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Scission des activités « banque commerciale » et « banque d’investissement » : l’Europe abandonne son projet

La branche exécutive de l’Union européenne, la Commission, vient de faire bien des heureux parmi les patrons des banques en abandonnant sa promesse faite il y a quelques années de séparation des activités des banques « too big to fail ».

« Malgré le risque énorme qu’ils posent au système financier européen branlant, les mastodontes européens du secteur bancaire tels que Deutsche Bank, BNP Paribas, ING et Santander peuvent pousser un ouf de soulagement, sachant qu’ils ne devront pas scinder leurs activités de banque de détail de leurs divisions d’investissement présentant des risques plus élevés.

La scission des activités des banques supprimerait un grand pan du risque posé par les banques garanties par le gouvernement, notamment concernant les produits dérivés et d’autres instruments financiers qui furent en grande partie à la base de la crise financière de 2008. Sans ces activités de type hedge fund et d’investissement, même les plus grosses banques auraient une envergure réduite, l’interconnexion entre les établissements financiers serait moindre, ce qui signifie qu’une faillite pourrait être entérinée sans mettre en danger l’ensemble du système financier.

D’après la Commission européenne, une telle mesure drastique n’est plus nécessaire vu que la raison principale derrière cette volonté de mettre à l’abri la banque de détail des activités d’investissement – soit de réduire le risque de désastre – a  »déjà fait l’objet de mesures adéquates avec la mise en place de nouvelles règles imposées au système bancaire ». Vous lisez bien : le système bancaire européen est déjà sûr, stable et sans danger. De Bloomberg :

«La proposition, qui n’avance plus depuis 2015, fut faite afin d’augmenter la stabilité financière et de protéger le contribuable d’éventuels plans de sauvetage futurs. Si la Commission affirme que cet objectif a été atteint via d’autres lois de supervision et de résolution, les élus socialistes derrière la proposition ne sont pas de cet avis.

Les mammouths bancaires too big to fail représentent toujours un danger pour la stabilité financière, pour les contribuables et pour leurs clients’, a écrit le social-démocrate allemand Jakob von Weizsaecker dans un communiqué. ‘L’abandon de cette proposition représente un virage malheureux dans l’agenda européen visant à encadrer les grandes banques.’

Le retrait de cette proposition est une victoire qu’attendait depuis longtemps le secteur bancaire, qui a déployé de gros efforts de lobbying à Bruxelles pour empêcher son adoption, notamment en affirmant que cela nuirait à la capacité des banques de contribuer à la croissance économique.» (…)

Comme Christian Stiefmueller le met en exergue, l’abandon de cette volonté d’encadrer les banques est «la preuve du contrôle total du lobby du secteur financier sur les gouvernements et les législateurs». C’est la raison pour laquelle l’une des causes les plus évidentes de la plus grande crise financière que nous ayons connue, soit la cohabitation d’instruments financiers à haut risque avec les actifs courants des banques commerciales (crédit hypothécaire, etc.), ne fait l’objet d’aucun contrôle, non seulement en Europe mais partout à travers le monde.

On a pu croire pendant un instant que l’administration Trump pourrait changer la donne. En avril, le conseiller économique de la Maison-Blanche et ancien président de Goldman Sachs Gary Cohn lâchait une véritable bombe en affirmant qu’il était largement en faveur de la scission des banques commerciales de toutes leurs autres activités bancaires, autrement dit à un grand retour de l’époque du Glass-Steagall Act.

La nouvelle que Cohn et Trump envisageaient de faire renaître la loi de ses cendres engendra des vagues de spéculations enthousiastes qui durèrent quelques semaines seulement, lorsque le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin fit revenir tout le monde les pieds sur terre d’un rappel à l’ordre orwellien. Durant son témoignage devant le comité bancaire du Sénat en mai, Mnuchin a déclaré que la séparation des banques commerciales et d’investissement «serait un problème très significatif pour les marchés financiers, l’économie et la liquidité». Et c’est ainsi que cette idée fut enterrée.

Il n’y a qu’un pays qui est allé plus loin en la matière : le Royaume-Uni. En 2011, le rapport Vickers a recommandé la séparation des activités d’investissement (produits dérivés, dettes et titres) des opérations bancaires commerciales (crédit hypothécaire, crédit aux entreprises, comptes bancaires, etc.).

Afin de s’assurer que les opérations bancaires ne seraient pas négativement impactées dans l’intervalle, le gouvernement britannique a donné aux banques jusqu’en 2019, soit 8 ans, pour implémenter la réforme. Mais cette date pourrait arriver trop tôt. Certaines banques espèrent que les conséquences négatives du Brexit sur l’économie repousseront la date fatidique.

Jusqu’à présent, la banque d’Angleterre est restée inflexible, insistant sur le fait que les banques britanniques doivent scinder leurs opérations au 1er janvier 2019, tandis que le plus gros de la restructuration est censée démarrer dès aujourd’hui pour se prolonger jusqu’à la mi 2018. On ne peut qu’espérer qu’il en ira ainsi. »

Article de Don Quijones, publié le 25 octobre 2017 sur WolfStreet.com

 

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