En Russie comme ailleurs, la fragilité du système bancaire est telle que les autorités ne laisseront jamais faire une banque majeure faire faillite, sans quoi le système s’effondrerait comme un château de cartes. Illustration avec la banque Otkritie, qui a mené une politique d’expansion imprudente financée par de la dette tout en manipulant ses comptes et qui s’est désormais tournée vers la Banque centrale russe pour qu’elle répare les dégâts. Comme si vous empruntiez de l’argent pour aller jouer au casino puis que vous vous présentiez à la banque centrale pour qu’elle éponge vos pertes :

Conformément au modus operandi régissant les sauvetages bancaires, la Banque centrale de Russie a décidé de voler à la rescousse de Bank Otkritie Financial Corporation, septième banque russe derrière 6 banques étatiques et donc plus gros établissement bancaire privé.

La Banque centrale russe a injecté un montant qui n’a pas été dévoilé en échange de 75 % des parts de la banque. C’est probablement la plus grosse opération de sauvetage bancaire de l’histoire de la Russie, qui devrait être supérieure aux 6,7 milliards de dollars qui furent nécessaires pour sauver la banque de Moscou en 2011.

Otkritie et ses agences fonctionnent normalement, a déclaré la banque centrale. Les obligations envers les créditeurs et les porteurs d’obligations, qui incluent d’autres banques russes, seront honorées afin d’éviter toute contagion.

L’investisseur majoritaire de la banque était Otkritie Holding, avec une participation de 65 %. La banque avait grandi à travers des acquisitions sauvages, absorbant d’autres banques, des assureurs ainsi que l’une des entreprises russes les plus prestigieuses, le second producteur de pétrole du pays Lukoil. Otkritie Holding appartient à des dirigeants de Lukoil, de la banque d’État VTB et d’autres sociétés. Cette institution bancaire fait donc clairement partie des banques « Too Big To Fail ». (…)

Depuis 2013, la Banque centrale russe, qui remplit également le rôle de régulateur du secteur bancaire, a fermé plus de 300 banques dans le but d’assainir le secteur. En juillet, elle a notamment révoqué la licence bancaire de Yugra, banque accusée d’avoir falsifié ses comptes. (…)

Le président adjoint de la banque centrale, Dmitry Tulin, a déclaré que l’expansion d’Otkritie « a été financée par de la dette. De gros risques ont été pris. Les opérations de la banque sont liées à de gros risques et cela doit être sérieusement changé ».

La banque centrale va désormais évaluer la situation d’Otkritie en termes de capital et des pertes à provisionner sur les créances douteuses, ce qui pourrait prendre 3 mois. Si la banque s’avère être dans le rouge, les actionnaires d’Otkritie pourraient voir leurs titres se volatiliser.

Sur papier, la situation de la banque ne semblait pas si mauvaise que cela. En 2016, son ratio de crédits non performants était de 7,5 % tandis que son ratio de capital de catégorie 1 s’élevait à 12,3 % selon les standards comptables russes. Soit un chiffre au-dessus du seuil légal. Mais qu’en était-il de la réalité ?

« Le capital déclaré dans les rapports précédents semble avoir été significativement surévalué », a déclaré Tulin. « Arrivés à un certain point, les propriétaires de la banque ont réalisé qu’ils étaient dans l’incapacité de régler seuls leurs soucis de capitalisation. Ils se sont alors tournés vers la banque centrale en proposant de démarrer des discussions concernant des mesures de réhabilitation financière. »

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