La BCE, probablement l’institution européenne la plus puissante et qui a le moins de comptes à rendre, souhaite apparemment davantage de pouvoirs d’après la Française Danièle Nouy, superviseuse en chef de la banque. Elle souhaite notamment s’octroyer le droit d’empêcher les gens de toucher à l’argent qui se trouve sur leur compte en banque si leur institution est en difficulté, y compris l’interdiction d’effectuer des virements électroniques.

« À mon avis… l’introduction de la capacité de la BCE d’imposer un moratoire adéquat est nécessaire afin de réagir avec la flexibilité nécessaire lorsque la situation d’une banque se détériore rapidement », a écrit Nouy dans une lettre adressée à un membre du Parlement européen. « Vu le potentiel de développement rapide de crises de liquidité, un outil de type moratoire pourrait être nécessaire afin de s’assurer d’un délai suffisant pour trouver une solution crédible », a ajouté Nouy, pour préciser ensuite que la BCE publiera bientôt un papier clarifiant sa position sur le sujet.

L’effondrement et le sauvetage récent de la banque espagnole Banco Popular et de la banque italienne Monte dei Paschi a poussé dans le dos cette velléité de contrôle sur laquelle la BCE travaille discrètement depuis un moment.

Fin de l’année dernière, la Commission européenne, la même entité qui souhaite imposer des limites toujours plus draconiennes à l’utilisation de l’argent liquide en Europe, a proposé de donner au superviseur du secteur bancaire l’autorité de suspendre certains retraits et certains paiements à l’occasion de circonstances exceptionnelles.

Pas suffisant pour contenter les hauts responsables de la BCE. Alors que la proposition de la Commission exclut les dépôts de moins de 100 000 € qui sont garantis par les gouvernements nationaux, le Single Resolution Board a averti que de grandes quantités d’argent pourraient quitter la banque en cas de moratoire « excessivement étroit ».

De ce fait, si cette nouvelle proposition est validée (et vu que son approbation échappe grandement au contrôle démocratique, c’est plus ou moins garanti), les montants garantis pourraient être gelés jusqu’à 5 jours ouvrés, d’après un document estonien que s’est récemment procuré Reuters. Le gel pourrait même être prolongé jusqu’à 20 jours « en cas de circonstances exceptionnelles » (note : en bref, argent gelé un mois calendrier si votre banque est en faillite technique).

Ces plans en catimini ont lieu alors que l’on nous dit que la performance économique européenne s’améliore. Vendredi, le patron de la BCE, Mario Draghi, a vanté la fermeté de la reprise mondiale avec une zone euro apparemment aux avant-postes. Sans oublier, bien entendu, d’insister sur la nécessité de poursuivre des « politiques monétaires significatives ». (…)

Comme Jim McCaughan, CEO de Principal Global Investors, l’a déclaré à Bloomberg, le système bancaire européen dans son ensemble, et les banques italiennes en particulier, affiche des niveaux de capitalisation discutables qui pourraient être problématiques durant la prochaine récession économique. « Pour de nombreuses banques, la prospérité dépend beaucoup de la continuité de cet élan économique positif », a déclaré McCaughan.

La poursuite de notre réalité actuelle est pourtant loin d’être garantie, vu qu’elle dépend presque intégralement du support monétaire continu fourni par la BCE via sa politique des taux négatifs et de ses achats d’actifs qui ont fait de son bilan le plus boursouflé de la planète « banques centrales ».

La BCE sait pertinemment que d’autres banques vont s’effondrer. C’est pourquoi elle prend des mesures préventives dès maintenant afin de s’assurer que lorsque la prochaine grande banque vacillera, elle pourra geler les dépôts, qu’ils soient garantis ou non. Tandis que des millions d’Européens ne se doutent de rien, la BCE est furtivement en train de cerner leur épargne.

Article de Don Quijones, publié le 5 septembre 2017 sur WolfStreet.com