La semaine dernière, la FED a poursuivi sur le chemin de la normalisation, comme attendu, en relevant son taux directeur de 0,25 %. Selon nous, cette décision était totalement justifiée malgré les reproches de nombreux commentateurs en raison de la déception concernant les chiffres de l’inflation.

Nous pensons que les mandats de la FED concernant l’emploi et l’inflation ont été entièrement atteints si on évalue l’environnement actuel dans le bon contexte. Les politiques monétaires sont censées anticiper, elles ne doivent pas être basées sur des chiffres décevants à court terme.

Il est également important de reconnaître que la FED normalise un taux qui se trouvait à des niveaux extrêmement bas afin de pouvoir effectuer des ajustements si l’inflation devait continuer à décevoir. À raison, la FED a reconnu les lacunes de l’inflation actuelle tout en affirmant clairement qu’elle pourrait agir dans le futur.

Pourtant, nous estimons que l’obsession excessive de certains observateurs concernant l’objectif d’inflation de 2 % de la FED est déplacée. Cet objectif de 2 % n’a été adopté que récemment, en 2012. Avant cela, la banque centrale n’avait aucun souci avec une inflation légèrement inférieure à 2 % tout en n’hésitant pas à ignorer de petites variations par rapport à la fourchette désirée.

Aujourd’hui, les énormes changements technologiques et les tendances démographiques à long terme sont en train de bouleverser le paysage de l’inflation. Nous pensons donc que les investisseurs comme les décideurs doivent abandonner une vision trop rigide des variations de prix.

Historiquement, l’innovation technologique s’est avérée être déflationniste, effectuant des pressions baissières sur les prix. C’est évident avec le graphique ci-dessous, qui met en exergue la grosse baisse du coût de l’informatique et du stockage numérique durant les 60 dernières années. Sur base du graphique ci-dessous, un iPhone valorisé selon le prix de l’espace de stockage et de la puissance de calcul par dollar vaut 1,44 million par téléphone. Aujourd’hui, un iPhone se vend bien moins cher.

L’innovation technologique bouleverse les business models traditionnels de nombreux secteurs, plafonnant les prix et influençant l’inflation en général. Par exemple, voyez la liste des secteurs qui sont mis à mal par les applications d’un iPhone : téléphone traditionnel, fax, radio, appareil photo, montre, GPS, calculette, TV, dictaphone, horloge, lecteur CD, encyclopédie, console de jeux, lecteur de DVD, équipement de vidéoconférence, magasins physiques, journaux, bloc-notes, album photo, Rolodex, taxis (Uber), billetterie, etc.

Nous pensons que les pressions baissières sur les prix engendrés par la technologie expliquent en partie les niveaux d’inflation décevants. Par exemple, nous avons connu récemment de grosses baisses des prix de la téléphonie mobile alors que les opérateurs se livrent une guerre des prix féroces pour attirer les clients en introduisant des forfaits illimités pour gagner, ou simplement maintenir, leurs parts de marché. Cela a débouché sur une baisse de 13 % des prix de la téléphonie mobile aux États-Unis en un an, ce qui pèse à la marge sur les derniers chiffres de l’inflation CPI.

Clairement, nous allons suivre de plus près les chiffres des CPI futurs alors que les facteurs influencés par la technologie continuent de fournir un vent contraire.

Le vieillissement de la population mondiale, simultanément, devrait se poursuivre, tout comme la baisse de l’inflation. Une population vieillissante prend plus souvent de l’économie qu’elle ne donne.

L’inflation, et sa manière d’impacter la consommation et les investissements, varie radicalement d’un secteur à l’autre (par exemple la baisse des prix des transports, des équipements et de l’alimentation VS la hausse constante des prix des services). Le mandat de la FED de 2 % concerne la stabilité générale des prix. Il est de plus en plus difficile à honorer vu le changement de paradigme provoqué par le commerce en ligne.

Désormais, afin de comprendre les niveaux appropriés à long terme des taux et de l’inflation, les décideurs et les investisseurs doivent se focaliser sur les tendances générales qui transforment le paysage de l’inflation. (…) »

Article de Rick Rieder, CIO de BlackRock, publié le 21 juin 2017 sur blackrockblog.com