Un article récent du Financial Times intitulé « La leçon des Abenomics aux pays riches » affirme que l’expérience démarrée par le Premier ministre japonais Shinzo Abe au début des années 2010 devrait servir d’avertissement significatif pour les pays riches. Malheureusement, les leçons tirées par l’article sont plutôt décevantes. Elles affirment principalement que les banques centrales peuvent faire bien plus que ce que font la BCE et la FED. Le Japon n’irait pas si mal que cela. Je ne suis pas d’accord.
L’échec des Abenomics est phénoménal. Le bilan de la Banque centrale du Japon est supérieur à 100 % du PIB du pays, la banque centrale possède près de 70 % des ETF japonais et elle fait partie des 10 plus gros actionnaires de la plupart des grandes sociétés du Nikkei. La dette du Japon a grimpé jusqu’à 236 % de son PIB. Et malgré les taux ultra bas, le gouvernement dépense presque 22 % de son budget au remboursement des intérêts de sa dette. Tout ça pour ça ?
Aucun des objectifs poursuivis par cette énorme expérience monétaire, baptisée de façon créative QQE (assouplissement quantitatif et qualitatif), n’a été atteint, et de loin. La croissance japonaise devrait être l’une des plus faibles du monde en 2020, d’après le FMI. Le pays ne cesse de louper ses objectifs en termes d’inflation et de croissance alors que le bilan de sa banque centrale gonfle.
Cela fait des années que les salaires réels stagnent, que l’activité économique est faiblarde, comme elle le fut durant ces 2 dernières décennies de stimulations permanentes.
Les grandes leçons que devraient tirer les pays développés du Japon sont les suivantes :
- Aucun pays ne peut régler ses problèmes démographiques et de productivité avec de la dette et de la création monétaire. Cela ne fait que repousser les problèmes tout en affaiblissant davantage l’économie via une stagnation permanente ;
- Les défis technologiques et productifs ne peuvent être résolus en encourageant les mauvais investissements et la dette publique. Il s’agit d’un transfert permanent et massif du productif vers le non-productif. Ce qui fait stagner les secteurs à haute productivité tout en maintenant en vie des zombies ;
- Faire la même chose sous un autre nom ne changera rien au résultat. Renommer une politique identique ne générera pas d’enthousiasme parmi les citoyens.
Le mauvais diagnostic ne fera qu’empirer la situation. Lorsque le gouvernement est cerné par des économistes qui lui disent que l’excès d’épargne est le problème, le gouvernement finira par décider d’augmenter les taxes pour attaquer encore plus la consommation. Avec une dette privée de 221 % du PIB, le Japon a beaucoup de problèmes, mais sûrement pas un excès d’épargne.
S’ils abandonnent les réformes structurelles, cela ne pourra être que pire. Le QQE du Japon se base sur 3 « flèches » :
- Les politiques monétaires ;
- Les dépenses publiques ;
- Les réformes structurelles.
Je vous laisse deviner quelle flèche n’a pas été sortie du carcan. En effet, les réformes structurelles n’ont jamais eu lieu. Et quand il y eut des réformes, elles prirent la forme de hausse des impôts et d’interventionnisme, soit tout le contraire de ce qui était nécessaire.
La grande leçon du Japon, c’est que les politiques monétaires et fiscales ne peuvent pas relancer une économie, améliorer la croissance ou la productivité. Elles ne peuvent que perpétuer les déséquilibres engendrés par les interventions excessives du gouvernement, transférer de la richesse des travailleurs et de l’épargne vers le gouvernement et les bénéficiaires de la dette.
La conclusion est que 2 plus 2 n’est pas égal à 22. La véritable leçon du Japon, c’est que les planificateurs centraux vont continuer à préférer la nationalisation graduelle de l’économie avant même de considérer une réduction modérée du poids du gouvernement et de son contrôle sur l’économie. Au final, la croissance sera quasi nulle, la productivité pauvre et le mécontentement grandissant. Mais la machine bureaucratique pourra être préservée…