C’est il y a bien longtemps, en 1995, que j’ai compris les problèmes qui se posent au système monétaire actuel, basé sur le dollar papier en tant que monnaie de référence. Soit lorsque le Mexique plongeait dans une nouvelle crise financière.

Je ne savais pas qu’un économiste répondant au nom de Triffin avait déjà mis en évidence ce problème, son analyse s’étant fait connaître sous le nom du « dilemme de Triffin ».

Le problème, qui est très simple, est le suivant.

Si le dollar, dans sa configuration actuelle, est la base du système monétaire international et qu’il est donc nécessaire pour constituer les réserves des banques centrales, il n’existe qu’une façon pour celles-ci de se les procurer. C’est-à-dire que les entreprises des pays concernés doivent vendre des produits à des tarifs inférieurs que leurs homologues américains afin de pouvoir obtenir des dollars. Autrement dit, ces pays sont obligés de produire un excédent commercial avec les États-Unis, soit de vendre plus de produits en dollars qu’ils en achètent. La différence, qui se matérialise sous la forme du déficit commercial américain, permet aux banques centrales du monde entier de constituer leurs réserves.

En conséquence, si Donald Trump souhaite réduire, ou même mettre un terme au déficit commercial des États-Unis comme il le voudrait, cela signifie que les banques centrales du monde entier auront beaucoup de mal à obtenir des dollars pour constituer leurs réserves. Apparemment, Monsieur Trump ne souhaite pas que les banques centrales de la planète disposent de réserves en dollars vu qu’il leur complique la tâche.

Ce système monétaire international axé sur le dollar papier a eu des conséquences inattendues aux États-Unis : sur base de ce système, ce pays obtient des biens et des services de l’étranger en échange de papier, une pratique qui est fondamentalement frauduleuse. Désormais, cette escroquerie produit un retour de bâton aux États-Unis, ce qui n’était pas non plus attendu.

Cette conséquence surprise du dilemme de Triffin est la désindustrialisation des États-Unis, provoquée par la concurrence de l’étranger ayant un besoin vital en dollars américains.

Monsieur Trump, avec ses droits de douane destinés à réduire le déficit commercial américain, est en train de se mettre à dos le reste du monde. Il ne comprend apparemment pas que ce déficit commercial est une caractéristique inhérente au modèle économique américain. Il s’agit du système : les banques centrales étrangères ont besoin d’accumuler du dollar. Les USA en produisent et obtiennent des biens en retour.

Il n’existe qu’une seule façon pour les États-Unis de se débarrasser de leurs déficits commerciaux récurrents et d’enregistrer à nouveau des gains de productivité : abandonner le système monétaire international actuel dérivé des accords de Bretton Woods de 1944 et retourner au standard or.

Dans un tel système, les déficits commerciaux récurrents n’existent pas. Car les importations comme les exportations doivent être payées en or (note : et comme l’école autrichienne l’explique, la baisse de l’or disponible dans un pays suite à l’enregistrement d’un déficit commercial engendre des coûts de production plus bas, des prix plus compétitifs et un rééquilibrage naturel de la balance commerciale).

D’où la question qui me taraude : est-ce que la « folie de Trump » est destinée à préparer le retour du standard or aux États-Unis ? Est-ce ce qu’il souhaite sans l’annoncer ? Car s’il continue de miner le statut de monnaie de réserve internationale du dollar comme il le fait en empêchant les banques centrales étrangères d’obtenir des dollars, c’est ce qu’il risque de se produire.

Source : article de Hugo Salinas Price, publié le 14 juin 2018 sur plata.com.mx