Les banques européennes viennent de remporter une nouvelle bataille clé régulatoire sur le front des créances douteuses. Une fois de plus, les citoyens de la zone euro sont les dindons de la farce, aussi bien sous leur casquette de contribuables que de clients.

Ces crédits non-performants sont un problème de longue date pour les banques européennes. Selon le dernier compte, ils s’élevaient à 759 milliards d’euros, soit 5,15 % de l’ensemble des crédits. À titre de comparaison, ses ratios en 2016 étaient de 1,3 % au Royaume-Uni et de 0,9 % aux États-Unis. Actuellement, 6 des 19 pays de la zone euro affichent un taux de crédits non-performants supérieur à 10 % :

  • Irlande : 12,8 % (15,8 % auparavant) ;
  • Italie : 11,8 % (16,6 % en 2016) ;
  • Portugal : 18,2 % (19,2 % en 2016) ;
  • Slovénie : 13,6 % (19,7 % en 2016) ;
  • Grèce : 46,6 % (même chiffre que 2016) ;
  • Chypre : 34 % (49 % en 2016).

Après des années de grandes promesses pour enfin s’attaquer au problème des crédits non-performants de gravité variable qui se trouvent sur les bilans des banques européennes, la Commission européenne et la BCE viennent de dévoiler leur dernier cadre régulatoire… qui est tout sauf contraignant pour les banques.

La réforme poursuit 4 objectifs principaux :

  • S’assurer que les banques disposent de provisions suffisantes pour endiguer les risques potentiels posés par la dégradation future de ces prêts ;
  • Encourager le développement d’un marché secondaire sur lequel les banques pourraient vendre leurs crédits non-performants ;
  • Faciliter le recouvrement des dettes, en complément aux mesures annoncées en novembre 2016 concernant l’insolvabilité et la proposition de restructuration des entreprises. C’est particulièrement crucial pour l’Italie, un pays dans lequel des années sont parfois nécessaires pour récupérer une dette impayée ;
  • Fournir aux États membres un cadre, bien que non-contraignant, concernant l’établissement de société de gestion d’actifs, ou d’autres mesures pour traiter le problème des crédits non-performants.

De prime abord, ces réformes semblent raisonnables, peut-être même louables, mais en réalité elle représente une retraite par rapport à la proposition d’origine, qui en appelait à une gestion plus rigoureuse des créances douteuses. Durant des années, la BCE a promis des mesures dures. Mais en novembre dernier, le Parlement européen a accusé la BCE d’outrepasser son autorité lorsqu’elle envisageait d’imposer « des règles contraignantes d’ordre général applicables à toutes les banques » qu’elle supervise.

Les lobbys bancaires ainsi que certains gouvernements, dont celui de l’Italie, craignaient un impact négatif de ces mesures pour les banques. Ils ont donc exercé d’énormes pressions pour empêcher une telle issue. Au vu de ce qui a été annoncé, ils ont apparemment gagné.

Les nouvelles règles de la BCE, que l’on attendait depuis longtemps, devaient entrer en vigueur le 1er avril, mais le superviseur a déjà annoncé que l’implémentation serait repoussée pour plusieurs années, soit le temps pour les banques de constituer les provisions nécessaires. Les banques disposeront de 2 années pour totalement provisionner les créances douteuses non-sécurisées. Pour les créances sécurisées, le délai est porté jusqu’à 8 ans. (…)

La BCE a également indiqué que les règles ne sont pas contraignantes. Elles serviront simplement de cadre de dialogue avec les banques à propos de leurs provisions.

En résumé, toutes les banques ne seront pas traitées de la même façon, les nouvelles règles ne sont pas contraignantes et n’entreront de toute façon pas en vigueur avant au moins 2021. (….)

Tandis que les banques ont reçu un délai de 2 ans et demi pour prendre des mesures, dans la limite de ce délai elles pourraient très bien recevoir un gros coup de pouce de la part des contribuables. Car parmi les propositions de création de « bad banks » ou de sociétés de gestion d’actifs qui achèteraient aux banques leurs créances douteuses, la BCE prévoit la possibilité pour les États de fournir des liquidités pour favoriser la création de ces entités, mais sous certaines conditions et en tant que « solution exceptionnelle ». (…) »

Article de Don Quijones, publié le 20 mars 2018 sur WolfStreet.com