. L’inflation ne s’est jamais manifestée de façon significative par la suite. Ce fait a enhardi ceux qui pensent que la FED peut créer autant de monnaie qu’elle le souhaite sans générer d’inflation. En tout cas pas suffisamment pour provoquer une hausse des taux nominaux et à long terme. Vu la mauvaise évaluation du prix des actifs à taux longs, de l’embouteillage sur ces marchés, cela pourrait s’avérer être une supposition coûteuse.
Durant ces derniers mois, nous avons expliqué pourquoi nous pensons que la réponse à cette crise est fort différente de la précédente. Sur le front monétaire, la FED a réagi plus vite, et plus agressivement, en sortant son bazooka et en intervenant directement sur les marchés du crédit. En bref, elle a tout donné dès le début, sans montrer l’ombre d’une hésitation afin de soutenir les marchés et l’économie. Cette agressivité s’explique en partie par le fait que les 4 trillions de dollars de QE n’ont pas généré d’inflation significative. Cependant, cette fois la réponse fiscale est complètement différente.
- Tout d’abord, le gouvernement a envoyé directement de l’argent aux consommateurs et aux petites entreprises afin de soutenir l’économie. Ce qu’on appelle les hélicoptères monétaires.
- Deuxièmement, il est intervenu directement sur les marchés du crédit via les programmes PPP et Main Street Lending.
- Enfin, pour ce qui est probablement le facteur le plus important pour anticiper cette inflation, le Congrès a décidé de garantir des crédits accordés par des banques commerciales, ou encore d’offrir des délais de grâce pour les crédits hypothécaires et d’autres engagements, comme les loyers, via le CARES Act.
Selon moi, cela signifie que le Congrès est désormais un acteur critique de la croissance de la masse monétaire, alors que la FED s’est déjà engagée à augmenter la taille de son bilan autant qu’il le faudra afin de soutenir la reprise. La santé du système financier est également importante. La FED peut faire gonfler son bilan, mais cela ne débouchera pas nécessairement sur l’augmentation de la demande de l’inflation. C’est ce qui s’est passé après la crise financière de 2008. Vu que le système financier était disloqué, les banques n’étaient pas en position de prêter. En fait, elles ont réduit leur portefeuille de crédits. Cette fois-ci, les banques sont dans une bien meilleure position. Vu l’intervention du Congrès, il y a de réelles chances pour que le multiplicateur monétaire ne baisse pas beaucoup.
Enfin, les hélicoptères monétaires et autres programmes de stimulations sont populaires. Soit quelque chose que les politiciens apprécient. De ce fait, nous pensons qu’il est fortement improbable que le Congrès ne reconduise pas ces avantages sociaux qui sont négociés en pleine année électorale. Cela dit, cela ne signifie pas qu’il faut ignorer les incertitudes en attendant leur ratification. Cela pourrait peser sur les actions à court terme. C’est, à vrai dire, notre scénario, mais nous profiterions de cette faiblesse pour augmenter notre exposition aux actions, surtout dans les cycliques.
Pour conclure, le Congrès occupe désormais le siège du conducteur en ce qui concerne la croissance de la masse monétaire en raison des programmes fiscaux qui sont implémentés. Et comme Milton Friedman l’a dit, « il n’y a rien de plus permanent qu’un programme gouvernemental temporaire ». C’est potentiellement plus inflationniste qu’anticipé, ce qui signifie que les taux longs peuvent grimper. Très peu de portefeuilles sont préparés à une telle éventualité. Un tel basculement peut se matérialiser rapidement, lorsque l’on ne s’y attend pas. Ce qui nous ramène à l’une de nos citations préférées : « Être trop tôt, c’est être à l’heure, et ceux qui arrivent à l’heure sont en retard. »