Si les problèmes de liquidités du dollar, qui poussent la FED à intervenir tant et plus, sont le dossier important du jour (lire à ce propos l’article de Charles Sannat d’Insolentiae, qui propose une explication intéressante), le système financier doit faire face à d’autres menaces, comme celle des leveraged loans. Ambrose Evans-Pritchard, du Telegraph, nous en dit plus sur cette tautologie utilisée pour qualifier des crédits très risqués à des entreprises à la dérive (mise en gras par nos soins) :

La BRI met en garde contre les excès à la Lehman qui ont lieu sur les marchés du crédit

La montée en puissance des leveraged loans en cette fin de cycle n’est pas sans rappeler l’ingénierie financière qui a mené à la crise Lehman et qui pourrait engendrer une cascade de ventes paniquées si les conditions devaient se resserrer, avertit la BRI.

La Banque des règlements internationaux affirme que ces crédits très risqués ont atteint la somme de 1,4 trillion. Ils ne cessent d’être découpés et redécoupés, un peu comme les crédits hypothécaires subprime le furent avant 2007. Ils sont intégrés dans des instruments que l’on appelle CLO à des fonds inconnus.

Les leveraged loans sont une forme de crédit qui est accordé à des entreprises très endettées dont la note est junk. Ces crédits concernent à 60 % des sociétés dont la dette est 5 fois supérieure à leurs bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements, et à 30 % des entreprises dans une situation encore plus précaire. Ces sociétés seront en danger au moindre soubresaut des marchés du crédit.

Le nombre de contrats sans protection est passé de 20 à 80 % depuis 2012 alors que les investisseurs prennent de plus en plus de risques pour empocher du rendement. Cela signifie qu’en cas de vague de défauts, le pourcentage des pertes sur ces crédits pourrait être extrêmement élevé.

Cela ressemble furieusement aux évolutions du marché de la dette subprime, lorsque la qualité des contrats s’effondra au pic du boom de cette classe d’actifs. (…) Aujourd’hui, le poids des CLO est plus ou moins similaire à celui des CDO durant la saga Lehman.

leveraged loans

Ruée sur les retraits de fonds

Certains fonds possèdent ces actifs illiquides dans leur portefeuille. Malgré cela, ils permettent à leurs investisseurs de retirer quotidiennement des fonds, ce qui est potentiellement dangereux. « Durant les périodes de stress, les investisseurs peuvent se ruer afin de vendre leurs parts, ce qui assèche rapidement les marges de sécurité en liquidités de ces fonds. Cela pourrait déboucher sur des ventes paniquées », a écrit la BRI dans son rapport trimestriel. (…)

Les banques paraissent beaucoup plus solides aujourd’hui (note : les opérations constantes de repo de la FED indiquent que certaines sont en difficulté). Néanmoins, elles possèdent pour au moins 250 milliards de CLO. De plus, le risque est fortement concentré parmi une poignée d’institutions américaines et japonaises. (…)

Fitch Ratings a également mis en exergue le risque grandissant posé par les CLO et les leveraged loans dans son rapport du mois dernier. Il affirme que les institutions non bancaires se sont impliquées de façon agressive sur ce secteur :

« Le risque de liquidité pourrait être particulièrement aigu pour les fonds ouverts qui ont accumulé les leveraged loans les moins liquides. L’écart temporel structurel entre les maturités de ces actifs et des ventes de parts rend les perspectives de ventes paniquées possibles. » (…)

L’exposition de Stifel Financial représente presque 200 % de ses fonds propres de base (tiers 1). Cette exposition est de 160 % pour Banc of California. La BCE a déclaré que 4 institutions sous sa juridiction ont une exposition supérieure à 50 %, pour un total de 321 milliards de dollars pour l’ensemble du secteur bancaire européen. L’exposition de la japonaise Norinchukin est de 130 %.

Les premières victimes

Des victimes apparaissent déjà sur ce marché. Un crédit accordé l’année dernière à Envision s’échange à 78 centimes le dollar. Murray Energy a perdu 50 % de sa valeur. Selon la Loan Syndications and Trading Association, pour 107 milliards de leveraged loans s’échangent déjà à moins de 90 centimes le dollar.

Cependant, ce type de financement est de plus en plus compliqué à obtenir. Del Frisco a dû payer 7 % de plus que le Libor ce mois. (…)

La semaine dernière, la FED a découvert qu’une décennie de mesures extrêmes a faussé un système financier devenu accro aux liquidités permanentes. Elle marche sur des œufs.